L’Essentiel : En mars 2023, les consorts [A] ont assigné M. [K] devant le tribunal judiciaire de Mulhouse pour le recouvrement de deux prêts accordés en 2004 et 2006. M. [K] a contesté cette action, invoquant la prescription de l’action en recouvrement. Il a soutenu que le délai de cinq ans était écoulé et a demandé des dommages-intérêts pour les frais de justice. En réponse, les consorts [A] ont affirmé que M. [K] avait cessé de rembourser depuis avril 2018, arguant que des paiements avaient interrompu la prescription. Le tribunal a finalement déclaré l’action prescrite, condamnant M. [K] à 800 euros de frais.
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Contexte de l’affaireM. [B] [A] a accordé deux prêts à M. [G] [K] en 2004 et 2006, respectivement de 10 000 euros et 3 399 euros, avec des modalités de remboursement précises. M. [B] [A] est décédé en mars 2016, laissant derrière lui des héritiers, les consorts [A]. Procédure judiciaireLes consorts [A] ont assigné M. [K] devant le tribunal judiciaire de Mulhouse en mars 2023 pour obtenir le paiement des sommes dues. M. [K] a contesté cette action en invoquant la prescription de l’action en recouvrement. Arguments de M. [K]M. [K] a soutenu que l’action des consorts [A] était irrecevable et prescrite, arguant que le délai d’action de cinq ans avait expiré. Il a également contesté la réalité des paiements effectués et a demandé des dommages-intérêts pour les frais de justice. Réponse des consorts [A]Les consorts [A] ont répliqué en affirmant que M. [K] avait cessé de rembourser depuis avril 2018 et que les paiements effectués constituaient des actes interruptifs de prescription. Ils ont demandé au tribunal de débouter M. [K] de ses demandes et de reconnaître la validité de leur action. Décision du tribunalLe tribunal a statué que l’action des consorts [A] était prescrite, en raison de l’absence de preuves suffisantes des paiements interruptifs de prescription. M. [K] a été condamné à recevoir 800 euros au titre des frais de justice, et les consorts [A] ont été condamnés aux dépens. ConclusionLa décision a été rendue exécutoire, confirmant l’irrecevabilité de l’action des consorts [A] contre M. [K]. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la durée de prescription applicable aux actions personnelles ou mobilières ?La durée de prescription applicable aux actions personnelles ou mobilières est régie par l’article 2224 du Code civil, qui dispose : « Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. » Ainsi, dans le cas présent, les consorts [A] ont intenté leur action le 31 mars 2023. Il est donc essentiel de déterminer si M. [K] avait connaissance des faits permettant d’exercer son droit avant cette date. Si la connaissance des faits a eu lieu plus de cinq ans avant l’introduction de l’action, celle-ci sera déclarée prescrite. Quels sont les effets d’un paiement sur la prescription ?L’article 2240 du Code civil précise que : « Le paiement d’une dette, même partiel, interrompt la prescription. » De plus, l’article 2242 du même code indique que : « Le délai de prescription recommence à courir à compter du jour du paiement. » Dans cette affaire, les consorts [A] soutiennent que les paiements effectués par M. [K] constituent des actes interruptifs de la prescription. Ils affirment que le dernier paiement a eu lieu le 7 avril 2018, ce qui aurait relancé le délai de prescription. Cependant, la charge de la preuve incombe à celui qui invoque la prescription, comme le stipule la jurisprudence (Cass com 24 janvier 2024, numéro 22-10.492). Quelles sont les conséquences d’une reconnaissance de dette sur la prescription ?La reconnaissance de dette a des effets significatifs sur la prescription, comme l’indique la jurisprudence. En effet, la Cour de cassation a jugé que : « La reconnaissance, même partielle, que le débiteur fait du droit de celui contre lequel il prescrivait, entraîne pour la totalité de la créance un effet interruptif de prescription qui ne peut se fractionner » (Cass Civ 16 novembre 2006, numéro 05-18.287). Dans le cas présent, il est déterminant de déterminer si M. [K] a reconnu sa dette envers M. [B] [A] après le dernier paiement. Si tel est le cas, cela pourrait avoir pour effet d’interrompre la prescription et de prolonger le délai d’action des consorts [A]. Quelle est la charge de la preuve en matière de prescription ?La charge de la preuve en matière de prescription est clairement établie par la jurisprudence. Il a été jugé que : « La charge de la preuve d’un délai de