Cour de cassation, 5 mars 2018
Cour de cassation, 5 mars 2018

Type de juridiction : Cour de cassation

Juridiction : Cour de cassation

Thématique : Protection du logiciel : la voie prometteuse du savoir-faire

Résumé

De nombreux éditeurs de logiciels peinent à prouver l’originalité de leurs créations pour bénéficier de la protection des droits d’auteur. L’affaire 3DSoft contre Toyota France illustre une alternative efficace : l’action en parasitisme. 3DSoft, ayant développé un logiciel pour la gestion des services après-vente, a obtenu gain de cause après que Toyota ait conçu un logiciel similaire par ingénierie inverse. Bien que l’interface graphique ne soit pas protégée par le droit d’auteur, les juges ont reconnu une appropriation du savoir-faire de 3DSoft, entraînant une condamnation de Toyota à verser 125 000 euros de dommages-intérêts.

Pillage de savoir-faire

De nombreux éditeurs de logiciels se trouvent confrontés à la difficulté d’établir l’originalité de leur logiciel pour bénéficier de la protection des droits d’auteur. Comme illustré par cette affaire, l’action en parasitisme / violation de savoir-faire se révèle être une alternative bien plus efficace.

Affaire Toyota Motor Europe

La société 3DSoft qui a conçu et commercialisé un logiciel dédié à la gestion des services après-vente automobiles, dont elle a adapté une version aux besoins de la société Toyota France, a obtenu la condamnation de cette dernière sur le fondement du parasitisme. La société Toyota France avait mis au point un logiciel aux fonctionnalités similaires mais à partir d’une ingénierie inverse à celle de la société 3DSoft.

Interfaces exclues de la protection

L’expert désigné avait conclu à l’existence d’une ergonomie de surface similaire entre les deux logiciels (interface que voit l’utilisateur) mais cette interface ne constitue toutefois qu’un élément du programme au moyen duquel celui-ci exploite ses fonctionnalités. Or, les interfaces graphiques du logiciel étant exclues du champ de la protection du droit d’auteur, la  contrefaçon a donc été exclue.  A ce titre, au sens du considérant 16 de la directive 2009/24/CE du 23 avril 2009 « seule l’expression d’un programme d’ordinateur est protégée,  les idées et principes qui sont à la base des différents éléments d’un programme, y compris ceux qui sont à la base de ses interfaces, ne sont pas protégés par le droit d’auteur en vertu de la présente directive ». 

125 000 euros à titre de dommages-intérêts

Relevant que les ressemblances constatées entre les logiciels en présence, relatives aux spécifications fonctionnelles générales ainsi qu’à la présentation des écrans, à leur contenu et à leur séquencement, avaient pour origine les nombreuses captures d’écran du logiciel de la société 3DSoft, les juges ont retenu que de tels actes caractérisent une appropriation du savoir-faire de la société, appropriation réalisée en trompant la confiance de l’éditeur, qui a permis à la société Toyota d’éviter de supporter des investissements financiers et un risque économique. La société 3DSoft a obtenu la somme de 125 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation des actes de parasitisme commis par la société Toyota France.

Le montant des dommages-intérêts alloués en réparation d’une atteinte portée à un droit de propriété intellectuelle étant déterminé en fonction de critères que le juge doit prendre en considération distinctement, énoncés à l’article 2 de la loi n 2014-315 du 11 mars 2014, ces dispositions ne sont pas applicables à la fixation des dommages-intérêts alloués en réparation  d’actes de parasitisme. L’action en parasitisme n’a vocation à indemniser que le préjudice résultant du pillage illicite d’investissements et de savoir-faire, tels des frais de conception, de mise au point, de communication ou encore la perte de l’avantage concurrentiel procuré par des investissements. A donc été exclu de l’assiette d’indemnisation de l’éditeur du logiciel, la demande indemnitaire résultant des pertes subies, gains manqués, préjudice moral ou ressortant de la relation contractuelle rompue.

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