Délai d’expulsion et protection des familles en difficulté financière

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Délai d’expulsion et protection des familles en difficulté financière

L’Essentiel : Mme [L] [E] sollicite un délai de 36 mois pour quitter son logement, invoquant des raisons familiales et la santé de son enfant. Malgré sa demande, le bailleur, la S.A. [4], s’oppose fermement, rappelant un jugement d’expulsion de 2021 et des paiements de loyer irréguliers. Le juge a finalement débouté Mme [L] [E], considérant qu’elle bénéficie déjà d’un délai supplémentaire en raison de la trêve hivernale. La décision inclut également l’obligation pour la demanderesse de supporter les dépens de l’instance, avec exécution provisoire de plein droit.

Demande de délai supplémentaire

Par requête du 3 juillet 2024, Mme [L] [E] épouse [V] sollicite un délai de 36 mois pour quitter son logement, en raison de sa situation familiale et de la santé de son enfant. Elle occupe le logement avec ses deux enfants depuis la résiliation de son bail le 3 juin 2021 et a déposé un recours auprès de la commission de médiation DALO pour obtenir un relogement.

Arguments des parties

Lors de l’audience du 5 septembre 2024, Mme [L] [E] a maintenu sa demande, tandis que le conseil du bailleur, la S.A. [4], s’est opposé à cette requête. Il a rappelé un jugement d’expulsion de 2021 et a souligné que la demande de relogement avait été rejetée en raison du non-respect de la période probatoire. De plus, il a noté que les paiements de loyer étaient irréguliers et que la saisine de la commission DALO était tardive.

Éléments du dossier

Le dossier présente un commandement de quitter les lieux daté du 28 octobre 2022, en lien avec un jugement d’expulsion antérieur. Mme [L] [E] et son mari ont été condamnés à payer un arriéré locatif qui a considérablement augmenté, malgré une partie de la dette ayant été effacée par la commission de surendettement. La situation financière de la demanderesse ne montre aucune amélioration, et aucune mobilisation utile n’a été constatée depuis la mesure d’expulsion.

Décision du juge

Le juge a décidé de débouter Mme [L] [E] de sa demande de délai dérogatoire avant expulsion, en tenant compte de la trêve hivernale qui lui accorde déjà un délai supplémentaire. En conséquence, elle devra également supporter les dépens de l’instance. Ce jugement est prononcé avec exécution provisoire de plein droit.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la base légale pour demander un délai supplémentaire avant expulsion ?

La demande de délai supplémentaire avant expulsion est régie par l’article L. 412-1 du Code des procédures civiles d’exécution, qui stipule que le juge de l’exécution peut accorder un délai pour quitter les lieux, notamment en raison de la situation personnelle du débiteur.

Cet article précise :

« Le juge de l’exécution peut, à la demande du débiteur, accorder un délai pour quitter les lieux, lorsque la situation personnelle ou familiale de celui-ci le justifie. »

Dans le cas présent, Mme [L] [E] épouse [V] a invoqué des raisons familiales, notamment la présence de ses enfants et la maladie de son cadet, pour justifier sa demande de délai.

Cependant, le juge a constaté qu’il n’y avait pas de perspective raisonnable d’amélioration de sa situation financière, ce qui a conduit à un rejet de sa demande.

Quelles sont les conséquences d’un jugement d’expulsion antérieur ?

Le jugement d’expulsion antérieur, en l’occurrence celui du 3 juin 2021, a des conséquences directes sur la demande de délai supplémentaire. Selon l’article L. 412-2 du Code des procédures civiles d’exécution, un jugement d’expulsion exécutoire empêche le débiteur de bénéficier d’un nouveau délai, sauf circonstances exceptionnelles.

Cet article stipule :

« Le jugement d’expulsion est exécutoire de plein droit. Le débiteur ne peut demander un nouveau délai que si des circonstances exceptionnelles le justifient. »

Dans cette affaire, le juge a noté que la demande de Mme [L] [E] épouse [V] ne reposait pas sur des circonstances exceptionnelles, d’où le rejet de sa demande de délai.

Quels sont les effets de la trêve hivernale sur l’expulsion ?

La trêve hivernale, prévue par l’article L. 412-6 du Code des procédures civiles d’exécution, suspend les expulsions durant la période hivernale, offrant ainsi une protection temporaire aux locataires.

Cet article précise :

« Aucune expulsion ne peut être exécutée entre le 1er novembre et le 31 mars de l’année suivante. »

Dans le cas de Mme [L] [E] épouse [V], bien que sa demande de délai ait été rejetée, elle bénéficie de la trêve hivernale jusqu’au 31 mars 2025, ce qui lui accorde un délai supplémentaire avant l’exécution de l’expulsion.

Quelles sont les implications financières pour la partie perdante ?

Les implications financières pour la partie perdante sont régies par l’article 696 du Code de procédure civile, qui stipule que la partie qui succombe dans ses prétentions doit supporter les dépens de l’instance.

