Type de juridiction : Cour de cassation
Juridiction : Cour de cassation
Thématique : Recourir à des non professionnels pour un spot publicitaire ?
→ RésuméRecourir à des non-professionnels pour un spot publicitaire soulève des questions juridiques complexes. Selon l’article L7123-2 du code du travail, toute personne présentant un produit ou un service, même de manière occasionnelle, est considérée comme mannequin. Cela implique que leur image, utilisée à des fins publicitaires, les lie à un contrat de travail présumé. Ainsi, même une simple participation à une campagne peut entraîner des obligations sociales pour l’employeur. Le risque de requalification en contrat de travail est donc élevé, rendant essentiel le respect des réglementations en vigueur pour éviter des complications juridiques.
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Le régime des mannequins exerçant à titre occasionnel est applicable dès lors que les deux conditions de l’article L7123-2 du code du travail sont réunies : i) présentation promotionnelle à un public ; ii) existence d’une séance de pose / prise de vue ou d’un support permettant d’établir la pose du modèle.
Rappel sur la notion de mannequin
Au sens de l’article L7123-2 du code du travail « est considérée comme exerçant une activité de mannequin, même si cette activité n’est exercée qu’à titre occasionnel, toute personne qui est chargée : 1° Soit de présenter au public, directement ou indirectement par reproduction de son image sur tout support visuel ou audiovisuel, un produit, un service ou un message publicitaire; 2° Soit de poser comme modèle, avec ou sans utilisation ultérieure de son image. ».
La prestation d’un mannequin est liée à la promotion d’un bien ou d’un service, ladite prestation pouvant être permanente ou occasionnelle. Pour être qualifiée de mannequin, une personne doit voir son image utilisée pour présenter au public un produit, service ou message publicitaire. A titre d’exemple, prêter son visage comme support de maquillage aux explications techniques d’un professionnel du maquillage (dans un DVD), ne correspond pas à la notion de modèle au sens restrictif où il est constant de le comprendre.
Distinguo avec l’artiste-interprète et l‘artiste de complément
Le mannequin n’est pas un artiste-interprète : à l’exclusion de l’artiste de complément, considéré comme tel par les usages professionnels, l’artiste-interprète ou exécutant est la personne qui représente, chante, récite, déclame, joue ou exécute de toute autre manière une oeuvre littéraire ou artistique, un numéro de variétés, de cirque ou de marionnettes. Un artiste de complément ne bénéficie pas de droits voisins. Un artiste de complément se distingue d’un artiste-interprète en ce que sa prestation est complémentaire ou accessoire, que sa personnalité ne transparaît pas dans sa prestation, et que son interprétation n’est pas originale (CA de Paris, 12/05/2011)
La présomption de salariat du mannequin
Il est de jurisprudence constante (CC ch. soc., 25/04/2013 ; CC ch. soc., 03/06/2010) qu’en application des articles L. 7123-2, L. 7123-3, L. 7123-4 du code du travail et L. 311-3 15° du code de la sécurité sociale, le fait de présenter au public, directement ou indirectement, même à titre occasionnel, un produit, un service (exemple : une application mobile) ou un message publicitaire par reproduction de son image sur tout support visuel ou audiovisuel constitue l’activité de mannequin. Le contrat par lequel une personne (annonceur, agence ou autre) s’assure, moyennant rémunération, le concours d’un mannequin est présumé être un contrat de travail. Cette présomption n’est détruite ni par la preuve que le mannequin conserve une entière liberté d’action pour l’exécution de sa mission ni par le mode et le montant de la rémunération, ni encore par la qualification donnée au contrat par les parties ; l’affiliation obligatoire du mannequin aux assurances sociales du régime général incombe à celui qui fait appel à ses services.
Il est très difficile pour le « présumé employeur » de combattre cette présomption Dans l’affaire Johnny Halliday (CC ch. soc., 25/04/2013) , il a été jugé que même si l’artiste avait uniquement autorisé la société Legal café à utiliser son nom, sa signature et sa photographie par reproduction sur des paquets de cafés et même s’il n’avait ni posé, ni tourné de film publicitaire et que le cliché utilisé avait été réalisé avant la signature du contrat et déjà utilisé en couverture d’un des derniers albums du chanteur, Johnny Halliday était bien un mannequin. La présentation au public d’un produit par reproduction sur ce produit, qui en est alors le support visuel, de l’image d’une personne ayant passé contrat à cette fin, entre dans les prévisions de l’article L. 763-1, devenu les articles L. 7123-2 à L. 7123-4 du code du travail.
