Type de juridiction : Cour de cassation
Juridiction : Cour de cassation
Thématique : Diffamation, débat d’intérêt général et bonne foi
→ RésuméLa Cour de cassation a tranché l’affaire de diffamation opposant Philippe Courroye, ancien procureur de Nanterre, à Rue89. L’article incriminé, portant sur le secret des sources, accusait Courroye d’avoir mis sur écoute des journalistes pour identifier une source. Bien que le passage ait été jugé diffamatoire, la Cour a retenu l’exception de bonne foi, considérant que l’article traitait d’un sujet d’intérêt général. Les juges ont souligné que la journaliste avait une base factuelle suffisante et que les propos, bien que peu précis, ne dépassaient pas les limites de la liberté d’expression dans la critique d’un magistrat.
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Affaire Rue89
La Cour de cassation a rendu sa décision dans l’affaire de diffamation publique opposant l’ancien procureur de Nanterre Philippe Courroye au directeur de la publication de Rue89 et l’une de ses journalistes. Le procureur avait porté plainte et s’est constitué partie civile du chef de diffamation publique envers un fonctionnaire public en raison d’un article intitulé « Secret des sources : encore un journaliste mis sous écoute ».
Imputations de détournement d’écoutes
Au détour de l’article portant sur « les fadettes du Monde », il était imputé à l’ancien procureur, d’avoir, pour identifier la source d’un article concernant une perquisition chez Liliane Bettencourt en 2010, d’avoir pris l’initiative de mettre sur écoute des téléphones de plusieurs journalistes du Monde, dont Gérard Davet. Le directeur de publication du site « Rue 89 » et la journaliste, auteure de l’article, ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel qui était entré en condamnation. Les juges d’appel, suivis par la Cour de cassation ont accordé l’exception de bonne foi aux prévenus.
Diffamation couverte par la bonne foi
La Cour de cassation a confirmé que le passage incriminé était bien diffamatoire en ce qu’il imputait à la partie civile, en sa qualité de magistrat, un fait contraire à sa déontologie professionnelle et susceptible de qualification pénale. Pour relaxer les prévenus au bénéfice de la bonne foi, la juridiction a considéré que l’article litigieux concernait la protection du secret des sources des journalistes, sujet d’intérêt général, et notamment une procédure ouverte après la publication d’un article du Monde, procédure au cours de laquelle 490 conversations téléphoniques d’un journaliste, avaient été écoutées et enregistrées par la police pendant un mois. Les juges ont retenu que ce n’est qu’en fin d’article que la journaliste évoquait l’ancien procureur.
Au regard de l’existence d’une base factuelle suffisante et si l’article en cause n’était pas d’une grande précision (s’agissant de SMS, le mot « écoute » avait été utilisé de façon erronée et dans son sens très générique), au regard du sujet en cause qui portait sur un sujet d’intérêt général, celui de l’atteinte au secret des sources des journalistes, la bonne foi a été retenu. Le passage en cause ne dépassait pas les limites admissibles de la liberté d’expression de journalistes dans la critique de l’action d’un magistrat.
Conditions de la bonne foi
Piqure de rappel juridique : les imputations diffamatoires sont réputées, de droit, faites avec intention de nuire, mais elles peuvent être justifiées lorsque leur auteur établit sa bonne foi, en prouvant qu’il a poursuivi un but légitime, étranger à toute animosité personnelle, et qu’il s’est conformé à un certain nombre d’exigences, en particulier de sérieux de l’enquête, ainsi que de prudence dans l’expression. La bonne foi ne peut être déduite de faits postérieurs à la diffusion des propos. Ces critères s’apprécient différemment selon le genre de l’écrit en cause et la qualité de la personne qui s’exprime ; lorsque les propos incriminés concernent un sujet d’intérêt général, leur auteur doit établir qu’ils reposent sur une base factuelle suffisante.
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