L’Essentiel : Un locataire a déposé une requête le 23 septembre 2024 auprès du juge de l’exécution, sollicitant un délai de 36 mois avant son expulsion, suite à un jugement du tribunal judiciaire ordonnant son expulsion après un commandement de quitter les lieux. Lors de l’audience, le locataire a demandé un délai de 8 mois, affirmant que les nuisances avaient cessé. En revanche, le bailleur a contesté cette demande, soutenant que le locataire continuait à causer des nuisances. Le juge a conclu que le locataire ne remplissait pas les conditions pour bénéficier d’un délai de relogement et a débouté sa demande.
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Contexte de la demandeMonsieur [W] [T] a déposé une requête le 23 septembre 2024 auprès du juge de l’exécution du Mans, sollicitant un délai de 36 mois avant son expulsion, suite à un jugement du tribunal judiciaire du Mans du 10 mai 2024. Ce jugement avait ordonné son expulsion après qu’un commandement de quitter les lieux lui ait été signifié le 26 août 2024, à la demande de la SA MANCELLE D’HABITATION, pour un local à usage d’habitation. Déclarations des partiesLors de l’audience du 16 décembre 2024, les deux parties ont convenu de la compétence du juge de l’exécution. Monsieur [T], représenté par son avocat, a demandé un délai de 8 mois avant son expulsion, affirmant que les nuisances liées à son alcoolisme avaient cessé et qu’il ne devait aucune dette à son bailleur. En revanche, la SA MANCELLE D’HABITATION a contesté cette demande, soutenant que Monsieur [T] continuait à causer des nuisances sonores et à être menaçant envers ses voisins. Arguments et preuves présentésMonsieur [T] a produit des attestations de suivi médical pour prouver son amélioration, mais la SA MANCELLE D’HABITATION a également fourni des témoignages récents attestant de la persistance des nuisances. Le juge a noté que les troubles de voisinage avaient été documentés par 19 plaintes depuis 2019, et que l’expulsion n’était pas liée à des loyers impayés. Décision du jugeLe juge a conclu que Monsieur [T] ne remplissait pas les conditions pour bénéficier d’un délai de relogement, en raison de son comportement perturbateur persistant et de l’absence de démarches de relogement. Par conséquent, il a débouté Monsieur [T] de sa demande de délai pour quitter les lieux. Conséquences financièresMonsieur [T] a été condamné à payer 800 € à la SA MANCELLE D’HABITATION au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, et il a également été chargé des dépens de la procédure. Les décisions du juge de l’exécution ont été déclarées exécutoires de droit. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les conditions pour obtenir un délai avant expulsion selon le Code des procédures civiles d’exécution ?Selon l’article L. 412-3 du Code des procédures civiles d’exécution, le juge de l’exécution peut accorder des délais renouvelables aux occupants de locaux d’habitation ou à usage professionnel, dont l’expulsion a été ordonnée judiciairement, chaque fois que le relogement des intéressés ne pourra avoir lieu dans des conditions normales, sans que lesdits occupants aient à justifier d’un titre à l’origine de l’occupation. De plus, l’article L. 412-4 précise que la durée des délais ne peut être inférieure à un mois ni supérieure à un an. Pour la fixation de ces délais, il est tenu compte de la bonne ou mauvaise volonté manifestée par l’occupant dans l’exécution de ses obligations, des situations respectives du propriétaire et de l’occupant, notamment en ce qui concerne l’âge, l’état de santé, la qualité de sinistré par faits de guerre, la situation de famille ou de fortune de chacun d’eux, ainsi que des diligences que l’occupant justifie avoir faites en vue de son relogement. Quel est le fondement juridique de la résiliation du bail dans cette affaire ?La résiliation du bail a été prononcée par le tribunal judiciaire du Mans, Pôle Proximité et Protection, par jugement en date du 10 mai 2024. Ce jugement a notamment prononcé la résiliation du bail conclu entre la SA MANCELLE D’HABITATION et l’occupant, en raison de graves troubles de voisinage causés par ce dernier depuis 2019. Il est important de noter que l’expulsion n’a pas été ordonnée en raison de loyers impayés, mais bien à