Cour de cassation, 22 janvier 2025, Pourvoi n° 23-12.668
Cour de cassation, 22 janvier 2025, Pourvoi n° 23-12.668

Type de juridiction : Cour de cassation

Juridiction : Cour de cassation

Thématique : Délégation de pouvoir et licenciement : enjeux de la responsabilité managériale

Résumé

Engagement de Mme [V]

Mme [V] a été engagée en tant qu’infirmière par la société [Adresse 3] à partir du 5 janvier 2009, cette société exploitant un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD).

Licenciement de Mme [V]

Le 5 août 2015, Mme [V] a été licenciée pour faute grave par une lettre signée par la directrice de l’établissement.

Contestation du licenciement

Contestant la légitimité de son licenciement, Mme [V] a saisi la juridiction prud’homale le 9 juin 2017 pour faire valoir ses droits.

Arguments de la société [Adresse 3]

La société [Adresse 3] a contesté la décision de la cour d’appel, qui l’a condamnée à verser diverses indemnités à Mme [V], en soutenant que la directrice n’avait pas reçu de délégation de pouvoir pour licencier, selon les dispositions de l’article D. 312-176-5 du code de l’action sociale et des familles.

Réponse de la Cour

La salariée a contesté la recevabilité du moyen avancé par l’employeur, arguant qu’il était en contradiction avec ses conclusions d’appel. Cependant, la cour a jugé le moyen recevable.

Analyse du licenciement

La cour a constaté que la lettre de licenciement avait été signée par la directrice, à qui les gérants avaient délégué l’ensemble de leurs pouvoirs. Elle a noté que les statuts de la société ne précisaient pas de restrictions concernant le pouvoir de licencier.

Conclusion de la cour d’appel

En concluant que la directrice n’avait pas le pouvoir de licencier, la cour d’appel a omis de reconnaître que la délégation de pouvoir accordée à la directrice incluait ce droit, ce qui a conduit à une violation des dispositions légales pertinentes.

SOC.

CZ

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 22 janvier 2025

Cassation

Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 46 F-D

Pourvoi n° V 23-12.668

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 22 JANVIER 2025

La société [Adresse 3], société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° V 23-12.668 contre deux arrêts rendus les 22 mai 2022 et 8 février 2023 par la cour d’appel de Montpellier (1re chambre sociale), dans le litige l’opposant :

1°/ à Mme [M] [V], épouse, [B], domiciliée [Adresse 1],

2°/ à Pôle emploi, dont le siège est [Adresse 2],

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Barincou, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société [Adresse 3], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mme [V], après débats en l’audience publique du 10 décembre 2024 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Barincou, conseiller rapporteur, M. Carillon, conseiller référendaire ayant voix délibérative, et Mme Dumont, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l’article L.431-3 alinéa 2 du code de l’organisation judiciaire, des présidents et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Déchéance partielle du pourvoi, examinée d’office

1. Après avis donné aux parties conformément à l’article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l’article 978 du même code.

2. Il résulte de ce texte qu’à peine de déchéance, le demandeur à la cassation doit, au plus tard dans le délai de quatre mois à compter du pourvoi, remettre au greffe de la Cour de cassation un mémoire contenant les moyens de droit invoqués contre la décision attaquée.

3. La société Résidence des jardins s’est pourvue en cassation contre l’arrêt rendu le 25 mai 2022 par la cour d’appel de Montpellier en même temps qu’elle s’est pourvue contre l’arrêt rendu le 8 février 2023 par la même cour. Son mémoire ampliatif ne contient toutefois aucun moyen à l’encontre de la première de ces deux décisions.

4. Il y a lieu, dès lors, de constater la déchéance du pourvoi en tant qu’il est dirigé contre l’arrêt rendu le 25 mai 2022 par la cour d’appel de Montpellier.

Faits et procédure

5. Selon l’arrêt attaqué (Montpellier, 8 février 2023), Mme [V] a été engagée, en qualité d’infirmière, à compter du 5 janvier 2009 par la société [Adresse 3], société à responsabilité limitée exploitant un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD).

6. La salariée a été licenciée, pour faute grave, par une lettre du 5 août 2015, signée de la directrice.

7. Contestant le bien-fondé de son licenciement, Mme [V] a saisi la juridiction prud’homale le 9 juin 2017.

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

9. La salariée conteste la recevabilité du moyen. Elle soutient qu’il est contraire aux conclusions d’appel de l’employeur qui y soutenait que l’article D. 312-176-5 du code de l’action sociale et des familles était « hors de propos dans ce litige et ne peut s’appliquer à ce cas d’espèce ».

10. Cependant, dans ses conclusions, l’employeur faisait valoir, d’une part, que le texte précité était hors de propos et ne pouvait s’appliquer en l’espèce car il n’avait de valeur que par rapport aux autorités de tutelle et, d’autre part, que la directrice avait été, par la délégation qui lui avait été donnée, investie des mêmes pouvoirs que les gérants envers les tiers à la société, en ce compris le pouvoir de licencier les salariés.

11. Le moyen est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu l’article L. 1232-6 du code du travail :

12. Pour juger le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, l’arrêt constate que la lettre de licenciement a été signée par la directrice de l’EHPAD à laquelle les gérants de la société avaient délégué l’ensemble de leurs pouvoirs, dans la limite de l’article 3.0.1 des statuts de la société.

13. Il relève que les statuts de la société ne comportent aucune disposition relative au pouvoir de licencier pour en déduire qu’il appartenait aux gérants, mais que l’article 3.0.1 de ces statuts, qui concerne les pouvoirs de gestion des gérants, ne prévoit aucune disposition relative à leur pouvoir de licencier, de sorte que la directrice n’avait pas reçu délégation du pouvoir de licencier qui continuait d’être dévolu aux gérants.

14. En statuant ainsi, alors qu’il ressortait de ses constatations que la directrice de l’établissement avait reçu délégation de l’ensemble des pouvoirs des gérants de la société et que, ni les statuts de celle-ci, ni la délégation n’excluait le pouvoir de licencier, ce dont elle aurait dû déduire que la lettre de licenciement avait été signée par la personne ayant qualité pour le faire, la cour d’appel a violé le texte susvisé.

 


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