Cour de cassation, 6 mars 2019
Cour de cassation, 6 mars 2019

Type de juridiction : Cour de cassation

Juridiction : Cour de cassation

Thématique : Tweet incitant à la discrimination raciale

Résumé

La Cour de cassation a récemment statué sur un tweet jugé ambigu, qui évoquait le « #Grand Remplacement ». Bien que l’auteur ait été condamné pour des propos tenus lors d’une réunion publique, le tweet en question n’a pas été considéré comme un appel à la discrimination ou à la haine. La cour a estimé que, bien qu’il déplorait une évolution démographique dans les classes, le message ne contenait pas d’exhortation à la violence ou à la stigmatisation. Cette décision souligne les limites de l’interprétation des messages sur les réseaux sociaux et la protection de la liberté d’expression.

Le délit d’appel à la discrimination raciale est plus difficilement retenu sur Twitter en raison de la brièveté des messages et des possibilités d’interprétations multiples.

Action infructueuse de la LICRA

La Cour de cassation a débouté plusieurs associations de lutte contre le racisme et l’antisémitisme ayant poursuivi l’auteur d’un Tweet ambigu  du chef de provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence à l’égard d’un groupe de personnes à raison de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée.  L’action visait le Tweet suivant « #rentreedesclasses : la preuve la plus éclatante du grand Remplacement en cours. Il suffit de regarder d’anciennes photos de classe » étant précisé que le texte exact est « #Grand Remplacement ».

Interprétation d’un Tweet

Le sens et la portée de ce bref message doivent être recherchés par rapport à la perception et la compréhension du lecteur moyen qui en prend connaissance à la date de sa diffusion ; le « #Grand Remplacement », avec le signe # et l’emploi de majuscules, fait référence aux thèses développées par l’écrivain Renaud Camus, selon lesquelles il existerait sur le territoire français métropolitain un processus de remplacement du peuplement européen par une population non européenne originaire du Maghreb et d’Afrique noire, impliquant un changement de civilisation. Si l’auteur a été pénalement et définitivement condamné du chef de provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence à l’égard d’un groupe de personnes à raison de son appartenance à une race ou une religion, ce n’était pas pour des propos publiés dans le livre dans lequel il expose sa théorie-ouvrage qui n’est pas interdit-, mais à la suite de paroles précises et très virulentes proférées au cours d’une réunion publique, présentant « les musulmans comme des délinquants colonisant et asservissant la France par la violence, alors que les lois et institutions étaient impuissantes à protéger l’indépendance du pays et la liberté du peuple ». 

Bien que le signe # puisse permettre d’accéder à diverses informations sur ce sujet, il est certain que de nombreuses personnes ne connaissent pas Renaud Camus dont le nom n’est pas mentionné dans le tweet, ni ses thèses ou propos de façon précise. La teneur du message publié permettait toutefois au lecteur de comprendre que la physionomie des élèves avait beaucoup changé, que dans les écoles, il y avait de plus en plus d’enfants qui n’étaient pas blancs comme auparavant, et même que l’auteur du tweet n’approuvait pas une telle évolution ; que cependant, la teneur du propos demeure ainsi trop floue et imprécise pour contenir le moindre appel, même implicite, à la discrimination, à la haine ou à la violence.

Constat objectif et stigmatisation

La Cour de cassation a jugé que le Tweet en cause ne contenait pas d’appel ou une exhortation, même implicitement formulés, à la discrimination, à la haine ou à la violence envers une personne ou un groupe de personnes déterminées, dès lors que, l’auteur, s’il déplorait une surreprésentation d’enfants musulmans dans certaines classes, ce qu’il présentait comme une situation de fait, ils n’invitait à aucune réaction particulière, sous forme de discrimination ou de violence, ni ne stigmatisait  les personnes concernées dans des conditions visant à susciter la haine à leur égard.  La formulation de ces propos pouvait légitimement choquer mais n’a pas excédé les limites admissibles de la liberté d’expression.

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