L’Essentiel : Le Crédit d’impôt recherche (CIR) exige que les contrats-cadres de sous-traitance soient clairement orientés vers les résultats des travaux de recherche menés par le sous-traitant. Dans le cas de la société Assystem France, les dépenses de recherche ont été jugées comme étant engagées dans son propre intérêt, et non pour celui des donneurs d’ordre. Les sommes reçues par des organismes de recherche privés agréés pour des opérations de recherche sont éligibles au CIR pour les entreprises donneuses d’ordre, mais ces organismes ne peuvent pas inclure ces dépenses dans leur propre calcul de crédit d’impôt.
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Pour bénéficier du Crédit d’impôt recherche, les contrats-cadres relatifs aux contrats de sous-traitance conclus avec les donneurs d’ordre doivent porter sur le résultat des travaux de recherche et développement qu’aurait été amené à engager le sous-traitant, à son initiative et pour son propre compte, en vue de réaliser cette commande. En l’espèce, les dépenses de recherche d’une société ont été regardées comme ayant été exposées dans l’intérêt propre de la société Assystem France, et non dans celui des donneurs d’ordre dans le cadre d’un contrat de sous-traitance ayant cet objet. Sommes reçues des organismes de recherche privés agréésLes sommes reçues par les organismes de recherche privés agréés mentionnés au d bis du II de l’article 244 quater B du code général des impôts pour la réalisation d’opérations de recherche qui leur sont confiées par des entreprises entrant elles-mêmes dans le champ des bénéficiaires du crédit d’impôt recherche constituent, pour ces entreprises donneuses d’ordre, des dépenses éligibles à ce crédit. S’agissant des organismes de recherche sous-traitants, ils ne peuvent inclure les dépenses exposées pour réaliser de telles opérations dans la base de calcul de leur crédit d’impôt recherche.
Dépenses pour son propre compteEn revanche, lorsqu’un tel organisme engage des dépenses de recherche pour son propre compte, y compris dans l’hypothèse où elles sont suscitées par l’exécution de prestations pour le compte d’un tiers dont l’objet ne porte pas sur la réalisation d’opérations de recherche, cet organisme peut inclure ces dépenses dans la base de calcul de son crédit d’impôt si elles satisfont aux exigences posées par l’article 244 quater B du code général des impôts, sans que ces dispositions ne lui imposent de déduire de cette assiette les sommes facturées au bénéficiaire des prestations, qui ne constituent pas, pour ce dernier, des dépenses éligibles à ce crédit d’impôt.
Redressement fiscal de la société Assystem
La société par actions simplifiée unipersonnelle Assystem France, société membre du groupe d’intégration fiscale dont la société anonyme Assystem est la société mère intégrante, a fait l’objet de deux vérifications de comptabilité, portant respectivement sur la période courant de 2010 à 2012 et sur l’année 2014, à l’issue desquelles le service a notamment remis en cause l’inclusion de certaines des dépenses que cette société a exposées dans l’assiette du crédit d’impôt recherche au titre des années 2010 à 2012 et 2014. Par une requête et une réclamation soumise d’office au présent tribunal en application de l’article R. 199-l du livre des procédures fiscales, la société Assystem a demandé en vain la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés consécutivement mises à sa charge pour l’ensemble des années en cause, ainsi que le prononcé d’un complément de crédit d’impôt recherche au titre de l’année 2014. Pour rappel, aux termes de l’article 223 O du code général des impôts : » 1. La société mère est substituée aux sociétés du groupe pour l’imputation sur le montant de l’impôt sur les sociétés dont elle est redevable au titre de chaque exercice : / () b. Des crédits d’impôt pour dépenses de recherche dégagés par chaque société du groupe en application de l’article 244 quater B () « . Aux termes de l’article 244 quater B du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : » II. Les dépenses de recherche ouvrant droit au crédit d’impôt sont : () d bis) Les dépenses exposées pour la réalisation d’opérations de même nature confiées à des organismes de recherche privés agréés par le ministre chargé de la recherche, ou à des experts scientifiques ou techniques agréés dans les mêmes conditions. () / d ter) Les dépenses mentionnées aux d et d bis entrent dans la base de calcul du crédit d’impôt recherche dans la limite globale de deux millions d’euros par an. Cette limite est portée à 10 millions d’euros pour les dépenses de recherche correspondant à des opérations confiées aux organismes mentionnés aux d et d bis, à la condition qu’il n’existe pas de lien de dépendance au sens des deuxième à quatrième alinéas du 12 de l’article 39 entre l’entreprise qui bénéficie du crédit d’impôt et ces organismes ; () / III. Les subventions publiques reçues par les entreprises à raison des opérations ouvrant droit au crédit d’impôt sont déduites des bases de calcul de ce crédit, qu’elles soient définitivement acquises par elles ou remboursables. Il en est de même des sommes reçues par les organismes ou experts désignés au d et au d bis du II, pour le calcul de leur propre crédit d’impôt « .