Cet article indique :

« La partie perdante est condamnée aux dépens. »

Dans cette affaire, Mme [L] [E] épouse [V] a été déboutée de sa demande de délai dérogatoire avant expulsion, ce qui signifie qu’elle devra supporter la charge des dépens de cette instance, conformément à la décision du juge.

MINUTE N° : 138/2024
DOSSIER : N° RG 24/02252 – N° Portalis DBZ2-W-B7I-IGFW
AFFAIRE : [L] [E] épouse [V] / S.A. [4]

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BETHUNE

LE JUGE DE L’EXECUTION

JUGEMENT DU 21 NOVEMBRE 2024

Grosse(s) délivrée(s)
à Me BOUQUET
Me VOISIN
le

Copie(s) délivrée(s)
à Me BOUQUET
Me VOISIN
aux parties
le

LE JUGE DE L’EXECUTION : Monsieur LIONET Didier, Premier Vice-Président

LE GREFFIER : Madame WEGNER Laëtitia, Greffier principal

DEMANDERESSE

Madame [L] [E] épouse [V]
née le 15 Août 1972 à [Localité 5], demeurant [Adresse 1]

représentée par Maître Christine BOUQUET-WATTEZ de la SCP WATTEZ BOUQUET, avocats au barreau de BETHUNE, substitué par Maître Bertrand WATTEZ, avocat au barreau de DUNKERQUE

DEFENDERESSE

S.A. [4], dont le siège social est sis [Adresse 2]
représentée par Maître Jean-Guy VOISIN, avocat au barreau de DOUAI

Le Tribunal après avoir entendu les parties et leurs avocats en leurs conclusions à l’audience du 05 Septembre 2024 a mis l’affaire en délibéré et indiqué que le jugement serait rendu par mise à disposition le 21 Novembre 2024, date à laquelle a été rendu le jugement dont la teneur suit :

EXPOSE DU LITIGE

Par requête du 3 juillet 2024 reçue au greffe civil le 4 juillet 2024, Mme [L] [E] épouse [V] demande au juge de l’exécution de ce tribunal un délai de 36 mois supplémentaire pour quitter le logement, avec dépens comme de droit.

Mme [L] [E] épouse [V] déclare être séparée de son mari et occuper le logement loué dont le bail a été résilié le 3 juin 2021 avec ses 2 enfants, âgés de 11 et 10 ans, dont le cadet souffre d’un diabète de type 1, et avoir adressé à la commission de médiation DALO un recours en vue d’une offre de relogement le 25 mars 2024.

Lors de l’audience du 5 septembre 2024, Mme [L] [E] épouse [V] a maintenu son argumentation.

Le conseil du bailleur, la S.A. [4], s’est opposé à la demande de délais au regard d’un jugement d’expulsion de 2021, alors que le dossier de demande de [3] a été rejeté, la période probatoire n’ayant pas été respectée, le PRP étant de 9.048 € avec subsistance d’une dette. Il a ajouté que les paiements sont irréguliers, représentant seulement quelques euros, la saisine de la commission DALO étant tardive.

L’affaire a fait l’objet d’une mise à disposition au greffe en date du 21 novembre 2024.

Ce jugement sera contradictoire.

MOTIFS

Sur la demande de délais supplémentaires avant expulsion :

En l’espèce, au vu des pièces du dossier, notamment d’un commandement de quitter les lieux datant du 28 octobre 2022, se référant à un jugement du juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Lens en date du 3 juin 2021, signifié le 21 juillet 2021, ordonnant l’expulsion des époux [E] [V], après constatation de la résolution de leur bail à la date du 1er novembre 2022 et leur condamnation solidaire au paiement d’une somme de 9.461,54 € arrêtée au 2 avril 2021, cet arriéré locatif s’élevant désormais à la somme de 15.621,13 €, selon décompte arrêté au 30 juillet 2024, alors même que la commission de surendettement a déjà effacé la somme de 9.974,98 € dans le cadre d’un plan de rétablissement personnel, et en l’absence de toute perspective raisonnable d’amélioration de la situation financière de la demanderesse, alors que, selon le courrier adressé par la sous-préfète de Lens le 28 décembre 2023, aucun mobilisation utile de la débitrice n’a pu être relevée depuis la mesure d’expulsion, sa demande dérogatoire de délais avant expulsion ne peut être ici accueillie, étant observé qu’en tout état de cause, la demanderesse bénéficiera de la trêve règlementaire hivernale jusqu’au 31 mars 2025, ce qui lui attribue finalement déjà plus de huit mois de délais avant expulsion au regard de la réception de la requête initiale le 4 juillet 2024.

Sur les demandes accessoires :

Mme [L] [E] épouse [V], partie perdante, supportera la charge des dépens de cette instance.

PAR CES MOTIFS

Le Juge de l’Exécution, statuant par jugement contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe et en premier ressort :

DÉBOUTE Mme [L] [E] épouse [V] de sa demande de délai dérogatoire avant expulsion ;

DIT qu’elle supportera la charge des dépens de cette instance ;

RAPPELLE que ce jugement bénéficie de l’exécution provisoire de plein droit.

LE GREFFIER LE JUGE DE L’EXÉCUTION


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