Type de juridiction : Cour de cassation
Juridiction : Cour de cassation
Thématique :
→ RésuméLe directeur général de l’INPI a rejeté l’opposition de LVMH concernant l’enregistrement de la marque « LVH hôtels & résidences ». La cour d’appel a ensuite annulé cette décision, soulignant la forte similitude entre les marques « LVMH » et « LVH », tant sur le plan visuel qu’auditif. Elle a noté que les éléments descriptifs « hôtels et résidences » ne suffisaient pas à différencier les deux marques. Cependant, la cour a été critiquée pour ne pas avoir suffisamment pris en compte l’impression d’ensemble produite par les signes, ce qui a conduit à une cassation de sa décision par la Cour de cassation.
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Censure d’une décision de l’INPI
Le directeur général de l’Institut national de la propriété industrielle (l’INPI) a rejeté l’opposition formée le 2 octobre 2019 par la société LVMH Moët Hennessy Louis Vuitton, titulaire de la marque française complexe LVMH pour désigner les « services de restauration (alimentation) ; hébergement temporaire ; services de bars ; services hôteliers », contre la demande d’enregistrement n° 4 566 419 du signe complexe « LVH hôtels & résidences » pour désigner les « services de restauration (alimentation) ; hébergement temporaire ; services de bars ; services hôteliers ; réservation de logements temporaires », déposée le 10 juillet 2019 par M. [U].
Pour censurer cette décision et procédant à la comparaison des signes en présence, l’arrêt retient, qu’au plan visuel, les lettres LVH occupent la place dominante dans le signe contesté et conclut à une impression visuelle d’ensemble très ressemblante des signes « LVH » et « LVMH » et qu’au plan auditif, il existe une forte ressemblance des lettres « LVMH » et « LVH », en dépit de différences de rythme et de sonorité du fait de la sonorité centrale de la lettre M dans la marque antérieure. Il ajoute qu’au plan intellectuel, les termes « hôtels et résidences », étant descriptifs des services concernés, ne permettent pas de différencier le signe incriminé de la marque antérieure opposée. De l’ensemble de ces éléments, il déduit une forte similitude entre les signes en cause et, compte tenu de l’identité des services concernés, retient l’existence d’un risque de confusion.
L’impression d’ensemble produite par les signes en présence
Or, en se déterminant ainsi, après avoir seulement retenu que l’élément graphique constitué par un soleil rouge et l’inscription de la mention « hôtels et résidences » étaient à peine perceptibles, sans caractériser en quoi, même s’ils n’étaient pas dominants, ils étaient négligeables et ne pouvaient constituer un facteur pertinent d’appréciation de l’impression d’ensemble produite par les signes en présence, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision.
L’appréciation globale du risque de confusion
Pour rappel, il résulte des articles L. 711-4 et L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019, que ne peut être adopté comme marque un signe portant atteinte à une marque antérieure enregistrée et du second, qu’il y a imitation de la marque, pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l’enregistrement, s’il peut en résulter un risque de confusion dans l’esprit du public.
L’appréciation globale du risque de confusion pouvant résulter des similitudes entre les signes en présence doit, lors de l’examen de chaque aspect pertinent de ces similitudes, qu’elles soient visuelles, phonétiques ou conceptuelles, se fonder sur l’impression d’ensemble produite par ces signes, et ne peut être menée sur la seule base d’un élément dominant qu’à la condition que tous les autres composants de la marque soient négligeables.
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Cour de cassation, Chambre commerciale financière et économique, 22 mars 2023, 21-23.367 COMM.
SH
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 22 mars 2023
Cassation
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 231 F-D
Pourvoi n° G 21-23.367
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 22 MARS 2023
La société Franalex, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], venant aux droits de M. [P] [U], a formé le pourvoi n° G 21-23.367 contre l’arrêt rendu le 2 juillet 2021 par la cour d’appel de Paris (pôle 5, chambre 2), dans le litige l’opposant :
1°/ à la société LVMH Moët Hennessy Louis Vuitton, société européenne, dont le siège est [Adresse 3],
2°/ au directeur général de l’Institut national de la propriété intellectuelle, (INPI), dont le siège est [Adresse 2],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Bessaud, conseiller référendaire, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Franalex, de la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de la société LVMH Moët Hennessy Louis Vuitton, après débats en l’audience publique du 31 janvier 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Bessaud, conseiller référendaire rapporteur, Mme Darbois, conseiller doyen, et Mme Labat, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Paris, 2 juillet 2021), le 23 mars 2020, le directeur général de l’Institut national de la propriété industrielle (l’INPI) a rejeté l’opposition formée le 2 octobre 2019 par la société LVMH Moët Hennessy Louis Vuitton, titulaire de la marque française complexe LVMH pour désigner les « services de restauration (alimentation) ; hébergement temporaire ; services de bars ; services hôteliers », contre la demande d’enregistrement n° 4 566 419 du signe complexe « LVH hôtels & résidences » pour désigner les « services de restauration (alimentation) ; hébergement temporaire ; services de bars ; services hôteliers ; réservation de logements temporaires », déposée le 10 juillet 2019 par M. [U].
