Critiques virulentes d’une société de production : affaire Morandini

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Critiques virulentes d’une société de production : affaire Morandini
L’Essentiel : L’assignation pour dénigrement contre la société The Morandini Family a été déclarée nulle, car elle aurait dû être fondée sur la diffamation. L’éditeur avait accusé la société concurrente d’avoir mal utilisé des fonds publics et d’avoir requis un audit de comptes. La liberté d’expression est protégée, sauf en cas de dénigrement de produits ou services. Le juge doit requalifier les faits litigieux sans se limiter à la dénomination des parties. En matière de diffamation, il est utile que l’allégation porte atteinte à l’honneur d’une personne, ce qui nécessite une preuve de la véracité des faits avancés.

L’assignation pour dénigrement délivrée à la société The Morandini Family par un concurrent, a été frappée de nullité, cette dernière aurait dû être délivrée sur le fondement de la diffamation. L’éditeur avait suggéré, de manière péremptoire et à de nombreuses reprises, que la société concurrente et sa gérante avaient obtenu et détourné, pour le moins fait un mauvais usage, des fonds publics qui leur étaient accordés et d’avoir annoncé qu’un audit des comptes avait été requis s’agissant de la production d’une émission en particulier.   

Informations dénigrantes sur des produits ou services

La liberté d’expression est un droit dont l’exercice, sauf dénigrement de produits ou services, ne peut être contesté sur le fondement de l’article 1240 du code civil. Dès lors, une publication de presse, même si elle porte sur un sujet économique et vise une société commerciale, ne peut faire l’objet d’une action judiciaire fondée sur la responsabilité civile de droit commun, sauf en cas d’informations dénigrantes sur des produits ou services.

Pouvoir de requalification du juge

Il appartient au juge qui, en vertu de l’article 12 du code de procédure civile, doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s’arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée, de s’attacher aux tenues de l’acte introductif d’instance qui seul fixe les prétentions en demande, sans toutefois n’en faire qu’une lecture littérale, ce afin d’identifier le but poursuivi.

Périmètre de la loi du 29 juillet 1881

Si les propos relèvent de la loi du 29 juillet 1881, l’article 53 de cette loi s’applique à l’assignation devant un juge civil et si cette assignation comporte des indications susceptibles de créer une ambiguïté quant à la nature et l’étendue de la poursuite, elle doit être entièrement annulée.

Le juge doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s’arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée. Lorsque le dommage invoqué trouve sa cause dans l’une des infractions définies par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, le demandeur ne peut, notamment pour échapper aux contraintes procédurales de cette loi, se prévaloir pour les mêmes faits de qualifications juridiques distinctes restreignant la liberté protégée par cette loi dans des conditions qu’elle ne prévoit pas.

Frictions entre diffamation et dénigrement

S’agissant du dénigrement, l’article 1240 du code civil, dispose que tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ; les appréciations, même excessives, touchant les produits, les services ou les prestations d’une entreprise n’entrent pas dans les prévisions de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, dès lors qu’elles ne concernent pas la personne physique ou morale, et peuvent donner lieu, le cas échéant, à réparation, en application de l’article 1240 du code civil, pour dénigrement fautif.

En application des règles régissant la responsabilité délictuelle de droit commun, il appartient au demandeur de prouver l’existence d’une faute commise par l’auteur des propos, un préjudice personnel et direct subi par lui et un lien de causalité entre cette faute et le préjudice.

Concernant la diffamation, l’article 29 alinéa 1 de la loi du 29 juillet 1881 définit la diffamation comme toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé ; il doit s’agir d’un fait précis, susceptible de faire l’objet d’un débat contradictoire sur la preuve de sa vérité, ce qui distingue ainsi la diffamation, d’une part, de l’injure – caractérisée, selon le deuxième alinéa de l’article 29, par toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait – et, d’autre part, de l’expression subjective d’une opinion ou d’un jugement de valeur, dont la pertinence peut être librement discutée dans le cadre d’un débat d’idées mais dont la vérité ne saurait être prouvée.

