Type de juridiction : Cour de cassation
Juridiction : Cour de cassation
Thématique : Saisies pénales et abus de biens sociaux : enjeux de preuve et de motivation
→ RésuméEnquête préliminaireUne enquête préliminaire a été ouverte pour abus de biens sociaux, visant à établir les conditions dans lesquelles M. [K] [L], dirigeant de la société [2], a profité de croisières sur le bateau de la société et a signé des conventions d’assistance comptable et commerciale avec la société [1] entre 2009 et 2013, pour lesquelles il a perçu une rémunération de 360 000 euros. Saisies ordonnéesLe 15 juillet 2021, le juge des libertés et de la détention a ordonné la saisie de créances sur des contrats d’assurance-vie et de sommes sur divers comptes d’épargne au nom de M. [L]. Ce dernier a ensuite fait appel de ces décisions. Critique de l’arrêtM. [L] a contesté l’arrêt qui a confirmé les ordonnances de saisie, arguant que la chambre de l’instruction aurait dû évaluer l’existence d’indices de commission d’infraction justifiant la saisie. Il a également souligné que les conventions d’assistance avaient été approuvées par l’assemblée générale des associés de la société [2], ce qui n’a pas été pris en compte. Réponse de la CourLa Cour a rappelé que tout arrêt de la chambre de l’instruction doit comporter des motifs justifiant la décision et répondre aux arguments des parties. L’arrêt attaqué a affirmé qu’il existait des indices graves permettant de penser que M. [L] avait commis des abus de biens sociaux, notamment en ce qui concerne les croisières et la rémunération perçue. Motifs de la décisionLes juges ont noté que M. [L] n’avait pas pu fournir de preuves d’une autorisation pour percevoir un salaire et que les conventions d’assistance avaient été signées uniquement par lui. Cependant, la chambre de l’instruction n’a pas suffisamment justifié sa décision, notamment en ne répondant pas aux arguments concernant l’approbation des conventions par l’assemblée générale. ConclusionLa cassation est donc encourue en raison de l’insuffisance des motifs justifiant les saisies, notamment en ce qui concerne les abus de biens sociaux et l’absence de réponse aux éléments de preuve fournis par M. [L]. |
N° W 23-82.842 F-D
N° 00088
LR
29 JANVIER 2025
CASSATION
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 29 JANVIER 2025
M. [K] [L] a formé un pourvoi contre l’arrêt de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Metz, en date du 14 mars 2023, qui, dans la procédure suivie du chef d’abus de biens sociaux, a confirmé les ordonnances de saisie pénale rendues par le juge des libertés et de la détention.
Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de Mme Chafaï, conseiller référendaire, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. [K] [L], et les conclusions de Mme Gulphe-Berbain, avocat général, après débats en l’audience publique du 18 décembre 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Chafaï, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Le Roch, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l’article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Une enquête préliminaire a été diligentée du chef d’abus de biens sociaux afin, notamment, de déterminer les conditions dans lesquelles M. [K] [L], en sa qualité de dirigeant de la société [2], a bénéficié de croisières sur le bateau de la société et a conclu entre 2009 et 2013 des conventions d’assistance comptable et commerciale avec la société [1], dont il était également le président, au titre desquelles il a perçu une rémunération à hauteur de 360 000 euros.
3. Par sept ordonnances du 15 juillet 2021, le juge des libertés et de la détention a ordonné la saisie de créances figurant sur des contrats d’assurance-vie et de sommes figurant sur un compte épargne retraite, sur des plans épargne en actions et sur un contrat de portefeuille titres ouverts au nom de M. [L].
4. Ce dernier a relevé appel de ces décisions.
Réponse de la Cour
Vu l’article 593 du code de procédure pénale :
6. Tout arrêt de la chambre de l’instruction doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux articulations essentielles des mémoires des parties. L’insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
7. Pour confirmer les saisies pénales pratiquées, l’arrêt attaqué énonce qu’il ressort de la procédure des indices graves ou concordants permettant de penser que M. [L] a pu commettre des abus de biens sociaux.
8. Les juges retiennent que ces abus de biens sociaux portent sur le bénéfice de croisières sur le bateau appartenant à la société [2] comptabilisées en cadeaux aux clients ainsi que sur une rémunération de 360 000 euros sur cinq ans au titre de conventions d’assistance conclues entre les sociétés [2] et [1].
9. Après avoir constaté que l’intéressé ne pouvait produire aux enquêteurs de délibérations du conseil d’administration ou de
procès-verbal d’assemblée générale de la société [2] l’autorisant à percevoir un salaire, ils relèvent que les conventions d’assistance ont été conclues sous la seule signature de M. [L], représentant les deux sociétés.
10. En se déterminant ainsi, la chambre de l’instruction n’a pas justifié sa décision pour les motifs qui suivent.
11. Alors que les abus de biens sociaux résultant de la conclusion par M. [L] de conventions ayant donné lieu au versement à son profit d’une rémunération non autorisée à hauteur de 360 000 euros portaient sur un montant déterminant pour fonder les saisies pratiquées à hauteur de 219 329,94 euros, que les abus de biens sociaux relatifs aux frais de croisières, évalués dans ses constatations à 85 885,38 euros, ne pouvaient justifier à eux seuls, elle a retenu l’existence d’indices de commission de l’infraction sans répondre au mémoire qui faisait valoir que les conventions litigieuses avaient été régulièrement approuvées par l’assemblée générale de la société [2] et offrait d’en apporter la preuve par la production des procès-verbaux qui y étaient relatifs.
12. La cassation est par conséquent encourue.
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