Cour de cassation, 21 novembre 2024, Pourvoi n° 21-12.661
Cour de cassation, 21 novembre 2024, Pourvoi n° 21-12.661

Type de juridiction : Cour de cassation

Juridiction : Cour de cassation

Thématique : Engagements contractuels et effets de la caducité sur les droits successoraux

Résumé

Promesse de vente et contexte

La promesse unilatérale de vente a été établie par acte authentique le 21 octobre 1971, où [S] [D] s’engageait à vendre une parcelle de terrain à [M] [K], qui l’exploitait sous un bail depuis 1961. Cette promesse était valable pour quatre ans, avec une prorogation tacite jusqu’à un an après l’ouverture d’une rocade à proximité.

Décès des parties et succession

Les deux parties, [S] [D] et [M] [K], sont décédées, laissant leurs fils respectifs, M. [L] [D] et M. [U] [K], en tant que successeurs. Le promettant a ensuite informé le bénéficiaire par lettre recommandée le 1er juin 2011 de sa volonté de considérer la promesse comme caduque.

Levée de l’option et assignation

Le 18 novembre 2016, le bénéficiaire a levé l’option dans le délai imparti, la rocade devant être ouverte le 24 novembre. Face à l’absence de réponse du promettant, le bénéficiaire a assigné ce dernier le 17 janvier 2018 pour obtenir le transfert de propriété de la parcelle et des dommages-intérêts pour résistance abusive.

Arguments du bénéficiaire

Le bénéficiaire a contesté le rejet de sa demande de transfert de propriété et de dommages-intérêts, arguant que le promettant était tenu de vendre dès la conclusion de la promesse, sans possibilité de rétractation, sauf stipulation contraire.

Réponse de la Cour et jurisprudence

La Cour a rappelé que le contrat est une convention engageant les parties à des obligations. Elle a également précisé que la levée de l’option après la rétractation du promettant ne permet pas d’ordonner la réalisation forcée de la vente, mais que la violation de l’obligation de faire ne donne droit qu’à des dommages-intérêts. La Cour de cassation a récemment modifié sa jurisprudence, affirmant que la promesse unilatérale de vente engage le promettant à vendre sans possibilité de rétractation, sauf stipulation contraire.

CIV. 3

JL

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 21 novembre 2024

Cassation partielle

Mme TEILLER, président

Arrêt n° 619 FS-B

Pourvoi n° W 21-12.661

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 21 NOVEMBRE 2024

M. [U] [K], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° W 21-12.661 contre l’arrêt rendu le 5 janvier 2021 par la cour d’appel d’Aix-en-Provence (chambre 1-1), dans le litige l’opposant à M. [L] [D], domicilié [Adresse 5], défendeur à la cassation.

Le demandeur invoque, à l’appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Pety, conseiller, les observations de Me Haas, avocat de M. [K], de la SAS Hannotin Avocats, avocat de M. [D], et l’avis de Mme Delpey-Corbaux, avocat général, après débats en l’audience publique du 15 octobre 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Pety, conseiller rapporteur, M. Boyer, conseiller doyen, Mme Abgrall, M. Brillet, Mmes Foucher-Gros, Guillaudier, conseillers, M. Zedda, Mmes Vernimmen, Rat, Bironneau, M. Cassou de Saint-Mathurin, conseillers référendaires, Mme Delpey-Corbaux, avocat général, et Mme Maréville, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l’article R. 431-5 du code de l’organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 5 janvier 2021), par acte authentique du 21 octobre 1971, [S] [D] a promis de vendre à [M] [K], ou à ses ayants droit, la parcelle de terrain cadastrée section A n° [Cadastre 2], devenue la parcelle A n° [Cadastre 3], que cette dernière exploitait à [Localité 4] selon bail du 23 septembre 1961.

2. Cette promesse unilatérale de vente était consentie pour quatre années à compter du 1er novembre 1971, durée tacitement prorogée et prenant fin un an après la mise en service d’une rocade à proximité de la parcelle et dont le principe de la construction était acquis.

3. [S] [D] et [M] [K] sont décédées, respectivement les 28 décembre 1978 et 6 mars 1999, laissant pour leur succéder, la première, son fils, M. [L] [D] (le promettant), la seconde, son fils, M. [U] [K] (le bénéficiaire).

4. Par lettre recommandée du 1er juin 2011, le promettant a indiqué au bénéficiaire qu’il considérait la promesse de vente comme caduque.

5. Le 18 novembre 2016, le bénéficiaire a levé l’option, dans le délai prévu par la promesse, la rocade devant être ouverte à la circulation le 24 novembre suivant.

6. Sans réponse du promettant, le bénéficiaire l’a assigné, le 17 janvier 2018, aux fins de transfert de propriété de la parcelle cadastrée section A n° [Cadastre 3] et de condamnation au paiement de dommages-intérêts pour résistance abusive.

Réponse de la Cour

Vu les articles 1101, 1134, alinéa 1er, et 1142 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

8. Aux termes du premier de ces textes, le contrat est une convention par laquelle une ou plusieurs personnes s’obligent, envers une ou plusieurs autres, à donner, à faire ou à ne pas faire quelque chose.

9. Aux termes du deuxième, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

10. Aux termes du dernier, toute obligation de faire ou de ne pas faire se résout en dommages et intérêts, en cas d’inexécution de la part du débiteur.

11. Alors qu’il était jugé antérieurement, en matière de promesse unilatérale de vente, que la levée de l’option, postérieurement à la rétractation du promettant, excluait toute rencontre des volontés réciproques de vendre et d’acquérir, de sorte que la réalisation forcée de la vente ne pouvait être ordonnée, la violation, par le promettant, de son obligation de faire ne pouvant ouvrir droit qu’à des dommages-intérêts, la Cour de cassation, procédant à un revirement de jurisprudence, juge, depuis une décision du 23 juin 2021 (3e Civ., pourvoi n° 20-17.554, publiée) que la promesse unilatérale de vente étant un avant-contrat qui contient, outre le consentement du vendeur, les éléments essentiels du contrat définitif qui serviront à l’exercice de la faculté d’option du bénéficiaire et à la date duquel s’apprécient les conditions de validité de la vente, le promettant s’oblige définitivement à vendre dès la conclusion de l’avant-contrat, sans possibilité de rétractation, sauf stipulation contraire.

12. Bien qu’énonçant que la révocation de la promesse par le promettant pendant le temps laissé au bénéficiaire pour opter ne peut empêcher la formation du contrat promis, l’arrêt retient qu’il n’est pas possible en pareil cas d’ordonner la réalisation forcée de la vente, s’agissant d’une obligation de faire ne se résolvant qu’en dommages-intérêts.

13. En statuant ainsi, se conformant à l’état de la jurisprudence à la date du prononcé de son arrêt, la cour d’appel a violé les textes susvisés.

 


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