* * * Tribunal Administratif de Montreuil, 1ère chambre, 6 avril 2023, 2012922 Vu les procédures suivantes : I°/ Par une requête, enregistrée le 23 novembre 2020 sous le n°2012922, et des mémoires complémentaires, enregistrés le 17 novembre 2021 et le 14 novembre 2022, la société anonyme Assystem, représentée par Me Quentin, demande au tribunal : 1°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés mises à sa charge consécutivement à la remise en cause d’une partie des créances de crédit d’impôt recherche déclarées par sa filiale intégrée, la société par actions simplifiée unipersonnelle Assystem France, au titre des dépenses de recherche exposées par elle lors des années 2010 à 2012 ; 2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 10 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : – le service vérificateur a méconnu les dispositions de l’alinéa 2 de l’article L. 47 du livre des procédures fiscales et a entaché la procédure d’imposition portant sur le crédit d’impôt recherche au titre de l’année 2010 d’une irrégularité substantielle entraînant son annulation dès lors que l’avis de vérification du 15 janvier 2014 mentionne que le contrôle porte » sur la période allant du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2012 » et sur » la déclaration de crédit d’impôt recherche pour les dépenses exposées au titre de l’année 2012 » ; – les prestations litigieuses, commandées par les clients de la société Assystem France SASU, constituent des prestations d’ingénierie pour la réalisation desquelles la société Assystem France SASU a été amenée à engager des dépenses de recherche individualisées de sa propre initiative et pour ses besoins propres afin de rendre les prestations commandées, qui n’étaient pas des commandes de recherche et développement. Dès lors, les sommes perçues des clients n’entraient pas dans le champ d’application du III de l’article 244 quater B du code général des impôts. Par un mémoire en défense, enregistré le 30 juin 2021, le directeur chargé de la direction des vérifications nationales et internationales conclut au non-lieu à statuer à concurrence de la somme dégrevée en cours d’instance et au rejet du surplus des conclusions de la requête. Il soutient, qu’analyse faite de la documentation technique relative aux opérations en cause ainsi que des rapports d’expertise versés au dossier, établis par un tiers mandaté par la société requérante, l’ensemble des projets litigieux constitue des prestations de recherche et développement et non, comme le soutient la requérante, des prestations d’ingénierie et qu’en application de la jurisprudence récente de la Cour d’appel de Versailles, notamment des arrêts n° 14VE00803 Assystem France SASU du 15 octobre 2015 et n° 17VE01655 SA Ausy du 25 juin 2019, ces dépenses ne peuvent être incluses dans l’assiette du crédit d’impôt recherche au titre des années litigieuses. Par une ordonnance du 2 février 2023, la clôture de l’instruction a été prononcée avec effet immédiat en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative. II°/ En application des dispositions de l’article R 199-1 du livre des procédures fiscales, le directeur chargé de la direction des vérifications nationales et internationales a soumis d’office au présent tribunal, qui l’a enregistrée le 24 septembre 2021 sous le n°2113043, la réclamation présentée par la société anonyme Assystem le 28 décembre 2020. Par des mémoires enregistrés le 4 février 2022, le 25 avril 2022 et le 14 novembre 2022, la société Assystem, représentée par Me Quentin, demande au tribunal : 1°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés ainsi que la restitution d’un complément de crédit d’impôt recherche, résultant de la remise en cause de dépenses de recherche exposées par sa filiale intégrée, la société par actions simplifiée unipersonnelle Assystem France, au titre de l’année 2014 ; 2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 10 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que les prestations litigieuses doivent être incluses dans l’assiette du crédit d’impôt recherche dès lors qu’elles n’entrent pas dans le champ d’application du III de l’article 244 quater B du code général des impôts puisque, commandées par les clients de la société Assystem France SASU, elles constituent des prestations d’ingénierie pour la réalisation desquelles la société Assystem France SASU a été amenée à engager des dépenses de recherche individualisées de sa propre initiative et pour ses besoins propres afin de rendre les prestations commandées, qui n’étaient pas des commandes de recherche et développement. Par des mémoires en