Conséquences du statut de salarié
Même exercée de façon occasionnelle, une prestation de mannequin est assujettie au régime général des salariés, l’article L. 311-2 du code de la sécurité sociale disposant que « sont affiliées obligatoirement aux assurances sociales du régime général, quel que soit leur âge et même si elles sont titulaires d’une pension, toutes les personnes quelle que soit leur nationalité, de l’un ou de l’autre sexe, salariées ou travaillant à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs et quels que soient le montant et la nature de leur rémunération, la forme, la nature ou la validité de leur contrat ». Aux termes de l’article L. 311-3 du code de la sécurité sociale, « sont notamment compris parmi les personnes auxquelles s’impose l’obligation prévue à l’article L. 311-2, même s’ils ne sont pas occupés dans l’établissement de l’employeur ou du chef d’entreprise, même s’ils possèdent tout ou partie de l’outillage nécessaire à leur travail et même s’ils sont rétribués en totalité ou en partie à l’aide de pourboire…. (15°) les artistes du spectacle et les mannequins auxquels sont reconnues applicables les dispositions des articles L. 762-1 et suivants, L. 763-1 et L. 763-2 du code du travail ». Les obligations de l’employeur sont assurées à l’égard des artistes du spectacle et des mannequins par les entreprises, établissement, services, associations, groupements de personnes qui font appel à eux, même de façon occasionnelle.
A titre d’exemple, l’URSSAF a redressé des interventions bénévoles faites par des mannequins à l’occasion d’un défilé ponctuel / occasionnel. L’association organisatrice de l’événement, a fait appel à des bénévoles pour tenir le rôle de mannequins et pour cela, des contrats d’activité bénévole ont été établis et signés. Les mannequins participaient à quatre défilés sur ce salon en étant indemnisés à hauteur de 125 euros de leurs frais de repas et trajets (CA de Bordeaux, 03/11/2016).
Cession de droit à l’image et publicité : un mauvais ménage
Une cession de droit à l’image avec rémunération renforce le risque de requalification en contrat de travail puisque l’un des critères du contrat de travail (la rémunération) est satisfait. Dans tous les cas, le mannequin bénéficie de la présomption légale de l’existence d’un contrat de travail.
Une cession de droit à l’image s’inscrit dans l’objectif d’exploiter l’image d’une personne hors des circuits commerciaux (le droit à l’image étant un droit de la personnalité rattaché à la vie privée). Dès lors qu’une exploitation commerciale de l’image d’une personne est envisagée, le régime applicable est celui des mannequins. Même s’il s’agit d’une campagne unique, ces intervenants occasionnels sont considérés comme des mannequins, les deux conditions de l’article L7123-2 du Code du travail étant réunies. En conséquence, ces personnes sont présumées être liées au commanditaire par un contrat de travail et l’URSSAF les considère comme des salariés (cotisations salariales applicables). Le risque de requalification se pose vis-à-vis de l’URSSAF mais aussi vis-à-vis des modèles qui peuvent se voir attribuer la qualité de salarié.
Il a par exemple été jugé (CA de Paris, 05/10/2017) que lorsqu’un contrat prévoit qu’un sportif est chargé de poser comme modèle, les sommes versées au joueur par son partenaire sont assujetties aux cotisations de sécurité sociale du régime dont il relève (même en l’absence de tout lien de subordination). Dans l’affaire soumise, l’activité du cessionnaire ne se limitait pas à l’exploitation des images des joueurs en train de jouer sur le terrain ou à celles prises après le match ; les sportifs devaient aussi participer à des prises de vue, se tenir à la disposition du cessionnaire pour toutes sortes d’opérations ou d’événements susceptibles d’être diffusés ensuite sur les médias ou les réseaux sociaux. En participant à la confection de calendriers, les joueurs de rugby n’ont donc pas servi de modèles artistiques mais ont contribué à une opération de communication et de vente de produits dérivés.