L’honneur et la considération de la personne ne doivent pas s’apprécier selon les conceptions personnelles et subjectives de celle-ci, mais en fonction de critères objectifs et de la réprobation générale provoquée par l’allégation litigieuse, que le fait imputé soit pénalement répréhensible ou manifestement contraire aux règles morales communément admises.

La diffamation, qui peut se présenter sous forme d’allusion ou d’insinuation, doit être appréciée en tenant compte des éléments intrinsèques et extrinsèques au support en cause, à savoir tant du contenu même des propos que du contexte dans lequel ils s’inscrivent.

Q/R juridiques soulevées :

Qu’est-ce que l’assignation pour dénigrement et pourquoi a-t-elle été frappée de nullité ?

L’assignation pour dénigrement délivrée à la société The Morandini Family par un concurrent a été frappée de nullité car elle aurait dû être fondée sur la diffamation. En effet, l’éditeur avait accusé la société concurrente et sa gérante d’avoir obtenu et détourné des fonds publics, ce qui constitue une allégation grave. Cette situation souligne l’importance de la qualification juridique des faits dans le cadre des actions en justice. La nullité de l’assignation indique que les accusations portées ne correspondaient pas à la nature juridique appropriée, ce qui a conduit à l’invalidité de la procédure engagée.

Comment la liberté d’expression est-elle protégée en matière de dénigrement ?

La liberté d’expression est un droit fondamental, mais son exercice est limité lorsqu’il s’agit de dénigrement de produits ou services. Selon l’article 1240 du code civil, une publication de presse, même sur des sujets économiques, ne peut être contestée que si elle contient des informations dénigrantes. Ainsi, les entreprises doivent naviguer prudemment entre la liberté d’expression et la protection de leur réputation. Les critiques excessives ou infondées peuvent donner lieu à des actions en justice, mais les opinions exprimées dans le cadre d’un débat public sont généralement protégées.

Quel est le rôle du juge dans la requalification des faits litigieux ?

Le juge a un rôle déterminant dans la requalification des faits litigieux, conformément à l’article 12 du code de procédure civile. Il doit attribuer aux faits et actes en question leur qualification exacte, indépendamment de la dénomination choisie par les parties. Cela signifie que le juge doit examiner le fond de l’affaire et non se limiter à une lecture littérale des documents présentés. Cette approche permet d’identifier le véritable objectif des parties et d’assurer une justice équitable.

Quelles sont les implications de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ?

La loi du 29 juillet 1881 encadre la liberté de la presse en France et impose des règles strictes concernant les poursuites judiciaires. L’article 53 stipule que si une assignation devant un juge civil crée une ambiguïté sur la nature des poursuites, elle doit être annulée. Cette loi vise à protéger la liberté d’expression tout en prévenant les abus. Les demandeurs ne peuvent pas contourner les exigences procédurales de cette loi en utilisant des qualifications juridiques distinctes pour des faits identiques, ce qui pourrait restreindre la liberté protégée par cette législation.

Quelles sont les différences entre dénigrement et diffamation ?

Le dénigrement et la diffamation sont deux concepts juridiques distincts. Le dénigrement, selon l’article 1240 du code civil, concerne les dommages causés par des appréciations excessives sur des produits ou services, sans imputer de faits à une personne physique ou morale. En revanche, la diffamation, définie par l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881, implique une allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur d’une personne. La diffamation nécessite un fait précis, tandis que le dénigrement peut se baser sur des opinions ou jugements de valeur.

Comment se prouve la diffamation selon la loi ?

Pour prouver la diffamation, il est nécessaire de démontrer qu’il y a eu une allégation ou imputation d’un fait portant atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne visée. Ce fait doit être précis et susceptible d’être prouvé. La diffamation peut également se manifester sous forme d’allusion ou d’insinuation, et son appréciation doit tenir compte du contexte et du contenu des propos. Les critères d’évaluation sont objectifs, basés sur la réprobation générale que l’allégation pourrait susciter dans la société.

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