défense, enregistrés le 29 novembre 2021 et le 30 mars 2022, le directeur chargé de la direction des vérifications nationales et internationales conclut au rejet de la requête. Il soutient que les dépenses litigieuses ne peuvent être incluses dans l’assiette du crédit d’impôt recherche pour les mêmes motifs que dans l’affaire précédente. Par une ordonnance du 2 février 2023, la clôture de l’instruction a été prononcée avec effet immédiat en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces des dossiers. Vu : – le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ; – le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience. Ont été entendus au cours de l’audience publique : – le rapport de M. Puechbroussou, rapporteur ; – les conclusions de M. Iss, rapporteur public ; – les observations de Me Quentin, pour la société Assystem ; – et celles de M. A, en sa qualité d’expert. Une note en délibéré a été enregistrée le 24 mars 2023 pour la société Assystem, relative aux deux requêtes. Considérant ce qui suit: 1. La société par actions simplifiée unipersonnelle Assystem France, société membre du groupe d’intégration fiscale dont la société anonyme Assystem est la société mère intégrante, a fait l’objet de deux vérifications de comptabilité, portant respectivement sur la période courant de 2010 à 2012 et sur l’année 2014, à l’issue desquelles le service a notamment remis en cause l’inclusion de certaines des dépenses que cette société a exposées dans l’assiette du crédit d’impôt recherche au titre des années 2010 à 2012 et 2014. Par une requête et une réclamation soumise d’office au présent tribunal en application de l’article R. 199-l du livre des procédures fiscales, la société Assystem demande la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés consécutivement mises à sa charge pour l’ensemble des années en cause, ainsi que le prononcé d’un complément de crédit d’impôt recherche au titre de l’année 2014. Sur la jonction : 2. Les requêtes susvisées n° 2012922 et 2113043 concernent la situation d’un même contribuable appartenant au groupe d’intégration fiscale dont la société anonyme Assystem est la société mère intégrante, et ainsi la redevable de l’impôt sur les sociétés dû par ce dernier, présentent à juger des impositions semblables et ont fait l’objet d’une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour qu’il y soit statué par un seul jugement. Sur l’étendue du litige : 3. Par une décision du 30 juin 2021, postérieure à l’introduction de la requête n°2012922, l’administration a fait droit à la demande de la société Assystem relative au crédit d’impôt recherche de l’année 2010. Il résulte de ce qui précède qu’il n’y a plus lieu de statuer sur les conclusions à fin de décharge au titre de cette année, les seules conclusions demeurant en litige étant celles relatives aux années 2011, 2012 et 2014. Sur le bien-fondé de la remise en cause des créances de crédit d’impôt pour les dépenses de recherche demeurant en litige : 4. Aux termes de l’article 223 O du code général des impôts : » 1. La société mère est substituée aux sociétés du groupe pour l’imputation sur le montant de l’impôt sur les sociétés dont elle est redevable au titre de chaque exercice : / () b. Des crédits d’impôt pour dépenses de recherche dégagés par chaque société du groupe en application de l’article 244 quater B () « . Aux termes de l’article 244 quater B du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : » II. Les dépenses de recherche ouvrant droit au crédit d’impôt sont : () d bis) Les dépenses exposées pour la réalisation d’opérations de même nature confiées à des organismes de recherche privés agréés par le ministre chargé de la recherche, ou à des experts scientifiques ou techniques agréés dans les mêmes conditions. () / d ter) Les dépenses mentionnées aux d et d bis entrent dans la base de calcul du crédit d’impôt recherche dans la limite globale de deux millions d’euros par an. Cette limite est portée à 10 millions d’euros pour les dépenses de recherche correspondant à des opérations confiées aux organismes mentionnés aux d et d bis, à la condition qu’il n’existe pas de lien de dépendance au sens des deuxième à quatrième alinéas du 12 de l’article 39 entre l’entreprise qui bénéficie du crédit d’impôt et ces organismes ; () / III. Les subventions publiques reçues par les entreprises à raison des opérations ouvrant droit au crédit d’impôt sont déduites des bases de calcul de ce crédit, qu’elles soient définitivement acquises par elles ou remboursables. Il en est de même des sommes reçues par les organismes ou experts désignés au d et au d bis du II, pour le calcul de leur propre crédit d’impôt « . 