prescription incombe à celui qui invoque cette fin de non-recevoir » (Cass com 24 janvier 2024, numéro 22-10.492). Ainsi, dans cette affaire, M. [K] doit prouver que l’action des consorts [A] est prescrite. Cela implique qu’il doit démontrer que le dernier paiement a eu lieu avant le 31 mars 2018, ce qui pourrait être difficile s’il ne dispose pas de preuves suffisantes. Quels sont les effets d’une fin de non-recevoir sur l’action en justice ?L’article 122 du Code de procédure civile définit la fin de non-recevoir comme : « Tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée. » Dans le contexte de cette affaire, M. [K] a soulevé une fin de non-recevoir en invoquant la prescription. Si le tribunal accepte cette fin de non-recevoir, l’action des consorts [A] sera déclarée irrecevable, ce qui signifie qu’ils ne pourront pas obtenir gain de cause sur le fond de leur demande. Cela souligne l’importance de la bonne gestion des délais de prescription dans les litiges. |
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[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 4]
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Première Chambre Civile
MINUTE n°
N° RG 23/00207
N° Portalis DB2G-W-B7H-IGKM
KG/JLD
République Française
Au Nom Du Peuple Français
ORDONNANCE
du 09 janvier 2025
Dans la procédure introduite par :
Madame [T] [Z] [A] épouse [P]
demeurant [Adresse 2]
Monsieur [M] [D], [C] [A]
demeurant [Adresse 5]
Madame [W] [N], [R] [A]
demeurant [Adresse 3]
représentés par Me Hervé KUONY, avocat au barreau de MULHOUSE, vestiaire : 76
– partie demanderesse –
A l’encontre de :
Monsieur [G] [K]
demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Estelle BOUCARD, avocat au barreau de MULHOUSE,
vestiaire : 95
– partie défenderesse –
CONCERNE : Demande en paiement relative à un contrat non qualifié
Nous, Jean-Louis DRAGON, Juge au Tribunal judiciaire de céans, Juge de la mise en état, assisté de Thomas SINT, Greffier, avons rendu l’ordonnance suivante, par mise à disposition au greffe ce jour :
Aux termes d’un acte sous seing privé portant reconnaissance de dette en date du 6 avril 2004, M. [B] [A] a prêté à M. [G] [K] la somme de 10000 euros remboursable en 36 mensualités de 322,67 euros au taux de 10 %.
Aux termes d’un acte sous seing privé portant reconnaissance de dette en date du 30 mars 2006, M. [B] [A] a prêté à M. [G] [K] la somme de 3399 euros remboursable en 11 mensualités de 300 euros et une de 285 euros au taux de 10% à compter du 20 avril 2006 jusqu’au 20 mars 2007.
M. [M] [A], Mme [T] [P] née [A] et Mme [W] [A] (les consorts [A]) sont les héritiers de M. [B] [A] décédé le 12 mars 2016, tel qu’il est établi par une attestation de Me [U], notaire à [Localité 7], en date du 9 septembre 2016.
Par acte de commissaire de justice en date du 31 mars 2023, les consorts [A] ont assigné M. [K] devant le tribunal judiciaire de MULHOUSE aux fins de condamnation en paiement.
Par conclusions d’incident dont les dernières ont été notifiées par RPVA le 11 septembre 2024, M. [K] sollicite du juge de la mise en état de :
– juger les consorts [A] irrecevables et mal fondés en leurs demandes ;
– juger que feu M. [A] disposait d’un délai d’action quinquennal expirant le 17 juin 2013 ;
– constater qu’aucune demande en justice n’a été introduite à son encontre avant le 17 juin 2023 ;
– juger prescrite l’action des consorts [A] sur le fondement de la reconnaissance de dette établie le 28 janvier 2001 ;
– condamner les consorts [A] au paiement de la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
Au soutien de ses dernières conclusions, M. [K] expose que :
– au visa des articles 2224 et 1342-10 du Code civil, M. [B] [A] avant l’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, disposait d’un délai de 30 ans pour agir, réduit à 5 ans à compter de la promulgation de cette dernière ;
– les demandeurs ne justifient pas des dates auxquelles les règlements ont pu être réalisés en vertu du principe “nul le peut se constituer de preuve à soi même” ;
– il conteste avoir procédé à un quelconque règlement en date du 7 avril 2018 ;
– le prétendu courrier qui lui aurait été adressé n’a jamais été reçu et il ne mentionne pas les règlements qui seraient intervenus ;
– à titre subsidiaire, aucune déchéance du terme n’a jamais été prononcée : les derniers paiements effectués doivent être imputés sur les dernières échéances antérieures à 2015, 2013 et 2006 ;
– un paiement partiel qui intervient hors du délai de prescription n’a pas d’effet interruptif de prescription.