cause des nuisances sonores et des comportements perturbateurs, comme en attestent les 19 plaintes émanant de 6 personnes différentes. Ainsi, la résiliation du bail repose sur des éléments factuels et des témoignages qui démontrent un comportement inacceptable de l’occupant. Comment le juge évalue-t-il la bonne volonté de l’occupant dans l’exécution de ses obligations ?Le juge évalue la bonne volonté de l’occupant en tenant compte des éléments de preuve fournis par ce dernier, notamment des attestations de suivi médical ou des témoignages de voisins. Cependant, dans cette affaire, le juge a constaté que les éléments présentés par l’occupant, tels que des attestations de suivi auprès d’un établissement de santé, ne suffisent pas à démontrer une réelle amélioration de son comportement. En effet, ces éléments sont en contradiction avec les plaintes et les témoignages qui ont conduit à la résiliation du bail. Le juge a également noté que l’occupant ne justifiait d’aucune démarche de relogement, ce qui est un critère important dans l’évaluation de sa bonne volonté. Quelles sont les conséquences financières pour l’occupant suite à cette décision ?Conformément à l’article 696 du Code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, sauf décision motivée du juge. Dans cette affaire, l’occupant a succombé à sa demande et sera donc condamné à payer les dépens de la procédure. De plus, en application de l’article 700 du Code de procédure civile, le juge a condamné l’occupant à verser à la SA MANCELLE D’HABITATION la somme de 800 euros pour couvrir les frais exposés et non compris dans les dépens. Ces décisions financières soulignent la responsabilité de l’occupant dans le cadre de la procédure judiciaire et les conséquences de son comportement perturbateur. |
DOSSIER N° RG 24/02599 – N° Portalis DB2N-W-B7I-III3
AFFAIRE : [W] [T] / S.A. MANCELLE D’HABITATION
TRIBUNAL JUDICIAIRE DU MANS
JUGEMENT DU 06 FEVRIER 2025
COMPOSITION DU TRIBUNAL
JUGE DE L’EXÉCUTION : Loïc WAROUX
GREFFIÈRE : Isabelle BUSSON
DEMANDEUR
Monsieur [W] [T]
né le 18 Septembre 1963 à [Localité 4],
demeurant [Adresse 1]
représenté par Maître Jeanne BENGONO membre de la SELARL SELARL BENGONO AVOCAT, avocate au barreau du MANS, substituée par Maître Saidou BALDE, avocat au barreau du MANS
DEFENDERESSE
S.A. MANCELLE D’HABITATION,
dont le siège social est sis [Adresse 2]
représentée par Maître Jean-Philippe PELTIER membre de la SCP PELTIER & CALDERERO, avocat au barreau du MANS
Le Tribunal après avoir entendu les parties et leurs avocats en leurs conclusions à l’audience du 16 Décembre 2024 a mis l’affaire en délibéré et indiqué que serait rendu le 06 Février 2025 par mise à disposition au greffe le jugement dont la teneur suit :
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CE à Me BENGONO, Me PELTIER,
+ CCC aux parties en LRAR + LS,
+ CCC à l’huissier en LS,
le :
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RG n°24/02599
Selon requête enregistrée par le greffe le 23 septembre 2024, Monsieur [W] [T] a saisi le juge de l’exécution du Mans d’une demande tendant à obtenir un délai de 36 mois avant son expulsion prononcée à son encontre par jugement du tribunal judiciaire du Mans, Pôle Proximité et Protection, du 10 mai 2024 et après signification d’un commandement de quitter les lieux qui lui a été délivré le 26 août 2024 à la requête dela SA MANCELLE DHABITATION, pour le local à usage d’habitation occupé au [Adresse 1] à [Localité 3].
À l’audience du 16 décembre 2024, les deux parties ont déclaré ne pas soulever l’incompétence matérielle du juge de l’exécution après la décision n° 2023-1068 du conseil constitutionnel en date du 17 novembre 2023, la dépêche de la direction des services judiciaires – direction des affaires civiles et du sceau en date du 28 novembre 2024 et la note complémentaire de cette même direction du 05 décembre 2024.
Monsieur [W] [T], représenté par son conseil, a développé ses conclusions aux termes desquelles il sollicite :
d’être déclaré recevable et bien fondé en ses demandes ;qu’il lui soit accordé un délai de 8 mois avant son expulsion ;que la SA MANCELLE D’HABITATION soit déboutée de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions ;qu’il soit statué ce que de droit en ce qui concerne les dépens.
