Délai de grâce et enjeux locatifs : entre précarité et obligations contractuelles.

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Délai de grâce et enjeux locatifs : entre précarité et obligations contractuelles.

L’Essentiel : Mme [N] [T] sollicite un délai de grâce auprès du juge de l’exécution, invoquant sa situation familiale difficile avec cinq enfants, dont deux handicapés. Lors de l’audience, elle et son époux, M. [Y] [F], déclarent des revenus mensuels de 1.300 à 1.400 €, mais font face à un arriéré locatif de 4.034,83 €. Le bailleur s’oppose à leur demande, et le juge, constatant l’absence de perspectives d’amélioration financière et le non-respect d’un échéancier de paiement, déboute le couple de sa requête. Le jugement est soumis à exécution provisoire, et les demandeurs devront supporter les dépens.

Contexte de la demande

Par une requête Cerfa datée du 9 juin 2024, Mme [N] [T] épouse [F] sollicite un délai de grâce auprès du juge de l’exécution, suite à un commandement de quitter les lieux signifié le 17 avril 2024. Elle évoque sa situation familiale, mentionnant avoir cinq enfants, dont deux sont handicapés, et indique ne pas avoir de solution de relogement ni de soutien familial.

Situation financière et locative

Lors de l’audience du 5 septembre 2024, Mme [N] [T] et M. [Y] [F] déclarent percevoir des salaires mensuels compris entre 1.300 € et 1.400 €. Ils ont versé 600 € de loyer, mais ne savent pas où se rendre en cas d’expulsion. Le bailleur s’oppose à leur demande, signalant un arriéré locatif de 4.034,83 €, en raison du non-respect d’un échéancier de paiement établi par le juge des contentieux de la protection.

Analyse du juge

Le juge examine la demande de délais supplémentaires avant expulsion, en tenant compte d’un commandement de quitter les lieux et d’un jugement antérieur ordonnant l’expulsion en cas de non-respect de l’échéancier de paiement. L’arriéré locatif a considérablement augmenté, et aucune perspective d’amélioration de la situation financière des demandeurs n’est constatée. Le juge note également l’absence de justificatifs concernant le nouvel emploi prétendument retrouvé par M. [F].

Décision du juge

Le juge de l’exécution, par jugement contradictoire, déboute Mme [N] [T] et M. [Y] [F] de leur demande de délai dérogatoire avant expulsion. Il précise qu’ils supporteront les dépens de l’instance et rappelle que ce jugement est soumis à l’exécution provisoire de plein droit.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la base légale pour demander un délai de grâce en matière d’expulsion ?

La demande de délai de grâce en matière d’expulsion est régie par l’article L. 412-1 du Code des procédures civiles d’exécution, qui stipule :

« Le juge de l’exécution peut accorder un délai de grâce au locataire qui justifie de sa situation personnelle et de ses efforts pour régulariser sa situation. »

Dans le cas présent, Mme [N] [T] épouse [F] a sollicité un délai de grâce en raison de sa situation familiale difficile, notamment avec des enfants handicapés et l’absence de solution de relogement.

Cependant, le juge a constaté que la situation financière des codemandeurs ne présentait pas de perspective raisonnable d’amélioration, ce qui a conduit à un refus de la demande.

Il est également important de noter que, selon l’article L. 412-2 du même code, le juge doit prendre en compte l’arriéré locatif et la capacité du locataire à respecter un échéancier de paiement.

Quelles sont les conséquences d’un non-respect de l’échéancier de paiement ?

Le non-respect de l’échéancier de paiement est encadré par l’article L. 615-1 du Code de la construction et de l’habitation, qui précise :

« En cas de non-respect des échéances de paiement, le bailleur peut demander l’expulsion du locataire. »

Dans cette affaire, le juge a constaté que l’échéancier accordé par le juge des contentieux de la protection n’a pas été respecté, ce qui a conduit à une augmentation significative de l’arriéré locatif, passant de 513,85 € à 4.034,83 €.

Cette dégradation de la situation locative a été un facteur déterminant dans la décision du juge de ne pas accorder de délai supplémentaire avant l’expulsion.

Quelles sont les implications de la trêve hivernale sur l’expulsion ?

La trêve hivernale est régie par l’article L. 412-6 du Code des procédures civiles d’exécution, qui stipule :

« Pendant la période de trêve hivernale, aucune expulsion ne peut être exécutée. »

Dans le cas présent, le juge a rappelé que les codemandeurs bénéficieraient de la trêve hivernale jusqu’au 31 mars 2025, ce qui leur accorde un délai supplémentaire de neuf mois avant toute expulsion effective.

Cette disposition vise à protéger les locataires en période hivernale, mais ne modifie pas les obligations de paiement des loyers dus.

Qui supporte les dépens en cas de demande rejetée ?

La question des dépens est régie par l’article 696 du Code de procédure civile, qui dispose :

« La partie perdante supporte les dépens de l’instance. »

Dans cette affaire, Mme [N] [T] épouse [F] et M. [Y] [F] ont été déboutés de leur demande de délai dérogatoire avant expulsion, ce qui les rend responsables des dépens de cette instance.

