Type de juridiction : Cour de cassation
Juridiction : Cour de cassation
Thématique : Dénigrement publicitaire : l’opérateur Free condamné
→ RésuméLa Cour de cassation a confirmé la condamnation de l’opérateur Free à verser 500 000 euros de dommages-intérêts à SFR pour dénigrement. Cette décision fait suite à des déclarations de Xavier Niel, dirigeant de Free, qui avait accusé SFR de pratiques commerciales trompeuses. Les juges ont estimé que ces propos, bien que basés sur des allégations, constituaient un acte de concurrence déloyale, nuisant à l’image de SFR sans fondement judiciaire. La diffusion nationale de ces déclarations a aggravé le préjudice, justifiant ainsi le montant des dommages-intérêts. L’affaire soulève des questions sur la légalité des pratiques commerciales dans le secteur des télécommunications.
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500 000 euros de dommages-intérêts
La Cour de cassation a confirmé la condamnation de l’opérateur Free pour dénigrement de son concurrent SFR (500 000 euros de dommages-intérêts). L’affaire devra néanmoins être rejugée au fond sur le volet des pratiques commerciales de SFR. La responsabilité de la société Free a été retenue du fait de l’annonce, par le dirigeant de la société Free, du dépôt d’une plainte pour dénoncer une pratique commerciale trompeuse et l’instigation d’une action en justice n’ayant pas donné lieu à une décision.
Liberté d’expression des PDG
Était en cause, une interview publiée dans le magazine Capital où Xaviel Niel indiquait que : « la pratique actuelle – de SFR – qui mélange le prix du service, celui du terminal et une prétendue subvention est une façon claire de faire du crédit à la consommation déguisé…sans se soumettre aux contraintes légales. En l’occurrence, cela revient à pratiquer des taux d’usure de 300 ou 400% que le consommateur ne voit pas. Je vous l’annonce en avant-première : nous avons déposé plainte contre SFR auprès du Tribunal de commerce de Paris pour faire reconnaître la nullité de ce type de contrat. Nous les assignons pour concurrence déloyale ».
Notion de dénigrement
Caractérise un acte de dénigrement constitutif de concurrence déloyale le fait de jeter le discrédit sur une entreprise concurrente en répandant des informations malveillantes sur les produits ou la personne d’un concurrent pour en tirer un profit. Des allégations peuvent être constitutives de dénigrement quand bien même l’information divulguée serait exacte ou de notoriété publique, l’exception de vérité n’étant pas applicable en matière de dénigrement.
Les propos dénigrants étaient constitutifs d’un acte de concurrence déloyale car employés à l’égard d’un concurrent accusé d’agissements illégaux et de pratique d’usure en l’absence de toute décision judiciaire. Ces propose étaient démesurés et marquaient la volonté de nuire en recherchant une large diffusion auprès du public. Le fait d’invoquer le dépôt d’une plainte laisse planer un doute sur l’existence d’une telle procédure et est de nature à discréditer gravement l’image d’un concurrent dans l’esprit du public. La société Free mobile n’a pu s’exonérer de sa responsabilité en invoquant des communications de la part de SFR qui seraient bien plus dénigrantes (pas de droit de réplique).
Compte tenu notamment de la diffusion à l’échelle nationale de l’interview comportant les propos dénigrants et de sa reprise sur de nombreux sites internet, la somme de 500 000 euros a été jugée comme une juste réparation du préjudice subi par SFR.
Crédit gratuit et téléphone mobile « subventionné »
Les juges suprêmes ont toutefois pointé la légalité de la pratique consistant à vendre à l’abonné, qui souscrit ou renouvelle son abonnement, un terminal à prix subventionné, c’est-à-dire inférieur à sa valeur de marché. Ce mécanisme qui représente un investissement lourd pour les opérateurs, est un important facteur d’innovation en ce qu’il les incite à développer des technologies toujours plus sophistiquées. Toutefois, la vente avec subvention pourrait être juridiquement été économiquement une opération de crédit au sens des articles L 311-2 et L 311-1-4º du code de la consommation.
Aux termes de l’article L 311-1, 4º du code de la consommation, une opération ou un contrat de crédit est une opération ou un contrat par lequel un prêteur consent ou s’engage à consentir à l’emprunteur un crédit sous la forme de délai de paiement, d’un prêt, y compris sous forme de découvert ou de toute autre facilité de paiement similaire, à l’exception des contrats conclus en vue de la fourniture d’une prestation continue ou à exécution successive de services ou de biens de même nature et aux termes desquels l’emprunteur en règle le coût par paiements échelonnés pendant toute la durée de la fourniture. La réglementation sur le crédit à la consommation s’applique à toute opération de crédit qu’elle soit conclue à titre onéreux ou à titre gratuit.
La qualification d’opération de crédit ne suppose pas nécessairement que le vendeur consente à l’acquéreur, par l’octroi d’un délai pour payer le prix de la vente après la livraison du bien, une avance que celui-ci doit restituer en totalité. En effet, une opération de crédit s’entend notamment, de toute facilité de paiement, de surcroît lorsque la société SFR s’assure du remboursement des sommes qu’elle a avancé au moment de la vente du terminal mobile en obtenant de ses clients la souscription d’un forfait majoré pour une durée de douze ou vingt-quatre mois (peu important l’aléa, théorique ou en tous cas limité, pouvant affecter le remboursement des sommes avancées).
Plus encore, une opération de crédit n’est pas incompatible avec le transfert immédiat de la propriété du bien financé à l’emprunteur. Le fait que la propriété de l’appareil mobile soit transférée instantanément et définitivement à l’acquéreur (pas de clause de réserve de propriété au bénéfice du vendeur) n’empêche pas la qualification de crédit.
En d’autres termes, si sont exclues de la réglementation du crédit les opérations à exécution successive par lesquelles le consommateur règle de façon échelonnée un bien ou un service qui lui est fourni, et ce pendant toute la durée de la fourniture dudit bien ou dudit service, tel n’est pas le cas de l’hypothèse envisagée d’une opération consistant à livrer un produit dont le prix est payé par des versements échelonnés, intégrés chaque mois dans la redevance d’un abonnement souscrit pour un service associé. Affaire à suivre de près ….
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