Il affirme que les nuisances liées à son alcoolisme qui lui ont été reprochées et qui lui ont valu d’être assigné en résiliation de bail, avaient cessé dès avant le prononcé du jugement d’expulsion, ayant entamé une démarche de soins, de sorte qu’il jouit désormais paisiblement de son logement en raison de la stabilité de son humeur.
Il ajoute n’être redevable d’aucune dette envers son bailleur.
La SA MANCELLE D’HABITATION, représentée par son conseil, a développé ses conclusions n° 1 aux termes desquelles elle sollicite :
que Monsieur [T] soit déclaré irrecevable et en tout cas malfondé en son action ;que ses demandes, fins et conclusions soient rejetées ;que Monsieur [T] soit condamné à lui payer la somme de 1 500 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens.
Elle s’oppose à la demande de délai formulée par Monsieur [T], soutenant qu’il provoque des nuisances sonores qui troublent tout le voisinage depuis plusieurs années en raison de son alcoolisme, le rendant notamment menaçant envers ses voisins et hermétique au rappel de ses obligations. Elle ajoute que ce comportement persiste, ainsi qu’en attestent des voisins postérieurement au jugement d’expulsion.
Pour un plus ample exposé des moyens de fait et de droit au soutien des prétentions des parties, il convient de se référer à leurs écritures conformément aux dispositions de l’article 455 du Code de procédure civile.
1°) Sur la demande principale
Aux termes de l’article L. 412-3 du Code des procédures civiles d’exécution, le juge de l’exécution du lieu de situation de l’immeuble peut accorder des délais renouvelables aux occupants de locaux d’habitation ou à usage professionnel, dont l’expulsion aura été ordonnée judiciairement, chaque fois que le relogement des intéressés ne pourra avoir lieu dans des conditions normales, sans que lesdits occupants aient à justifier d’un titre à l’origine de l’occupation.
RG n°24/02599
L’article L. 412-4 du même Code, dans sa rédaction issue de la loi n° 2023-668 du 27 juillet 2023, précise que la durée des délais prévus à l’article 412-3 ne peut, en aucun cas, être inférieure à un mois ni supérieure à un an. Pour la fixation de ces délais, il est tenu compte de la bonne ou mauvaise volonté manifestée par l’occupant dans l’exécution de ses obligations, des situations respectives du propriétaire et de l’occupant, notamment en ce qui concerne l’âge, l’état de santé, la qualité de sinistré par faits de guerre, la situation de famille ou de fortune de chacun d’eux, les circonstances atmosphériques, ainsi que des diligences que l’occupant justifie avoir faites en vue de son relogement. Il est également tenu compte du droit à un logement décent et indépendant, des délais liés aux recours engagés selon les modalités prévues aux articles L. 441-2-3 et L. 441-2-3-1 du Code de la construction et de l’habitation et du délai prévisible de relogement des intéressés.
Il appartient donc au juge de veiller à ce que l’atteinte au droit du propriétaire soit proportionnée et justifiée par la sauvegarde des droits du locataire, dès lors que ces derniers apparaissent légitimes.
En l’espèce, l’expulsion de Monsieur [T] est poursuivie en vertu d’un jugement du tribunal judiciaire du Mans, Pôle Proximité et Protection, en date du 10 mai 2024 qui a notamment :
PRONONCÉ la résiliation, à compter du jugement, du bail conclu le 1er septembre 2014 entre la SA MANCELLE D’HABITATION et Monsieur [W] [T] concernant le logement sis [Adresse 1] à [Localité 3] ;ORDONNÉ à Monsieur [T] de quitter les lieux de sa personne et de ses biens, ainsi que de tous occupants de son chef, dans le délai d’un mois suivant la signification du jugement ;À DÉFAUT, autorisé la SA MANCELLE D’HABITATION à faire procéder à son expulsion à l’expiration d’un délai de deux mois à compter de la délivrance d’un commandement d’avoir à quitter les lieux.
Ce jugement a été signifié à Monsieur [T] le 12 juin 2024 et appel en a été interjeté, la procédure d’appel étant en cours. Un commandement de quitter les lieux a par ailleurs été délivré à Monsieur [T] le 26 août 2024.
