Cour de cassation, 29 janvier 2025, Pourvoi n° 23-16.335
Cour de cassation, 29 janvier 2025, Pourvoi n° 23-16.335

Type de juridiction : Cour de cassation

Juridiction : Cour de cassation

Thématique : Prolongation contestée de la rétention administrative d’un ressortissant étranger

Résumé

Contexte de la rétention administrative

Le 14 novembre 2022, M. [M], de nationalité marocaine et en situation irrégulière en France, a été placé en rétention administrative à sa sortie de détention, en raison d’une obligation de quitter le territoire français.

Demande de prolongation de la rétention

Le 15 novembre 2022, le préfet de la Gironde a demandé au juge des libertés et de la détention de prolonger la rétention de M. [M] pour une durée de 28 jours, conformément à l’article L. 742-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA).

Argumentation de M. [M]

M. [M] a contesté l’ordonnance qui a écarté l’irrecevabilité de la requête du préfet, arguant que celle-ci devait être accompagnée d’une copie du registre prévu par l’article L. 744-2 du CESEDA. Il a soutenu que l’absence de ce document constituait une fin de non-recevoir, sans qu’il soit nécessaire de prouver un grief.

Réponse de la Cour

La Cour a rappelé que le juge des libertés doit s’assurer que l’étranger a été informé de ses droits, et que toute demande de prolongation de rétention doit être accompagnée d’une copie du registre. L’absence de ce document empêche un contrôle effectif des droits de l’étranger.

Décision de la Cour

L’ordonnance a jugé que l’absence de la copie du registre ne portait pas atteinte aux droits de M. [M], car ses droits avaient été notifiés avec l’arrêté de placement. Cependant, cette décision a été considérée comme une violation des textes en vigueur.

Conséquences de la cassation

La cassation prononcée ne nécessite pas un nouvel examen du fond, car les délais légaux pour statuer sur la mesure de rétention étaient expirés, laissant ainsi la situation sans objet à juger.

CIV. 1

MY1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 29 janvier 2025

Cassation partielle sans renvoi

Mme CHAMPALAUNE, président

Arrêt n° 62 F-D

Pourvoi n° F 23-16.335

Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de Mme [K].
Admission du bureau d’aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 16 mai 2023.

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 29 JANVIER 2025

M. [F] [M], domicilié chez Mme [L] [E], [Adresse 1], a formé le pourvoi n° F 23-16.335 contre l’ordonnance rendue le 18 novembre 2022 par le premier président de la cour d’appel de Bordeaux, dans le litige l’opposant :

1°/ au préfet de la Gironde, domicilié [Adresse 2],

2°/ au procureur général près la cour d’appel de Bordeaux, domicilié en son parquet général, palais de justice, place de la République, CS 11385, 33077 Bordeaux cedex,

défendeurs à la cassation.

Le demandeur invoque, à l’appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Dumas, conseiller référendaire, les observations de la SAS Zribi et Texier, avocat de M. [M], et l’avis de M. Aparisi, avocat général, après débats en l’audience publique du 3 décembre 2024 où étaient présentes Mme Champalaune, président, Mme Dumas, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Ben Belkacem, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’ordonnance attaquée, rendue par le premier président d’une cour d’appel (Bordeaux, 18 novembre 2022), le 14 novembre 2022, M. [M], de nationalité marocaine, en situation irrégulière sur le territoire français, a, à sa sortie de détention, été placé en rétention administrative en exécution d’une obligation de quitter ce territoire.

2. Le 15 novembre 2022, le préfet de la Gironde a saisi le juge des libertés et de la détention d’une demande de prolongation de la rétention en application de l’article L. 742-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA).

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 743-9, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n°2023-1059 du 20 novembre 2023, L. 744-2, alinéa 1, et R. 743-2 du CESEDA :

4. Selon le premier de ces textes, le juge des libertés et de la détention, saisi aux fins de prolongation de la rétention, rappelle à l’étranger les droits qui lui sont reconnus et s’assure, d’après les mentions figurant au registre prévu à l’article L. 744-2 émargé par l’intéressé, que celui-ci a été, dans les meilleurs délais suivant la notification de la décision de placement en rétention, pleinement informé de ses droits et placé en état de les faire valoir à compter de son arrivée au lieu de rétention.

5. Selon le deuxième, il est tenu, dans tous les lieux de rétention, un registre mentionnant l’état civil des personnes retenues, ainsi que les conditions de leur placement ou de leur maintien en rétention.

6. Selon le troisième de ces textes, toute requête en prolongation de la rétention administrative d’un étranger doit, à peine d’irrecevabilité, être accompagnée d’une copie de ce registre.

7. Il s’en déduit que la non-production d’une copie, permettant un contrôle de l’effectivité de l’exercice des droits reconnus à l’étranger au cours de la mesure de rétention, constitue une fin de non-recevoir pouvant être accueillie sans que celui qui l’invoque ait à justifier d’un grief et qu’il ne peut être suppléé à l’absence du dépôt de cette pièce, sauf s’il est justifié d’une l’impossibilité de la joindre à la requête.

8. Pour écarter l’irrecevabilité de la requête du préfet, malgré l’absence de jonction d’une copie du registre, l’ordonnance retient que cette irrégularité ne porte pas atteinte aux droits de M. [M], dès lors que l’ensemble de ses droits lui ont été notifiés avec l’arrêté de placement en rétention.

9. En statuant ainsi, le premier président a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

10. Après avis donné aux parties, conformément à l’article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1er du code de l’organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

11. La cassation prononcée n’implique pas, en effet, qu’il soit à nouveau statué sur le fond, dès lors que, les délais légaux pour statuer sur la mesure étant expirés, il ne reste plus rien à juger.

 


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