5. Il résulte de ces dispositions que les sommes reçues par les organismes de recherche privés agréés mentionnés au d bis du II de l’article 244 quater B du code général des impôts pour la réalisation d’opérations de recherche qui leur sont confiées par des entreprises entrant elles-mêmes dans le champ des bénéficiaires du crédit d’impôt recherche constituent, pour ces entreprises donneuses d’ordre, des dépenses éligibles à ce crédit. S’agissant des organismes de recherche sous-traitants, ils ne peuvent inclure les dépenses exposées pour réaliser de telles opérations dans la base de calcul de leur crédit d’impôt recherche. 6. En revanche, lorsqu’un tel organisme engage des dépenses de recherche pour son propre compte, y compris dans l’hypothèse où elles sont suscitées par l’exécution de prestations pour le compte d’un tiers dont l’objet ne porte pas sur la réalisation d’opérations de recherche, cet organisme peut inclure ces dépenses dans la base de calcul de son crédit d’impôt si elles satisfont aux exigences posées par l’article 244 quater B du code général des impôts, sans que ces dispositions ne lui imposent de déduire de cette assiette les sommes facturées au bénéficiaire des prestations, qui ne constituent pas, pour ce dernier, des dépenses éligibles à ce crédit d’impôt. En ce qui concerne les dépenses engagées dans le cadre de contrats conclus par la société Assystem France avec les sociétés Airbus, SNECMA et Thales Aliena Space et ayant fait l’objet d’une expertise : 7. Il résulte de l’instruction, notamment des rapports d’expertise produits par M. A à la demande de la société requérante en dates respectives du 30 octobre 2019 s’agissant d’une série de projets menés par la société Assystem France pour le compte de la société Airbus pour les années 2011 et 2012, du 20 janvier 2020 s’agissant de certains projets menés pour les sociétés SNECMA et Thales Aliena Space pour ces mêmes années, du 12 janvier 2022 s’agissant de certains projets menés pour la société Airbus au titre de l’année 2014 et, enfin, du 10 novembre 2022 s’agissant de 13 autres projets avec ces trois mêmes sociétés au titre des trois années en litige, que les contrats de sous-traitance liant, au titre de la période litigieuse, la société Assystem France à ces donneurs d’ordre portaient exclusivement sur la réalisation de prestations d’ingénierie, dont les tarifs, calendriers et périmètres d’exécution étaient clairement définis et faisant peser une obligation de résultat sur cette première, sans que l’objet de ces conventions de sous-traitance n’inclue la réalisation en sous-traitance d’opérations de recherche et de développement, contrairement à ce que soutient l’administration en se prévalant notamment des affirmations générales contenues dans la brochure du groupe Assystem relative au crédit d’impôt recherche, selon lesquelles ce dernier constitue » un partenaire privilégié de la RetD externalisée de grands comptes « . La société requérante établit en outre, par les très nombreuses pièces versées au dossier dont ces mêmes expertises, pouvoir à l’avenir utiliser pour son propre compte les fruits des opérations de recherche menées à l’occasion de la réalisation de ces prestations d’ingénierie, à l’instar de ceux tirés du développement du moteur dit » B » dans le cadre du projet mené pour le compte de la société SNECMA ou de ceux tirés dans le cadre du projet n° 35386 mené pour le compte de la société Airbus en matière respectivement de » jonction hybride » et de matériaux innovants, au-delà du seul secteur aérien dans le cadre duquel ces innovations ont été conçues. Enfin, il ressort des stipulations des contrats-cadres relatifs aux contrats de sous-traitance conclus avec les donneurs d’ordre que le transfert à ces derniers de la propriété intellectuelle des prestations fournies par la société Assystem France ne porte que sur l’objet même, quelle que soit sa forme, de la commande passée par les donneurs d’ordre et non sur le résultat des travaux de recherche et développement qu’aurait été amené à engager le sous-traitant, à son initiative et pour son propre compte, en vue de réaliser cette commande. Dans ces conditions, et en l’absence de toute production en défense répondant de manière circonstanciée aux éléments ainsi mis en évidence par ces rapports d’expertise et pièces diverses, ces dépenses de recherche doivent être regardées comme ayant été exposées dans l’intérêt propre de la société Assystem France, et non dans celui des donneurs d’ordre dans le cadre d’un contrat de sous-traitance ayant cet objet. Par suite, la société requérante est