Il convient de relever que l’expulsion de Monsieur [T] n’a pas été ordonnée en raison de loyers impayés, mais des graves troubles de voisinage qu’il causait depuis 2019, le jugement d’expulsion rappelant l’existence de 19 plaintes (réclamations sociales) émanant de 6 personnes différentes.
Monsieur [T] n’est pas recevable à soutenir, devant le juge de l’exécution, que son comportement avait évolué dès avant le prononcé du jugement, puisque cette question sera tranchée par la cour d’appel d’Angers dans le cadre du recours exercé par Monsieur [T] à l’encontre du jugement.
Tout au plus peut-il faire valoir l’amélioration de son comportement afin de démontrer sa bonne volonté dans l’exécution de ses obligations.
À cet égard, il produit plusieurs attestations de suivi, notamment auprès de l’EPSM de la Sarthe qui le reçoit depuis le 07 novembre 2012, ou encore de son médecin traitant qui déclare le 12 janvier 2024 le recevoir une fois par mois.
Il communique en outre trois petis mots manuscrits de personnes dont l’identité est invérifiable et pour deux d’entre eux non datés, aux termes desquels il se montrerait plus calme et ne “mettrait plus la musique à fond”.
Or, ces éléments, à eux seuls, ne sauraient suffire à démontrer la bonne volonté de Monsieur [T] dans l’exécution de son obligation de jouissance paisible de son logement, puisqu’ils sont manifestement en contradiction totale avec tous les éléments produits devant le juge des contentieux de la protection qui ont conduit ce dernier à prononcer la résiliation du bail.
RG n°24/02599
Au demeurant, il sera fait remarquer que le suivi dont bénéficie Monsieur [T] depuis 2012 ne l’a pas empêché de provoquer toutes les nuisances qui lui ont été reprochées et qui ont entraîné la résiliation du bail.
Par ailleurs, la SA MANCELLE D’HABITATION produit deux attestations établies le 23 octobre 2024, l’une par Madame [F] [L], l’autre par Madame [Z] [B], selon lesquelles Monsieur [T] écoutait, le 22 octobre 2024, “la musique à fond et chantait à 22h30″, mais également “urinait dans les parties communes”, pouvait “se montrer agressif alcoolisé”, ou encore claquer sa porte à plusieurs reprises le 23 octobre 2024, continuant de faire du bruit tout le temps.
Ainsi, il est démontré que le comportement perturbateur de Monsieur [T] perdure depuis le prononcé du jugement du 10 mai 2024.
Enfin, il ne justifie d’aucune démarche de relogement et ne prétend d’ailleurs pas être en recherche.
Il résulte des éléments qui précèdent que Monsieur [T] ne remplit pas les conditions pour pouvoir bénéficier d’un délai pour quitter les lieux, de sorte qu’il sera débouté de sa demande.
2°) Sur les autres demandes
Sur les dépens
Aux termes de l’article 696 du Code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.
Monsieur [T] succombant à la présente instance, supportera les dépens de la procédure.
Sur l’article 700 du Code de procédure civile
En application de l’article 700 1° du Code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a lieu à condamnation.
En l’espèce, partie succombante et tenue aux dépens, Monsieur [T] sera condamné à payer à la SA MANCELLE D’HABITATION la somme de HUIT CENTS EUROS (800 €) à ce titre.
* * *
Il y a lieu de rappeler que les décisions du juge de l’exécution bénéficient de l’exécution provisoire de droit.
Le juge de l’exécution, statuant après débats en audience publique, par jugement contradictoire et en premier ressort, par mise à disposition au greffe,
DÉBOUTE Monsieur [W] [T] de sa demande de délais pour quitter les lieux ;
CONDAMNE Monsieur [W] [T] à payer à la SA MANCELLE D’HABITATION la somme de HUIT CENTS EUROS (800 €) sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
JUGE que la charge des dépens sera assumée par Monsieur [W] [T] ;
RAPPELLE que les décisions du juge de l’exécution bénéficient de l’exécution provisoire de droit,
Ainsi jugé et prononcé le SIX FÉVRIER DEUX MILLE VINGT CINQ
LE GREFFIER LE JUGE DE L’EXÉCUTION
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