Type de juridiction : Cour de cassation
Juridiction : Cour de cassation
Thématique : Responsabilité et couverture en matière de troubles de voisinage : enjeux d’assurance et de faute intentionnelle
→ RésuméContexte de l’affaireLa société Promo Ouest Immobilier, assurée par Allianz IARD, a entrepris en 2009 la construction d’un ouvrage collectif de plusieurs étages, ce qui a perturbé le tirage de la cheminée de la maison voisine de M. et Mme [R]. Expertise et constatationsUn expert, désigné suite à un référé préventif, a alerté le promoteur sur la nécessité de rehausser les conduits de cheminée de la maison de M. et Mme [R] pour éviter des problèmes de tirage. Malgré ces recommandations, le promoteur n’a pas effectué les travaux nécessaires. Réclamation des voisinsM. et Mme [R] ont subi un trouble anormal de voisinage, notamment l’impossibilité d’utiliser leur cheminée d’agrément. Ils ont donc assigné le promoteur et son assureur en indemnisation pour le préjudice subi. Arguments du promoteurLe promoteur a contesté la décision de la cour d’appel qui a mis hors de cause son assureur. Il a soutenu que la cour n’avait pas prouvé la volonté de causer le dommage, arguant que la faute intentionnelle ne pouvait être établie simplement par la connaissance des risques. Décision de la cour d’appelLa cour d’appel a constaté que le promoteur avait eu connaissance de la nécessité des travaux de rehaussement et qu’il avait délibérément choisi de ne pas les réaliser. Elle a jugé que ce refus caractérisait une faute dolosive, justifiant ainsi le rejet de la demande de garantie de l’assureur. Conclusion de la courLa cour a conclu que le promoteur ne pouvait pas bénéficier de son contrat d’assurance en raison de sa faute dolosive, ayant agi en connaissance des conséquences dommageables de son inaction. |
CIV. 3
JL
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 21 novembre 2024
Rejet
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 621 F-D
Pourvoi n° C 23-15.803
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 21 NOVEMBRE 2024
La société Promo ouest immobilier, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 4], a formé le pourvoi n° C 23-15.803 contre l’arrêt rendu le 13 décembre 2022 par la cour d’appel de Rennes (1re chambre), dans le litige l’opposant :
1°/ à M. [Y] [E], domicilié [Adresse 5], venant aux droits de Mme [W] [T], pris en sa qualité de mandataire liquidateur de la société Artec Ingénierie,
2°/ à M. [C] [R],
3°/ à Mme [K] [S], épouse [R],
tous domiciliés [Adresse 3],
4°/ à la société Allianz IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1],
5°/ à la Mutuelle des architectes français (MAF), dont le siège est [Adresse 2],
6°/ à la société Gan assurances, société anonyme, dont le siège est [Adresse 6],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Brillet, conseiller, les observations de la SCP Gaschignard, Loiseau et Massignon, avocat de la société Promo ouest immobilier, de la SCP Duhamel, avocat de la société Allianz IARD, après débats en l’audience publique du 15 octobre 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Brillet, conseiller rapporteur, M. Boyer, conseiller doyen, et Mme Maréville, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Désistement partiel
1. Il est donné acte à la société Promo ouest immobilier du désistement de son pourvoi en ce qu’il est dirigé contre M. [E], pris en sa qualité de mandataire liquidateur de la société Artec ingéniérie, M. et Mme [R], la Mutuelle des architectes français et la société Gan assurances.
Faits et procédure
2. Selon l’arrêt attaqué (Rennes, 13 décembre 2022), courant 2009, la société Promo ouest immobilier (le promoteur), assurée par la société Allianz IARD (l’assureur), a fait réaliser un ouvrage collectif de plusieurs étages conduisant à une perturbation du tirage de la cheminée de la maison voisine de M. et Mme [R].
3. Pendant l’exécution des travaux, l’expert désigné à la suite d’un référé préventif a appelé l’attention du promoteur, dans un pré-rapport puis dans son rapport définitif, sur la nécessité de rehausser les conduits de cheminée de la maison de M. et Mme [R] d’une certaine hauteur par rapport au faîtage de l’ouvrage en construction.
4. Se plaignant d’un trouble anormal de voisinage, résultant notamment de l’impossibilité d’utiliser leur cheminée d’agrément, M. et Mme [R] ont, après expertise, assigné le promoteur et son assureur en indemnisation de leur préjudice.
Réponse de la Cour
6. La cour d’appel a constaté, d’une part, que le pignon de grande hauteur de la construction nouvelle dépassait très largement les orifices extérieurs des trois boisseaux de cheminée de la maison de M. et Mme [R], d’autre part, que, dans son rapport d’expertise préventive, l’expert avait appelé l’attention du promoteur sur la nécessité de rehausser les conduits de cheminée de la maison voisine, en soulignant que la mise en place d’une rehausse sur une souche de cheminée était une technique bien connue et maîtrisée par des entreprises qualifiées, et qu’aucun professionnel de la construction ne pouvait ignorer le litige à naître né de l’absence de modification de la hauteur de celle-ci.
7. Elle a relevé que le promoteur, dont elle a souverainement retenu qu’il avait eu pleinement connaissance de la nécessité de ces travaux de rehaussement dès le dépôt de ce rapport, avait néanmoins livré l’immeuble sans résoudre cette difficulté, s’étant borné, cinq ans plus tard, à proposer, durant les opérations d’expertise, deux solutions palliatives, techniquement et juridiquement non réalisables.
8. Ayant ainsi fait ressortir que le refus délibéré du promoteur de faire réaliser les travaux préconisés, avec la conscience du caractère inéluctable de ses conséquences dommageables, caractérisait sa faute dolosive, elle en a exactement déduit, sans retenir la faute intentionnelle ni être tenue de répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes, qu’il ne pouvait prétendre au bénéfice de son contrat d’assurance.
9. La cour d’appel a ainsi légalement justifié sa décision.
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