Délai d’expulsion et obligations locatives : enjeux et conséquences d’une situation de surendettement

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Délai d’expulsion et obligations locatives : enjeux et conséquences d’une situation de surendettement

Contexte de l’affaire

Le litige oppose M. [L] à M. [G] concernant un bail conclu le 16 janvier 2023. Le juge des référés du tribunal de proximité d’Antony a constaté l’acquisition de la clause résolutoire et a ordonné le paiement d’une somme provisionnelle de 3 531,91 euros par M. [L] pour loyers et charges.

Décisions judiciaires

Par ordonnance du 25 mai 2023, M. [L] a été autorisé à régler sa dette en 18 mensualités, avec suspension des effets de la clause résolutoire tant qu’il respectait cet échéancier. En cas de non-paiement, la clause résolutoire redeviendrait effective, permettant l’expulsion de M. [L] des lieux loués.

Commandement de quitter les lieux

Le 22 décembre 2023, M. [G] a délivré un commandement à M. [L] pour quitter les lieux. En réponse, M. [L] a assigné M. [G] devant le juge de l’exécution le 5 février 2024, demandant un délai de trois mois pour quitter les lieux.

Arguments de M. [L]

M. [L] a justifié sa demande par son arrêt de travail depuis 2022 et son dossier de surendettement déclaré recevable. Il a également évoqué des problèmes d’étanchéité dans le logement, ayant cessé de payer une partie du loyer en raison de ses difficultés financières.

Réponse de M. [G]

M. [G] a contesté les demandes de M. [L], arguant que ce dernier n’avait pas respecté les délais de paiement et que la dette locative avait triplé. Il a également souligné que les problèmes de jouissance n’avaient pas été soulevés lors de la procédure de référé.

Analyse du juge de l’exécution

Le juge a rappelé que sa mission était de trancher les litiges relatifs à l’exécution des décisions de justice. Il a constaté que M. [L] avait effectué des paiements irréguliers et partiels, entraînant une augmentation de sa dette. L’exception d’inexécution invoquée par M. [L] a été jugée non pertinente dans ce contexte.

Décision finale

Le juge a débouté M. [L] de sa demande de délais pour quitter les lieux, l’a condamné à verser 500 euros à M. [G] au titre des frais de justice, et a ordonné qu’il supporte les dépens de l’instance.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

5 novembre 2024
Tribunal judiciaire de Nanterre
RG n°
24/01518
DOSSIER N° : N° RG 24/01518 – N° Portalis DB3R-W-B7I-ZGCG
AFFAIRE : [V] [L] / [P] [G]

Minute n°

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NANTERRE

LE JUGE DE L’EXECUTION

JUGEMENT DU 05 NOVEMBRE 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL

PRESIDENT : Cécile CROCHET

GREFFIER : Marie-Christine YATIM

DEMANDEUR

Monsieur [V] [L]
[Adresse 1]
[Localité 4]

représenté par Me Abdelhakim REZGUI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E475

DEFENDEUR

Monsieur [P] [G]
[Adresse 2]
[Localité 3]

représenté par Maître Frédérique LAHANQUE de la SCP LYONNET DU MOUTIER – VANCHET-LAHANQUE – GUYOT, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : P0190

Le Tribunal après avoir entendu les parties et/ou leurs avocats en leurs conclusions à l’audience du 01 Octobre 2024 a mis l’affaire en délibéré et indiqué que le jugement serait rendu le 05 Novembre 2024, par mise à disposition au Greffe.