Dans leurs dernières conclusions notifiées par RPVA le 26 juin 2024, les consorts [A] sollicitent du tribunal de :
– débouter M.[K] de l’intégralité de ses fins, moyens et conclusions ;
– constater que leur action en recouvrement n’est pas prescrite ;
– renvoyer l’affaire à une audience de mise en état ;
– condamner M. [K] à leur verser la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, outre les dépens de l’incident ;
– rappeler que la décision à intervenir sera de droit exécutoire à titre provisoire.
Au soutien de leurs conclusions, les consorts [A] exposent que :
– M. [K] a cessé tout remboursement depuis le 7 avril 2018 ;
– au visa des articles 2240,2242 du Code civil, tous les paiements effectués par M. [K] constituent des actes interruptifs de la prescription : dès lors, le délai de 5 ans a recommencé à courir à compter 7 avril 2018 ;
– l’action ayant été introduite le 31 mars 2023, elle n’est pas prescrite ;
– la preuve du point de départ de la prescription doit être rapportée par le demandeur à la fin de non-recevoir ;
– M. [K] ne peut contester le dernier paiement d’avril 2018 alors qu’il a été établi un reçu ;
– si le courrier de mise en demeure indique “destinataire inconnu à l’adresse”, M. [K] ne conteste pas cette adresse ;
– l‘imputation des paiements n’a aucun effet sur les actes interruptifs de prescription qui sont intervenus.
ll est, en application de l’article 455 du Code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, renvoyé au dossier de la procédure, aux pièces versées aux débats et aux conclusions des parties ci-dessus visées.
L’incident a été appelé à l’audience du 3 octobre 2024 et a été mis en délibéré au 9 janvier 2025.
Aux termes de l’article 789 du Code de procédure civile, lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour statuer sur les fins de non recevoir.
L’article 122 du Code de procédure civile dispose que constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
Selon l’article 2224 du Code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.
La charge de la preuve d’un délai de prescription incombe à celui qui invoque cette fin de non-recevoir (Cass com 24 janvier 2024 numéro 22-10.492).
La preuve du paiement qui est un fait juridique peut être rapportée par tous moyens ( Cass Civ 1ère 6 juillet 2004 numéro 01-14.618).
La reconnaissance, même partielle, que le débiteur fait du droit de celui contre lequel il prescrivait, entraîne pour la totalité de la créance un effet interruptif de prescription qui ne peut se fractionner (Cass Civ 16 novembre 2006 numéro 05-18.287).
En l’espèce, le point de départ de l’action doit être fixé non pas à la date du dernier paiement mais à la date du dernier incident de paiement, preuve que M. [K] ne peut rapporter. Au surplus, la copie du reçu en date du 7 avril 2018 ne comporte aucun motif du paiement.
Les demandeurs fournissent un décompte établi par leurs soins des paiements qui auraient été réalisés par M. [K]. Si ce dernier peut être retenu comme moyen de preuve d’un fait juridique, il est insuffisant à lui seul pour attester de la réalité des paiements. Les consorts [A] ne produisent pas les comptes bancaires du défunt qui auraient éventuellement permis d’apprécier l’existence des versements interruptifs de la prescription et des incidents de paiements.
Par conséquent, eu égard aux dates des reconnaissances de dette et des dernières échéances de remboursement prévues au mois de janvier 2006 et mars 2007, il y a lieu de considérer l’action des consorts [A] intentée à l’encontre de M. [K] par assignation en date du 31 mars 2023 comme étant prescrite.
Les consorts [A] seront condamnés au paiement de la somme de 800 euros à M. [K] au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, outre les dépens de l’incident.
Il sera rappelé le caractère exécutoire de la présente ordonnance.
Nous, Jean-Louis DRAGON, juge de la mise en état, statuant publiquement, par ordonnance contradictoire mise à disposition au greffe et en premier ressort,
DECLARONS irrecevable l’action intentée par M. [M] [A], Mme [T] [P] née [A] et Mme [W] [A] à l’encontre de M. [G] [K] ;
CONDAMNONS M. [M] [A], Mme [T] [P] née [A] et Mme [W] [A] au paiement de la somme de 800,00 € (HUIT CENTS EUROS) à M. [G] [K] au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNONS M. [M] [A], Mme [T] [P] née [A] et Mme [W] [A] aux dépens ;
RAPPELONS le caractère exécutoire de la présente ordonnance.
Et la présente ordonnance a été signée par le Juge de la mise en état et le Greffier.
Le Greffier, Le Juge,
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