2. La société LVMH Moët Hennessy Louis Vuitton a formé un recours contre cette décision.
3. Après cession de la marque « LVH hôtels & résidences » à son profit par M. [U], la société Franalex, venant aux droits de celui-ci, est intervenue à l’instance.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
4. La société Franalex fait grief à l’arrêt d’annuler la décision rendue le 23 mars 2020 par le directeur général de l’INPI, qui avait rejeté comme mal fondée l’opposition formée par la société LVMH Moët Hennessy Louis Vuitton à l’encontre de l’enregistrement de la marque n° 4 566 419, alors « que l’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, auditive ou conceptuelle des marques en cause, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par celles-ci ; que seuls les éléments négligeables peuvent ne pas être pris en compte pour comparer les marques en cause ; qu’en relevant, pour annuler la décision du directeur de l’INPI qui avait rejeté l’opposition formée à l’encontre de l’enregistrement de la marque déposée par l’exposante, l’existence d’un risque de confusion entre les lettres LVMH et LVH, alors que les deux marques en litige sont des marques semi-figuratives complexes et sans caractériser en quoi les autres éléments du signe complexe auraient été négligeables et n’auraient pu constituer des facteurs pertinents, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 711-4 et L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 711-4 et L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019 :
5. Il résulte du premier de ces textes que ne peut être adopté comme marque un signe portant atteinte à une marque antérieure enregistrée et du second, qu’il y a imitation de la marque, pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l’enregistrement, s’il peut en résulter un risque de confusion dans l’esprit du public.
6. L’appréciation globale du risque de confusion pouvant résulter des similitudes entre les signes en présence doit, lors de l’examen de chaque aspect pertinent de ces similitudes, qu’elles soient visuelles, phonétiques ou conceptuelles, se fonder sur l’impression d’ensemble produite par ces signes, et ne peut être menée sur la seule base d’un élément dominant qu’à la condition que tous les autres composants de la marque soient négligeables.
7. Pour retenir l’existence d’un risque de confusion dans l’esprit du public entre les signes en présence, résultant d’une similitude entre ceux-ci et, par conséquent, annuler la décision frappée de recours, l’arrêt relève, d’abord, que la marque antérieure est constituée des lettres LVMH inscrites en caractères d’imprimerie de couleur blanche sur un fond noir, quand le signe incriminé est constitué des lettres LVH inscrites en caractères de grande taille de couleur noire et très légèrement stylisés, surplombé d’un dessin naïf de petite taille et de couleur rouge évoquant un soleil et surmontant les dénominations « hôtels & résidences » inscrites en tout petits caractères d’imprimerie de couleur noire. Il retient que l’élément figuratif, très discret, constitue à l’évidence un élément secondaire et que cet élément, ainsi que la mention « hôtels & résidences », sont à peine perceptibles aux yeux du consommateur d’attention moyenne.
8. Procédant à la comparaison des signes en présence, l’arrêt retient, ensuite, qu’au plan visuel, les lettres LVH occupent la place dominante dans le signe contesté et conclut à une impression visuelle d’ensemble très ressemblante des signes « LVH » et « LVMH » et qu’au plan auditif, il existe une forte ressemblance des lettres « LVMH » et « LVH », en dépit de différences de rythme et de sonorité du fait de la sonorité centrale de la lettre M dans la marque antérieure. Il ajoute qu’au plan intellectuel, les termes « hôtels et résidences », étant descriptifs des services concernés, ne permettent pas de différencier le signe incriminé de la marque antérieure opposée. De l’ensemble de ces éléments, il déduit une forte similitude entre les signes en cause et, compte tenu de l’identité des services concernés, retient l’existence d’un risque de confusion.
9. En se déterminant ainsi, après avoir seulement retenu que l’élément graphique constitué par un soleil rouge et l’inscription de la mention « hôtels et résidences » étaient à peine perceptibles, sans caractériser en quoi, même s’ils n’étaient pas dominants, ils étaient négligeables et ne pouvaient constituer un facteur pertinent d’appréciation de l’impression d’ensemble produite par les signes en présence, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision.