fondée à demander la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre des trois années demeurant en litige ainsi que la restitution d’un crédit complémentaire de crédit d’impôt recherche s’agissant de l’année 2014, résultant de la remise en cause de l’inclusion de ces sommes dans l’assiette de son crédit d’impôt pour les dépenses de recherches. En ce qui concerne les dépenses engagées dans le cadre de contrats conclus par la société Assystem France n’ayant pas fait l’objet d’une expertise : 8. Pour justifier des autres dépenses qu’elle estime éligibles au crédit d’impôt recherche, la société Assystem, contrairement aux dépenses évoquées au point précédent, ne produit pas d’expertise détaillée des prestations en cause et se borne à verser de nombreux contrats-cadres et analyses juridiques de ces derniers, parfois recensés sous forme de tableaux de synthèse dits » matrices « , permettant d’établir l’absence de transfert de propriété intellectuelle au profit des donneurs d’ordre autre que celui nécessaire à la jouissance paisible des prestations en cause par ces derniers. Toutefois, il ne résulte pas de l’instruction, à défaut de disposer de plus de précisions sur la teneur des contrats en cause, qu’il s’agisse de prestations d’ingénierie, et non de sous-traitance d’opérations de recherche et développement, commandées, entre autres, par les trois sociétés aéronautiques mentionnées au point précédent, par les groupes Renault, PSA et Sagem ainsi que par diverses autres sociétés. La requérante n’est ainsi pas fondée à demander l’inclusion de ces dépenses dans l’assiette du crédit d’impôt recherche au titre des trois années demeurant en litige. 9. Il résulte des points 7 et 8 que la société requérante est uniquement fondée à demander la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés mises à sa charge, s’agissant des années 2011, 2012 et 2014, ainsi que la restitution d’un complément de crédit d’impôt recherche, s’agissant de l’année 2014, résultant de la remise en cause de l’inclusion dans l’assiette du crédit d’impôt recherche des dépenses exposées par sa filiale intégrée, la société Assystem France, à concurrence des montants chiffrés dans le dernier état de ses écritures et non contestés en défense, à savoir 2 100 296 euros au titre de l’année 2011, 2 717 526 euros au titre de l’année 2012 et 1 340 893 euros au titre de l’année 2014, peu important que les sociétés donneuses d’ordre eussent pu réclamer l’inclusion de ces sommes dans les bases de calcul du crédit d’impôt recherche dans leur chef, alors qu’il est constant qu’elles ne l’ont pas fait, et que la société requérante se soit fondée sur une méthodologie dite de la marge brute alors qu’elle établit, par divers documents probants, la réalité de ces opérations de recherche et développement engagées pour son propre compte à l’occasion de l’exécution de prestations pour le compte de tiers dont l’objet ne porte pas sur la réalisation d’opérations de recherche. Sur les frais liés aux litiges : 10. Dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l’Etat le versement à la SA Assystem d’une somme globale de 3 000 euros en remboursement des frais que celle-ci a exposés à l’occasion des présentes instances et non compris dans les dépens. D E C I D E :Article 1er : Il n’y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la SA Assystem à fin de décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre de l’année 2010. Article 2 : Il est prononcé la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés mises à la charge de la société Assystem résultant de la remise en cause de l’inclusion dans l’assiette de crédit d’impôt recherche des dépenses exposées par sa société intégrée, la société par actions simplifiée unipersonnelle Assystem France, à hauteur de 2 100 296 euros au titre de l’année 2011 et de 2 717 526 euros au titre de l’année 2012. Article 3 : Il est prononcé la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés et la restitution d’un complément de crédit d’impôt recherche résultant de la remise en cause de l’inclusion dans l’assiette de ce crédit d’impôt des dépenses exposées par la même société à hauteur de 1 340 893 euros au titre de l’année 2014. Article 4 : L’Etat versera la somme globale de 3 000 (trois mille) euros à la société Assystem au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 5 : Le surplus des conclusions des requêtes de la société Assystem est rejeté. Article 6 : Le présent jugement sera notifié à la société anonyme Assystem et au directeur en charge de la direction des vérifications nationales et internationales. Délibéré après l’audience du 16 mars 2023, à laquelle siégeaient : M. Toutain, président, M. Thobaty, premier conseiller, M. Puechbroussou, conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 avril 2023. Le rapporteur, C. Puechbroussou Le président, E. Toutain La greffière, A. Diallo La République mande et ordonne au ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision. 