Cour de cassation, 23 janvier 2019
Cour de cassation, 23 janvier 2019

Type de juridiction : Cour de cassation

Juridiction : Cour de cassation

Thématique : Le violeur masqué du net : Cour d’assise en vue

Résumé

Le « violeur masqué du net » pourrait bientôt comparaître en Cour d’assise. La Cour de cassation a récemment censuré des juges qui avaient exclu le viol, malgré l’utilisation de stratagèmes par l’auteur pour obtenir des relations sexuelles. Pendant des années, il a créé un faux profil sur des sites de rencontre, se présentant comme un homme séduisant et aisé, afin d’attirer des femmes vulnérables. Les victimes, choquées par la réalité de leur agresseur, ont exprimé un profond traumatisme. La Cour a affirmé que tromper une personne sur l’identité de l’agresseur constitue une surprise, annulant ainsi le consentement.

Monter des stratagèmes pour obtenir les faveurs sexuelles de partenaires trouvées sur des sites de rencontres et qui n’auraient pas consenti à une relation sexuelle sans ces stratagèmes (apparence physique, faux métier …), expose l’auteur desdits stratagèmes à des poursuites pour viol. 

La surprise et le vice du consentement

Le « violeur masqué du net » pourrait comparaître en Cour d’assise. La Cour de cassation vient de censurer les juges du fond (chambre de l’instruction, CA d’Aix-En-Provence, 12 avril 2018) d’avoir exclu le viol alors que des stratagèmes avaient bien été utilisés par l’auteur pour coucher avec ses victimes.

Les dessous de l’affaire

L’auteur des faits avait mis en place durant de nombreuses années un stratagème destiné à faire venir, à son domicile, des femmes qu’il estimait être incapable d’attirer sous sa véritable personnalité ; ce stratagème était composé de plusieurs étapes : i) la création d’un profil internet sur des sites de rencontre décrivant un homme paraissant âgé d’une trentaine d’années, au physique athlétique et très avantageux, photos à l’appui, dont il s’avèrera que, récupérées sur internet, elles correspondaient à un mannequin faisant de la publicité ; ii) l’affirmation d’une certaine aisance financière dans le cadre d’une activité professionnelle valorisante (architecte décorateur) dans un cadre prestigieux (Monaco) ; iii) de nombreux échanges par messages et contacts téléphoniques, destinés à mettre en confiance les femmes contactées sur le caractère « exceptionnel » de leur rencontre, femmes souvent en situation fragile (rupture, mère célibataires, veuve) ; iv) l’organisation d’une première rencontre « exceptionnelle » à l’image de la relation créée au domicile du mis en examen à l’exclusion d’un endroit public, selon un scénario bien détaillé : porte entrouverte, pénombre dans l’appartement, mise en place d’un bandeau sur les yeux (pour éviter de voir), mains attachées (pour éviter de toucher), enfin une relation sexuelle suivie ou précédée de prise de clichés.

A la découverte d’un homme âgé de plus de soixante ans, perçu puis vu comme voûté, ridé, portant des lunettes, les cheveux teints et dégarnis les femmes « piégées » ont fait valoir leur  choc du fait de la répulsion ressentie mais aussi du fait du sentiment d’avoir été abusé, certaines des femmes entendues faisant valoir un traumatisme durable, voire un bouleversement dans leur vie affective.

Définition légale de la surprise

Restait dans cette affaire, la question de la définition de la surprise au sens de l’article 222-22 du code pénal. La notion juridique de surprise renvoie aux moyens employés par l’auteur pour annihiler le consentement de sa victime et non au sentiment d’étonnement ou de stupéfaction, au sens courant, que celle-ci a pu éprouver en présence de comportements inattendus. Il est ainsi admis que constitue un viol par surprise, le fait de profiter de l’obscurité totale pour se glisser dans le lit d’une femme qui pense avoir affaire à son compagnon. La surprise consiste à obtenir des faveurs sexuelles en trompant la victime sur la situation réelle.

Par une motivation limpide, la Cour de cassation a tranché : en application de l’article 222-23 du code pénal, l’emploi d’un stratagème destiné à dissimuler l’identité et les caractéristiques physiques de son auteur pour surprendre le consentement d’une personne et obtenir d’elle un acte de pénétration sexuelle constitue la surprise au sens du code pénal.

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