Le juge a donc statué que les codemandeurs, en tant que parties perdantes, devront supporter les frais liés à la procédure, conformément à la législation en vigueur.

MINUTE N° : 136/2024
DOSSIER : N° RG 24/02101 – N° Portalis DBZ2-W-B7I-IF2G
AFFAIRE : [N] [T] épouse [F], [Y] [F] / S.A. [3]

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BETHUNE

LE JUGE DE L’EXECUTION

JUGEMENT DU 21 NOVEMBRE 2024

Grosse(s) délivrée(s)
à Me VOISIN
le

Copie(s) délivrée(s)
à Me VOISIN
aux parties
le

LE JUGE DE L’EXECUTION : Monsieur LIONET Didier, Premier Vice-Président

LE GREFFIER : Madame WEGNER Laëtitia, Greffier principal

DEMANDEURS

Madame [N] [T] épouse [F]
née le 22 Août 1987 à [Localité 4], demeurant [Adresse 1]

comparante

Monsieur [Y] [F]
né le 23 Janvier 1981 à , demeurant [Adresse 1]

comparant

DEFENDERESSE

S.A. [3], dont le siège social est sis [Adresse 2]

représentée par Me Jean-Guy VOISIN, avocat au barreau de DOUAI

Le Tribunal après avoir entendu les parties et leurs avocats en leurs conclusions à l’audience du 05 Septembre 2024 a mis l’affaire en délibéré et indiqué que le jugement serait rendu par mise à disposition le 21 Novembre 2024, date à laquelle a été rendu le jugement dont la teneur suit :

EXPOSE DU LITIGE

Par requête Cerfa du 9 juin 2024 reçue au greffe civil le 12 juin 2024, Mme [N] [T] épouse [F] demande au juge de l’exécution de ce tribunal un délai de grâce à la suite du commandement de quitter les lieux qui lui a été signifié le 17 avril 2024.

Mme [N] [T] épouse [F] déclare avoir 5 enfants, dont 2 handicapés avec des suivis, ne disposer d’aucune solution de relogement, ni de famille, avoir effectué une demande de relogement ainsi que retrouvé un travail, ce qui lui permet de régler progressivement ses dettes.

Lors de l’audience du 5 septembre 2024, Mme [N] [T] épouse [F] et M. [Y] [F] ont déclaré percevoir chacun de 1.300 € à 1.400 € par mois de salaires, avoir versé ce jour 600 € de loyer, sans savoir où aller en cas d’expulsion.

Le bailleur [3] s’est opposé à la demande de délais en déclarant un arriéré locatif de 4.034,83 €, alors que l’échéancier accordé aux codemandeurs par le juge des contentieux de la protection par mensualités de 65 € n’a pas été respecté et qu’ils ne parviennent pas à régler leur loyer courant.

L’affaire a fait l’objet d’une mise à disposition au greffe en date du 21 novembre 2024.

Ce jugement sera contradictoire.

MOTIFS

Sur la demande de délais supplémentaires avant expulsion :
En l’espèce, au vu des pièces du dossier, notamment d’un commandement de quitter les lieux datant du 17 avril 2024, se référant à un jugement du juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Lens en date du 20 février 2023, signifié le 3 avril 2023, ordonnant l’expulsion des époux [F] en cas de non-respect de l’échéancier de paiement de leur arriéré locatif d’un montant de 513,85 €, arrêté au 4 janvier 2023, par 8 mensualités de 64 €, lequel n’a pas été honoré, alors que cet arriéré s’élève désormais à la somme de 4.034,83 €, selon décompte arrêté au 26 juillet 2024, ce qui caractérise la dégradation de leur situation locative, et en l’absence de toute perspective raisonnable d’amélioration de la situation financière des codemandeurs, étant précisé que le nouvel emploi prétendument retrouvé par M. [F] n’est corroboré par aucun justificatif, leur demande dérogatoire de délais avant expulsion ne peut être ici accueillie, étant observé qu’en tout état de cause, les codemandeurs bénéficieront de la trêve règlementaire hivernale jusqu’au 31 mars 2025, ce qui leur attribue finalement plus de neuf mois de délais avant expulsion au regard de la réception de la requête initiale le 12 juin 2024.

Sur les demandes accessoires :
Mme [N] [T] épouse [F] et M. [Y] [F], parties perdantes, supporteront la charge des dépens de cette instance.

PAR CES MOTIFS

Le Juge de l’Exécution, statuant par jugement contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe et en premier ressort :

DÉBOUTE Mme [N] [T] épouse [F] et M. [Y] [F] de leur demande de délai dérogatoire avant expulsion ;

DIT qu’ils supporteront la charge des dépens de cette instance ;

RAPPELLE que ce jugement bénéficie de l’exécution provisoire de plein droit.

LE GREFFIER LE JUGE DE L’EXÉCUTION


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