EXPOSE DU LITIGE

Par ordonnance contradictoire du 25 mai 2023, le juge des référés du tribunal de proximité d’Antony a :
– constaté l’acquisition de la clause résolutoire du bail conclu entre les parties à la date du 16 janvier 2023,
– condamné M. [L] à payer à titre provisionnel à M. [G] la somme de 3 531,91 euros au titre des loyers et charges arrêtés à la date du 11 avril 2023, terme d’avril 2023 inclus,
– autorisé M. [L] à s’acquitter de la dette en 18 mois, par 17 mensualités de 200 euros le 5 de chaque mois et pour la première fois le 5 du mois suivant la signification de la présente ordonnance, en sus des loyers courants, la 18ème mensualité devant impérativement apurer le solde de la dette,
– suspendu les effets de la clause résolutoire pendant le cours de ces délais, laquelle sera réputée n’avoir jamais joué si M. [L] se libère dans les délais et modalités ainsi fixés en sus du paiement du loyer courant,
– dit qu’à défaut de paiement de l’arriéré du loyer courant :
– la totalité de la somme restant due deviendra immédiatement exigible,
– la clause résolutoire reprendra son plein effet,
– faute de départ volontaire des lieux loués, il pourra être procédé à l’expulsion de M. [L]  et de tous occupants de son chef des lieux loués sis [Adresse 1] [Localité 4], avec le concours de la force publique et d’un serrurier, passé le délai de deux mois suivant la délivrance d’un commandement d’avoir à libérer les lieux, conformément aux dispositions des articles L412-1 et suivants, R411-1 et suivants, R412-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution

Par acte d’huissier du 22 décembre 2023, M. [G] a fait délivrer à M. [L] un commandement de quitter les lieux.

Par acte d’huissier du 5 février 2024, M. [L] a fait assigner M. [G] devant le juge de l’exécution.

M. [L] sollicite le bénéfice de son assignation ainsi qu’un délai de trois mois pour quitter les lieux, subsidiairement, jusqu’à la décision du tribunal de proximité d’Antony saisi au fond.

A l’appui de sa demande, M. [L] expose qu’il est en arrêt de travail depuis 2022, percevant à ce titre des indemnités journalières mensuelles de 2 000 euros. Il fait valoir que son dossier de surendettement a été déclaré recevable par jugement rendu le 21 septembre 2023 par le tribunal de proximité d’Asnières-sur-Seine. Il soutient également que dès le 3 septembre 2021, il s’est plaint du défaut d’étanchéité de la fenêtre de la chambre des enfants et du caractère inutilisable du balcon ; que face à l’inertie du bailleur et du fait de ses difficultés financières, il a cessé de régler une partie du loyer et a dû assigner devant le tribunal de proximité d’Antony afin qu’il soit statué sur les contestations liées à l’obligation de délivrance conforme du bailleur, à la nullité du commandement de payer et à la poursuite du bail, précisant que l’audience des plaidoiries se tiendra le 7 novembre 2024. Il ajoute enfin avoir fait une demande de logement DALO rejetée le 18 septembre dernier.

En réplique, M. [G] conclut au rejet des prétentions du demandeur ainsi que l’allocatoion d’une indemnité de procédure de 1 000 euros.

M. [G] fait essentiellement valoir que l’ordonnance de référé du 25 mai 2023 a accordé de facto des délais à l’expulsion par la suspension des effets de la clause résolutoire ordonnée et l’octroi dun échéancier de paiement de 18 mois.

Il ajoute que M. [L] n’a pas respecté les délais de paiement accordés si bien que la dette locative a triplé. Il souligne qu’à aucun moment devant le juge des référés, le locataire n’a opposé de troubles de jouissance, évoqués pour la première fois à l’assignation au fond délivrée postérieurement le 5 février 2024. Il rappelle que le bien pris à bail était une résidence neuve, dont le diagnostic énergétique démontre l’absence de consommation excessive, ajoutant que les infiltrations sur le balcon ont fait l’objet d’une déclaration de sinistre au titre de l’assurance dommages-ouvrage et que le désordre tiré de l’encadrement de fenêtre fendu, purement inesthétique, a été réparé. Il soutient enfin que M. [L] ne produit aucune pièce relative à sa situation financière et ne justifie pas davantage de diligences en vue de se reloger.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé à l’assignation et aux conclusions visées à l’audience.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de délais pour quitter les lieux

En application de l’article L.412-3 du code des procédures civiles d’exécution, dans sa version issue de la loi n°2023-668 du 27 juillet 2023 applicable en l’espèce, le juge peut accorder des délais renouvelables aux occupants de locaux d’habitation ou à usage professionnel dont l’expulsion a été ordonnée judiciairement, chaque fois que le relogement des intéressés ne peut avoir lieu dans des conditions normales et à condition que lesdits occupants ne soient pas entrés dans les locaux à l’aide de manœuvres, de menaces, de voies de fait ou de contrainte.

