Cour de cassation, 26 mars 2020
Cour de cassation, 26 mars 2020

Type de juridiction : Cour de cassation

Juridiction : Cour de cassation

Thématique : La dénonciation calomnieuse soumise au contrôle de proportionnalité

Résumé

La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) souligne que, dans les cas de dénonciation calomnieuse, le juge français doit effectuer un contrôle de proportionnalité, similaire à celui en matière de diffamation. Dans une affaire récente, la CEDH a constaté que les juridictions françaises n’avaient pas pris en compte le droit à la liberté d’expression, se limitant à vérifier les éléments constitutifs du délit. De plus, la Cour de cassation a affirmé que la dénonciation calomnieuse ne peut être justifiée par le droit d’informer, soulignant ainsi la nécessité d’évaluer chaque situation selon ses circonstances spécifiques.

Selon la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), tout comme en matière de diffamation, le juge français a l’obligation d’opérer son contrôle de proportionnalité en présence d’une dénonciation calomnieuse. Dans cette affaire, la CEDH a considéré que les juridictions françaises se sont limitées à rechercher si les éléments constitutifs du délit de dénonciation calomnieuse étaient réunis, sans prendre en compte dans leur raisonnement le droit à la liberté d’expression. Elles n’avaient donc pas procédé au contrôle de proportionnalité qu’appelle l’article 10 de la Convention européenne.

Dénonciation d’un fait inexact

L’article 226-10 du code pénal (ancienne version) sanctionne
de cinq ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende, la dénonciation,
effectuée par tout moyen et dirigée contre une personne déterminée, d’un fait
qui est de nature à entraîner des sanctions judiciaires, administratives ou
disciplinaires et que l’on sait totalement ou partiellement inexact,
lorsqu’elle est adressée soit à un officier de justice ou de police
administrative ou judiciaire, soit à une autorité ayant le pouvoir d’y donner
suite ou de saisir l’autorité compétente, soit aux supérieurs hiérarchiques ou
à l’employeur de la personne dénoncée.

La fausseté du fait dénoncé résulte nécessairement d’une
décision, devenue définitive, d’acquittement, de relaxe ou de non-lieu
déclarant que la réalité du fait n’est pas établie ou que celui-ci n’est pas
imputable à la personne dénoncée. En tout autre cas, le tribunal saisi des
poursuites contre le dénonciateur apprécie la pertinence des accusations
portées par celui-ci.

Position de la cour de cassation

La Cour de cassation a elle-même retenu que les
juges du fond n’ont pas à répondre à un moyen tiré de la violation de l’article 10 de la
Convention européenne au motif que « des faits de dénonciation calomnieuse ne
sauraient être justifiés par le droit d’informer le public défini par l’article
10 § 1 de la Convention, lequel, dans son second paragraphe, prévoit que
l’exercice de la liberté de recevoir et de communiquer des informations
comporte des devoirs et des responsabilités et qu’il peut être soumis par la
loi à des restrictions ou des sanctions nécessaires à la protection de la réputation
des droits d’autrui ».

En d’autres termes, la Cour de cassation juge qu’il
y a nécessairement manquement aux devoirs et responsabilités inhérents à
l’exercice de la liberté d’expression dès lors qu’il a été jugé que des propos
relèvent de la dénonciation calomnieuse, au sens de l’article 226-10 du code
pénal. Or, selon la CEDH, la question d’un tel manquement doit en principe être
appréciée au regard des circonstances de chaque cause, dans le cadre du
contrôle de proportionnalité. Les juridictions saisies d’un moyen tiré d’une
violation de l’article 10 de la Convention à l’occasion de poursuites pour
dénonciation calomnieuse ne peuvent donc se trouver dispensées d’y répondre.

Contexte de l’affaire

Un conseiller régional et avocat, opposant au projet
de construction par la société Olympique Lyonnais Groupe (« OL Groupe ») d’un
nouveau stade de football dans la banlieue lyonnaise, l’« OL Land » (qui a été
finalement inauguré en 2016) a adressé une lettre ouverte au président de
l’Autorité des Marchés Financiers (« AMF ») dans laquelle il reprochait à l’OL
Groupe et à son PDG d’avoir fourni des informations fausses ou trompeuses dans
le cadre de la procédure d’entrée en bourse de la société.

Condamnation pour dénonciation calomnieuse

L’OL Groupe et son dirigeant ont déposé plainte du
chef de dénonciation calomnieuse. L’avocat a été condamné à une peine d’amende pour
dénonciation calomnieuse. En effet, les faits dénoncés tombaient sous le coup
de l’article L. 465-2 du code monétaire et financier, qui punit de deux ans
d’emprisonnement et une amende de 1 500 000 euros, «le fait, pour toute personne, de répandre dans le public par des
voies et moyens quelconques des informations fausses ou trompeuses sur les
perspectives ou la situation d’un émetteur dont les titres sont négociés sur un
marché réglementé ou sur les perspectives d’évolution d’un instrument financier
admis sur un marché réglementé, de nature à agir sur les cours. »

Pour entrer en condamnation, la juridiction avait considéré en premier lieu, que la lettre ouverte contenait la dénonciation d’un fait susceptible d’entraîner des sanctions administratives ou judiciaires visant le dirigeant de l’OL et la société qu’il dirigeait. En second lieu, elle estimait que les faits dénoncés par l’avocat, étaient non seulement inexacts mais aussi trompeurs ou faux. Télécharger la décision

 


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