Type de juridiction : Cour de cassation
Juridiction : Cour de cassation
Thématique : Responsabilité de l’employeur face aux risques professionnels et à la protection des travailleurs
→ RésuméContexte de l’affaireLa victime, [U] [J], a été employée comme apprenti puis ouvrier en atelier-mécanicien de 1954 à 1967 par la société [7], devenue [5]. En mars 2009, elle a déclaré un cancer broncho-pulmonaire, reconnu comme maladie professionnelle par la caisse primaire d’assurance maladie de Meurthe-et-Moselle, au titre du tableau n° 30 bis des maladies professionnelles. Demande des ayants droitAprès le décès de la victime, ses ayants droit ont engagé une procédure pour obtenir la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur. Le Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (FIVA) est intervenu dans le cadre de cette demande, subrogeant les droits des ayants droit suite à l’indemnisation versée. Arguments des partiesLes ayants droit et le FIVA ont contesté l’arrêt de la cour d’appel qui les déboutait de leur demande. Ils ont soutenu que l’employeur avait manqué à son obligation de sécurité, en n’ayant pas pris conscience des dangers liés à l’exposition à l’amiante. La cour d’appel a justifié sa décision en affirmant que la part d’activité de la victime au fond était marginale et que les éléments fournis ne permettaient pas de déterminer les conditions de travail précises de la victime. Analyse de la cour d’appelLa cour d’appel a conclu que les conditions de travail de la victime ne permettaient pas de déduire la conscience du danger par l’employeur, en se basant sur l’absence de preuves claires concernant l’exposition à l’amiante. Elle a également noté que les travaux impliquant des matériaux amiantés étaient occasionnels, ce qui a conduit à l’absence de reconnaissance de la faute inexcusable. Réponse de la CourLa Cour a rappelé que le manquement à l’obligation de sécurité constitue une faute inexcusable si l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger. Elle a critiqué la cour d’appel pour ne pas avoir examiné si, au regard des réglementations en vigueur, l’employeur n’aurait pas dû être conscient des risques encourus par la victime, ce qui a conduit à une décision sans base légale. |
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 9 janvier 2025
Cassation partielle
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 9 F-D
Pourvoi n° U 22-24.163
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 JANVIER 2025
1°/ Mme [D] [P], veuve [J], domiciliée [Adresse 2],
2°/ Mme [R] [J],
3°/ Mme [X] [S],
4°/ Mme [I] [S],
ces trois dernières domiciliées [Adresse 3],
toutes quatre agissant tant en leur nom personnel qu’en qualité d’ayants droit de [U] [J], décédé le 6 décembre 2010,
ont formé le pourvoi n° U 22-24.163 contre l’arrêt rendu le 19 octobre 2022 par la cour d’appel de Nancy (chambre sociale, section 1), dans le litige les opposant :
1°/ au Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante, dont le siège est [Adresse 11],
2°/ à la caisse primaire d’assurance maladie de Meurthe-et-Moselle, dont le siège est [Adresse 4],
3°/ à la société [5], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 6],
4°/ à M. [B] [O], domicilié [Adresse 1], pris en qualité de mandataire ad litem de la société [8],
défendeurs à la cassation.
Le Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
Les demanderesses au pourvoi principal invoquent, à l’appui de leur recours, un moyen unique de cassation.
Le demandeur au pourvoi incident invoque, à l’appui de son recours, un moyen unique de cassation auquel les demanderesses au pourvoi principal s’associent.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Pédron, conseiller, les observations de la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat de Mme [D] [P], veuve [J], Mme [R] [J], Mme [X] [S] et Mme [I] [S], en leur nom personnel et en qualité d’ayants droit de [U] [J], de la SARL Le Prado – Gilbert, avocat du Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société [5], et l’avis de Mme Pieri-Gauthier, avocat général, après débats en l’audience publique du 20 novembre 2024 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Pédron, conseiller rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Gratian, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Nancy, 19 octobre 2022) et les productions, [U] [J] (la victime), qui a travaillé, du 4 octobre 1954 au 20 mai 1967, comme apprenti puis ouvrier en atelier-mécanicien pour la [9], exploitée par la société [7], devenue [5] (l’employeur), a déclaré, le 25 mars 2009, un cancer broncho-pulmonaire pris en charge par la caisse primaire d’assurance maladie de la Meurthe-et-Moselle (la caisse), au titre du tableau n° 30 bis des maladies professionnelles.
2. Les ayants droit de la victime, décédée des suites de sa pathologie, ont saisi une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale d’une demande en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur.
3. Subrogé dans les droits de ceux-ci à la suite de l’indemnisation versée, le Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (le FIVA) est intervenu à l’instance.
Réponse de la Cour
Vu l’article L. 452-1 du code de la sécurité sociale et les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail :
5. Il résulte de ces textes que le manquement à l’obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l’employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d’une faute inexcusable lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.
6. Pour dire que l’employeur n’a commis aucune faute inexcusable, l’arrêt, après avoir relevé que la victime avait réalisé de façon habituelle des travaux d’entretien et de maintenance d’engins impliquant de découper et de gratter des équipements contenant des matériaux amiantés, retient qu’il n’est pas possible de déterminer si les taches étaient réalisées au jour ou au fond et que les travaux sur les garnitures de freins n’intervenaient qu’occasionnellement. Il conclut que les conditions effectives de travail de la victime ne permettent pas d’en déduire la conscience du danger que devait avoir l’employeur portant sur une période s’achevant en 1967.
7. En se déterminant ainsi, sans rechercher, ainsi qu’il lui était demandé, si, au regard des dispositions réglementaires applicables et notamment du décret du 31 août 1950 instaurant le tableau n° 30 des maladies professionnelles, l’employeur, compte tenu de son importance, de son organisation et de la nature de son activité, n’aurait pas dû avoir conscience du danger auquel était exposé son salarié, la cour d’appel a privé sa décision de base légale.
Laisser un commentaire