Cour de cassation, 15 mai 2015
Cour de cassation, 15 mai 2015

Type de juridiction : Cour de cassation

Juridiction : Cour de cassation

Thématique : 200 000 euros de redevance de copie privée

Résumé

La société Only Keys, spécialisée dans la vente en ligne de supports d’enregistrement, a été condamnée à verser près de 200 000 euros à Copie France pour redevance de copie privée. Cette décision souligne que même les vendeurs établis hors de France doivent s’acquitter de cette redevance lorsque leurs produits sont destinés à des consommateurs français. La Cour de justice de l’Union européenne a précisé que la responsabilité de garantir une compensation équitable aux auteurs incombe à l’État membre où le préjudice est causé, indépendamment de la localisation du vendeur.

La vente en ligne de supports d’enregistrement utilisables pour la reproduction à usage privé d’œuvres donne lieu au paiement  de la redevance pour copie privée y compris lorsque le vendeur est établi hors de France et que le consommateur français est visé.  

Affaire Only Keys

Ce sera près de 200000
euros que la société de vente en ligne de supports vierges Only Keys devra
payer à Copie France à titre provisionnel.
La société Copie France a obtenu la condamnation de la société luxembourgeoise Only Keys, qui propose
à la vente sur Internet des supports d’enregistrement utilisables pour la
reproduction à usage privé d’œuvres.

Rémunération pour copie privée

Conformément à l’article L.
311-4, alinéa 1er, du code de la propriété intellectuelle, la rémunération pour
copie privée est versée par le fabricant, l’importateur ou la personne qui
réalise des acquisitions intracommunautaires, au sens du 3° du I de l’article
256 bis du code général des impôts, de supports d’enregistrement utilisables
pour la reproduction à usage privé d’oeuvres, lors de la mise en circulation en
France de ces supports.

Cette disposition, bien
qu’antérieure à la directive 2001/29/CE du 22 mai 2001, doit, selon une
jurisprudence constante, être interprétée à la lumière de cette directive pour
atteindre le résultat visé par celle-ci (CJUE, arrêts du 13 novembre 1990,
Marleasing, C-106/89, point 8, du 5 octobre 2004, Pfeiffer e.a., C-397/01 à
C-403-1, point 10, et du 19 avril 2016, Dansk Industri, C-441/14, points 30 et
31), sans que, toutefois, l’obligation d’interprétation conforme puisse servir
de fondement à une interprétation contra legem du droit national (CJUE, arrêts
du 4 juillet 2006, Adeneler, C-212/04, point 110, et du 19 avril 2016, Dansk
Industri, C-441/14, point 32 ; 1re Civ., 15 mai 2015, pourvoi n° 14-13.151,
Bull. 2015, I, n° 117).

Aux termes de l’article 5,
paragraphe 2, sous b), de la directive 2001/29, les Etats membres ont la
faculté de prévoir des exceptions ou limitations au droit de reproduction,
lorsqu’il s’agit de reproductions effectuées sur tout support par une personne
physique pour un usage privé et à des fins non directement ou indirectement
commerciales, à condition que les titulaires de droits reçoivent une
compensation équitable qui prend en compte l’application ou la non-application
des mesures techniques visées à l’article 6 aux oeuvres ou objets concernés.

Position de la CJUE

Par arrêt du 16 juin 2011
(Stichting de Thuiskopie, C-462/09), la CJUE a jugé qu’il incombe à l’État
membre qui a institué un système de redevance pour copie privée à la charge du
fabricant ou de l’importateur de supports de reproduction d’œuvres protégées,
et sur le territoire duquel se produit le préjudice causé aux auteurs par
l’utilisation à des fins privées de leurs œuvres par des acheteurs qui y
résident, de garantir que ces auteurs reçoivent effectivement la compensation
équitable destinée à les indemniser de ce préjudice. À cet égard, la seule
circonstance que le vendeur professionnel d’équipements, d’appareils ou de
supports de reproduction est établi dans un État membre autre que celui dans
lequel résident les acheteurs demeure sans incidence sur cette obligation de
résultat. Il appartient à la juridiction nationale, en cas d’impossibilité
d’assurer la perception de la compensation équitable auprès des acheteurs,
d’interpréter le droit national afin de permettre la perception de cette
compensation auprès d’un débiteur agissant en qualité de commerçant.

Contrairement à ce qu’a
précédemment jugé la Cour de cassation (1re Civ., 27 novembre 2008, pourvoi n°
07-15.066, Bull. 2008, I, n° 268), lorsqu’un utilisateur résidant en France
fait l’acquisition, auprès d’un vendeur professionnel établi dans un autre Etat
membre de l’Union européenne, d’un support d’enregistrement permettant la
reproduction à titre privé d’une oeuvre protégée, et en cas d’impossibilité
d’assurer la perception de la rémunération pour copie privée auprès de cet
utilisateur, l’article L. 311-4 du code de la propriété intellectuelle doit
être interprété en ce sens que cette rémunération est due par le vendeur qui a
contribué à l’importation dudit support en le mettant à la disposition de
l’utilisateur final.

CGV inopérantes

La société Only Keys ne pouvait pas se prévaloir de la clause des conditions générales de vente transférant au client final le paiement des « taxes spécifiques aux Etats comme par exemple des taxes sur les droits d’auteur », laquelle aurait pour effet d’annihiler l’effectivité de l’indemnisation due aux ayants droit au titre de l’exception de copie privée, d’autre part, que les commandes de supports d’enregistrement vierges effectuées par des consommateurs français, à partir de son site rédigé en français et permettant le paiement en euros, étaient livrées sur le territoire national. Il s’avérait, en pratique, impossible de percevoir la rémunération équitable auprès des utilisateurs finaux et la société Only Keys a bien contribué à l’importation des supports litigieux. Téléchargez la décision

 

 


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