PAR CES MOTIFS
, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 2 juillet 2021, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ;
Remet l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Paris autrement composée ;
Condamne la société LVMH Moët Hennessy Louis Vuitton aux dépens ;
En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société LVMH Moët Hennessy Louis Vuitton et la condamne à payer à la société Franalex la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux mars deux mille vingt-trois. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour la société Franalex venant aux droits de M. [P] [U].
La société Franalex fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR annulé la décision rendue le 23 mars 2020 par le directeur général de l’Institut national de la propriété industrielle, objet du recours, qui avait rejeté comme mal fondée l’opposition formée par la société LVMH Moet Hennessy Louis Vuitton à l’encontre de l’enregistrement de la marque n° 4 566 419 ;
1°) ALORS QUE l’existence d’un risque de confusion dans l’esprit du public doit être appréciée globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce ; que l’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, auditive ou conceptuelle des marques en cause, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par cellesci ; qu’ainsi l’appréciation de la similitude entre deux marques ne peut se limiter à prendre en considération uniquement le composant dominant d’une marque complexe et à le comparer avec une autre marque. ; qu’en relevant, pour annuler la décision du Directeur de l’INPI qui avait rejeté l’opposition formée à l’encontre de l’enregistrement de la marque déposée par l’exposante, l’existence d’un risque de confusion entre les lettres LVMH et LVH, cependant que les deux marques en litige sont des marques semi figuratives complexes et que la cour d’appel devait procéder à une appréciation globale fondée sur l’impression d’ensemble produite par les marques, la cour d’appel a violé les articles L. 711-4 et L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle ;
2°) ALORS QU’en toute hypothèse, l’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, auditive ou conceptuelle des marques en cause, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par celles-ci ; que seuls les éléments négligeables peuvent ne pas être pris en compte pour comparer les marques en cause ; qu’en relevant, pour annuler la décision du Directeur de l’INPI qui avait rejeté l’opposition formée à l’encontre de l’enregistrement de la marque déposée par l’exposante, l’existence d’un risque de confusion entre les lettres LVMH et LVH, alors que les deux marques en litige sont des marques semi figuratives complexes et sans caractériser en quoi les autres éléments du signe complexe auraient été négligeables et n’auraient pu constituer des facteurs pertinents, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 711-4 et L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle ;
3°) ALORS QU’en toute hypothèse, le juge ne doit pas dénaturer les documents de la cause ; qu’en affirmant que, dans la marque de la société Franalex, les lettres LVH étaient « inscrites en caractères de grande taille de couleur noire très légèrement stylisés » (arrêt p. 4, al. 3, nous soulignons), quand ces caractères sont en réalité très stylisés, la cour d’appel a violé le principe selon lequel le juge ne doit pas dénaturer les documents de la cause ;
4°) ALORS QU’en toute hypothèse, le juge ne doit pas dénaturer les documents de la cause ; qu’en affirmant que le « dessin naïf de petite taille et de couleur rouge évoquant un soleil » surplombant l’ensemble de lettres est « très discret [et] à peine perceptible aux yeux du consommateur d’attention moyenne et constitue à l’évidence un élément secondaire » (arrêt, p. 4, al. 3, nous soulignons), quand ce soleil de couleur rouge, quand tous les autres éléments sont de couleur noire, constitue un élément caractéristique de la marque semi figurative complexe déposée par l’exposante, la cour d’appel a violé le principe selon lequel le juge ne doit pas dénaturer les documents de la cause.
5°) ALORS QU’en toute hypothèse, le juge ne doit pas dénaturer les documents de la cause ; qu’en affirmant qu’« à la base du signe, les dénominations HOTELS & RESIDENCES sont inscrites en tous petits caractères d’imprimerie de couleur noire et sont [ .] à peine perceptibles aux yeux du consommateur d’attention moyenne » (arrêt p. 4, al. 3, nous soulignons), quand ces termes sont rédigés en lettres parfaitement visibles et perceptibles, la cour d’appel a violé le principe selon lequel le juge ne doit pas dénaturer les documents de la cause ;
6°) ALORS QU’en toute hypothèse, l’existence d’un risque de confusion dans l’esprit du public doit être appréciée globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce ; qu’en comparant visuellement les signes en cause, sans prendre en compte les polices de caractères utilisées et le positionnement particulier des lettres, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 711-4 et L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle ;
7°) ALORS QU’en toute hypothèse, l’existence d’un risque de confusion dans l’esprit du public doit être appréciée globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce ; que l’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, auditive ou conceptuelle des marques en cause, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par celles-ci ; qu’en procédant à la comparaison phonétique des marques en cause en comparant les seules lettres LVH et LVMH, sans prendre en compte la marque objet de l’opposition qui se lit « LVH Hotels & Résidences », dans son ensemble, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 711-4 et L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle du code de la propriété intellectuelle.
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