Cour de cassation, 8 janvier 2019
Cour de cassation, 8 janvier 2019

Type de juridiction : Cour de cassation

Juridiction : Cour de cassation

Thématique : Twitter : injure sans condamnation possible

Résumé

Sur Twitter, il est possible d’injurier une association sans risquer de condamnation, à condition que cela s’inscrive dans un débat d’intérêt général. Un avocat a ainsi vu son amende annulée après avoir critiqué l’Institut pour la justice, qui défendait des thèses sur le système judiciaire. Ses propos, bien que crus, ont été jugés comme une expression satirique dans le cadre d’une polémique publique. Les juges ont estimé que ces invectives, même virulentes, ne portaient pas atteinte à la dignité des personnes visées et s’inscrivaient dans le droit à la liberté d’expression.

Selon l’existence ou non d’un débat d’intérêt général, il est possible d’injurier (en termes crus), une association sur Twitter, sans s’exposer à une condamnation pour injure publique.

Injure publique et débat d’intérêt général

Un avocat a obtenu des juges suprêmes, la nullité de son amende de 500 euros pour injure sur Twitter contre l’Institut pour la justice. L’association a notamment pour objet la promotion « d’une meilleure organisation du système judiciaire en France, et de meilleures politiques de protection de la personne et du maintien de l’ordre public ». Cette dernière avait  porté plainte et s’était constituée partie civile après que l’avocat au barreau de Paris qui  anime un blog consacré à la justice ainsi qu’un compte Twitter, eut publié plusieurs messages mettant en cause le « Pacte 2012 pour la justice » que l’association avait établi à l’intention des candidats à la prochaine élection présidentielle et qui faisait l’objet d’une pétition sur internet.

Écrits en cause

Critiquant tant les thèses et objectifs du texte que la fiabilité du décompte des signataires de la pétition, l’avocat avait publié sur son compte Twitter, les propos suivants « L’Institut pour la justice en est donc réduit à utiliser des bots pour spamer sur Twitter pour promouvoir son dernier étron ? » et « Que je me torcherais bien avec l’institut pour la Justice si je n’avais pas peur de salir mon caca ». L’avocat avait été renvoyé devant le tribunal correctionnel sous la prévention d’injure publique.

Principe de la liberté d’expression

Au sens de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme, la liberté d’expression ne peut être soumise à des ingérences que dans les cas où celles-ci constituent des mesures nécessaires au regard du paragraphe 2 de ce texte. Selon les juges suprêmes, les propos en cause s’inscrivaient dans la même controverse sur l’action de la justice pénale, à l’occasion de la préparation de la campagne aux élections présidentielles de 2012, constitutive d’un débat public d’intérêt général. L’invective des propos répondait de façon spontanée à l’interpellation d’un internaute sur les thèses défendues par la partie civile et ce, sur un réseau social imposant des réponses lapidaires, et, quelles que fussent la grossièreté et la virulence des termes employés, ils ne tendaient pas à atteindre les personnes dans leur dignité ou leur réputation, mais exprimaient l’opinion de leur auteur sur un mode satirique et potache, dans le cadre d’une polémique ouverte sur les idées prônées par une association défendant une conception de la justice opposée à celle que le prévenu, en tant que praticien et débatteur public, entendait lui-même promouvoir. En dépit de leur outrance, de tels propos n’excédaient pas les limites admissibles de la liberté d’expression dans un pays démocratique.

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