2 et 2113043 |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les conditions pour bénéficier du Crédit d’impôt recherche ?Pour bénéficier du Crédit d’impôt recherche (CIR), les contrats-cadres de sous-traitance entre le sous-traitant et les donneurs d’ordre doivent être spécifiquement liés aux résultats des travaux de recherche et développement que le sous-traitant aurait entrepris de son propre chef. Cela signifie que les dépenses engagées doivent être dans l’intérêt du sous-traitant et non simplement pour exécuter une commande d’un donneur d’ordre. En effet, les dépenses doivent être exposées pour le compte du sous-traitant, et non pour le compte des donneurs d’ordre. Si les dépenses sont considérées comme ayant été engagées dans l’intérêt d’un donneur d’ordre, elles ne seront pas éligibles au CIR. Cela souligne l’importance de la nature des travaux et de l’initiative du sous-traitant dans le cadre de la recherche et développement. Quelles dépenses sont éligibles au Crédit d’impôt recherche pour les organismes de recherche privés ?Les sommes reçues par les organismes de recherche privés agréés pour des opérations de recherche confiées par des entreprises bénéficiaires du CIR sont considérées comme des dépenses éligibles pour ces entreprises donneuses d’ordre. Cependant, les organismes de recherche sous-traitants ne peuvent pas inclure les dépenses engagées pour ces opérations dans leur propre base de calcul du CIR. Cela signifie que, bien que les entreprises qui commandent des recherches puissent bénéficier du CIR pour les dépenses engagées, les organismes de recherche qui réalisent ces travaux ne peuvent pas en bénéficier pour les coûts qu’ils ont engagés. Cela crée une distinction claire entre les dépenses éligibles pour les donneurs d’ordre et celles pour les sous-traitants. Comment un organisme de recherche peut-il inclure des dépenses pour son propre compte dans le CIR ?Un organisme de recherche peut inclure des dépenses engagées pour son propre compte dans la base de calcul de son crédit d’impôt recherche, même si ces dépenses sont liées à des prestations pour un tiers. Cela est possible tant que ces dépenses respectent les exigences de l’article 244 quater B du code général des impôts. Il est important de noter que ces dépenses ne doivent pas être déduites des sommes facturées au bénéficiaire des prestations, car ces dernières ne sont pas considérées comme des dépenses éligibles pour le crédit d’impôt. Ainsi, un organisme de recherche peut tirer parti de ses propres dépenses de recherche, même si elles sont en partie motivées par des contrats avec des tiers. Quel a été le résultat du redressement fiscal de la société Assystem ?La société Assystem France a subi un redressement fiscal suite à des vérifications de comptabilité qui ont remis en cause l’inclusion de certaines dépenses dans l’assiette du crédit d’impôt recherche pour les années 2010 à 2012 et 2014. La société a contesté ce redressement en demandant la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés. Le tribunal a finalement statué en faveur de la société Assystem, en reconnaissant que certaines dépenses avaient été engagées dans son propre intérêt et non pour le compte des donneurs d’ordre. Par conséquent, la société a obtenu la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés pour les années concernées, ainsi qu’un complément de crédit d’impôt recherche pour l’année 2014. Quelles sont les implications des décisions du tribunal pour les entreprises ?Les décisions du tribunal soulignent l’importance de la documentation et de la justification des dépenses engagées dans le cadre du crédit d’impôt recherche. Les entreprises doivent être en mesure de démontrer que les dépenses sont engagées pour leur propre compte et non simplement pour exécuter des commandes de recherche pour des tiers. Cela implique également que les entreprises doivent être prudentes dans la rédaction de leurs contrats de sous-traitance et s’assurer que les termes sont clairs quant à la nature des travaux de recherche et développement. Les implications de ces décisions peuvent influencer la manière dont les entreprises structureront leurs projets de recherche et leurs relations avec les organismes de recherche. |
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