Aux termes de l’article L.412-4 du même code, dans la même version que précédemment, applicable depuis le 29 juillet 2023, la durée des délais prévus à l’article L.412-3 ne peut, en aucun cas, être inférieure à un mois ni supérieure à un an. Pour la fixation de ces délais, il est tenu compte de la bonne ou mauvaise volonté manifestée par l’occupant dans l’exécution de ses obligations, des situations respectives du propriétaire et de l’occupant, notamment en ce qui concerne l’âge, l’état de santé, la qualité de sinistré par faits de guerre, la situation de famille ou de fortune de chacun d’eux, les circonstances atmosphériques, ainsi que des diligences que l’occupant justifie avoir faites en vue de son relogement. Il est également tenu compte du droit à un logement décent et indépendant, des délais liés aux recours engagés selon les modalités prévues aux articles L.441-2-3 et L.441-2-3-1 du code de la construction et de l’habitation et du délai prévisible de relogement des intéressés.

En l’espèce, il ressort des pièces versées aux débats que M. [L] a procédé au paiement de 8 mensualités de 200 euros de juin 2023 à janvier 2024, puis de 6 mensualités de 250 euros de février 2024 à juillet 2024.

Si le requérant s’est effectivement conformé à l’échéancier octroyé par l’ordonnance du 25 mai 2023 auquel se sont substituées les mesures imposées par la commission de surendettement des particuliers des Hauts de Seine lui accordant un report de 37 mois, puis un échelonnement sur 30 mois de l’arriéré locatif, le décompte arrêté au 7 septembre 2024 produit par M. [G] démontre néanmoins que M. [L] n’a procédé au règlement des indemnités d’occupation courantes que de manière irrégulière et partielle de sorte que la dette a quasiment triplé.

Le requérant, qui se prévaut d’une exception d’inexécution, fait valoir le défaut de délivrance conforme du bien par le bailleur.

Toutefois, il convient de rappeler que le juge de l’exécution a pour unique attribution de trancher les litiges relatifs à l’exécution des décisions de justice, à l’occasion d’une mesure d’exécution forcée.

Il ne saurait, sauf à enfreindre l’article R.121-1 alinéa 2 du code des procédures civiles d’exécution, modifier le dispositif de la décision servant de fondement aux poursuites.

Par conséquent, il ne lui appartient pas de statuer sur le fond des relations contractuelles existant entre les parties, mais uniquement de vérifier les conditions d’exécution de l’ordonnance de référé du 25 mai 2023 dont le caractère définitif n’est contesté par aucune partie.

C’est dès lors sans pertinence que M. [L] invoque l’exception d’inexécution laquelle a trait à l’exécution du bail liant les parties et qui fait l’objet d’une procédure pendante au fond devant le tribunal de proximité d’Antony.

Au surplus, M. [L] ne peut, sans autorisation judiciaire préalable, se dispenser lui-même du paiement de son loyer et de ses charges en exécution du contrat de bail qu’il a signé.

Par ailleurs, à l’exception d’une demande de logement DALO, il ne justifie d’aucune démarche afin de se reloger.

Enfin, M. [G] , qui supporte la charge financière de son bien occupé par le requérant ne peut être privé de la libre disposition de son bien et du revenu qu’il devrait générer.

En conséquence, au regard de l’ensemble de ces éléments, il y a lieu de rejeter la demande de M. [L] tendant à obtenir des délais d’expulsion.

Sur les demandes accessoires

Succombant à l’instance, M. [L] sera condamné aux dépens.

L’équité commande également de le condamner à verser à M. [G] la somme de 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le juge de l’exécution, statuant par jugement contradictoire rendu en premier ressort,

DÉBOUTE M. [L] de sa demande de délais pour quitter les lieux,

CONDAMNE M. [L] à payer à M. [G] la somme de 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE M. [L] aux dépens.

Le Greffier Le Juge de l’Exécution


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