Quid du caractère gratuit de la cession de droit à l’image ?
Le caractère gratuit de la cession n’est qu’un critère accessoire du risque de requalification en contrat de travail. Pour rappel, le contrat de travail est la convention par laquelle une personne physique s’oblige à mettre son activité à la disposition d’une autre personne, physique ou morale, dans un rapport de subordination et moyennant une rémunération. La reconnaissance de l’existence d’un contrat de travail dépend des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité des travailleurs, l’élément essentiel étant constitué par le lien de subordination caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné. Le travail au sein d’un service organisé peut constituer un indice du lien de subordination lorsque l’employeur détermine unilatéralement les conditions du travail. L’existence d’une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité du travailleur concerné.
Le risque de requalification d’une cession de droit à l’image en contrat de travail est réel. Il a été jugé (CA de Paris, 5/10/2016) que par application des dispositions de l’article L 7123-3 du code du travail, le contrat liant un modèle à une société était présumé être un contrat de travail peu important la qualification donnée par les parties à la relation contractuelle et peu important le mode de rémunération. En l’espèce, le modèle était rémunéré par l’octroi de vêtements pour une valeur de 1 000 euros. Le contrat de ‘prise de vues & cession des droits d’image’ a été qualifié de contrat de travail à durée indéterminée.
L’employeur peut également être condamné pour travail dissimulé. L’article L.8221-1 du code du travail prohibe le travail totalement ou partiellement dissimulé défini par l’article L.8221-3 du même code relatif à la dissimulation d’activité ou exercé dans les conditions de l’article L.8221-5 du même code relatif à la dissimulation d’emploi salarié. Est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour un employeur de mentionner sur les bulletins de paie un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli. Aux termes de l’article L.8223-1 du code du travail, le salarié auquel l’employeur a recours dans les conditions de l’article L.8221-3 ou en commettant les faits prévus à l’article L.8221-5 du même code relatifs au travail dissimulé a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire. Toutefois, la dissimulation d’emploi salarié prévue par ces textes n’est caractérisée que s’il est établi que l’employeur a agi de manière intentionnelle.
La requalification d’une cession de droit à l’image en contrat de travail peut également porter uniquement sur la séance de prises de vue (CA de Poitiers, 18/01/2017 ; CA de Paris, 30/05/2013). Une société ayant eu recours à une personne pour des ‘séances de prises de vues’, a vu cette séance requalifiée en contrat de travail. Ayant posé pour des séances photos destinées à la promotion de services, ces prises de vue de son image devant être reproduites sur un support visuel pour présenter un message publicitaire, elle a exercé occasionnellement une activité de mannequin au sens de l’article L 7123-2 du code du travail et ainsi, le contrat par lequel la société s’est assurée, moyennant rémunération, son concours en qualité de mannequin, était présumé être un contrat de travail en application de l’article L 7123-3 du même code. La présomption de contrat de travail est une présomption simple, même si l’article L 7123-4 du code du travail précise qu’elle subsiste quels que soient le mode et le montant de la rémunération ainsi que la qualification donnée au contrat par les parties, elle n’est pas non plus détruite par la preuve que le mannequin a conservé une entière liberté d’action pour l’exécution de son travail de présentation. La séance de prises de vue a été juridiquement détachée de la cession des droits à l’image et le contrat de travail concernait uniquement la séance de prises de vue. Le modèle n’ayant pas signé de contrat de travail ce dernier était présumé être un contrat à durée indéterminée à temps complet.
En cas de requalification, la convention collective des mannequins n’a pas lieu de s’appliquer si l’objet social de la société n’est pas celui d’une agence de mannequin. En l’absence d’emploi équivalent à celui de mannequin prévu par la Convention collective de la société, les juridictions appliquent les taux du SMIC (CA de Paris, 17/11/2017).
Quelles alternatives ?
Le recrutement de comédiens non-résidents en France ou un tournage hors de France, assorti d’une cession de droit à l’image soumise à un droit étranger est possible (seul le doublage voix pourra par exemple être fait en français).
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