Cour de cassation, 15 janvier 2025, Pourvoi n° 23-20.168
Cour de cassation, 15 janvier 2025, Pourvoi n° 23-20.168

Type de juridiction : Cour de cassation

Juridiction : Cour de cassation

Thématique : Requalification des contrats de travail temporaire en CDI : enjeux et conséquences

Résumé

Engagement de M. [U]

M. [U] a été engagé par la société Welljob, une entreprise de travail temporaire, et mis à disposition de la société TP Sud entre le 7 janvier et le 9 août 2019, à travers quinze contrats de mission en tant que maçon VRD, en raison d’un accroissement temporaire d’activité. Par la suite, un contrat de travail à durée déterminée a été signé le 15 juillet 2019, prenant effet du 2 septembre au 31 décembre 2019, pour un poste de maçon.

Accident du travail

Le 19 septembre 2019, M. [U] a subi un accident du travail. Suite à cet incident, il a décidé de porter l’affaire devant la juridiction prud’homale le 3 mars 2020, demandant la requalification de ses contrats de mission et de son contrat à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée, ainsi que le paiement d’indemnités liées à cette requalification et à un licenciement qu’il considérait comme nul.

Demande de requalification

M. [U] a contesté la décision de la cour d’appel qui l’a débouté de sa demande de requalification de ses contrats de mission en contrat à durée indéterminée. Il a soutenu que les contrats de mission n’avaient pas été conclus pour des travaux urgents nécessités par des mesures de sécurité, ce qui aurait dû entraîner leur requalification. Il a également demandé des indemnités pour requalification, licenciement nul, ainsi que des dommages-intérêts.

Réponse de la Cour

La Cour a rappelé que les dispositions du code du travail permettent au salarié d’agir contre l’entreprise de travail temporaire si les conditions de prêt de main-d’œuvre ne sont pas respectées. Elle a précisé que l’entreprise de travail temporaire ne peut conclure des contrats de mission successifs sans respecter un délai de carence, sauf si ces contrats sont justifiés par des motifs spécifiques, ce qui n’était pas le cas ici.

Conclusion de la Cour

La cour d’appel a reconnu que les contrats de mission avaient été établis pour un accroissement temporaire d’activité et non pour des travaux urgents. Cependant, elle a statué que le non-respect des délais de carence ne constituait pas une cause de requalification des contrats. La Cour a conclu que la cour d’appel n’avait pas tiré les conséquences légales de ses constatations, violant ainsi les dispositions du code du travail.

SOC.

JL10

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 15 janvier 2025

Cassation

Mme MONGE, conseiller doyen faisant fonction de président

Arrêt n° 43 FS-B

Pourvoi n° X 23-20.168

Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. [U].
Admission du bureau d’aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 22 juin 2023.

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 15 JANVIER 2025

M. [Z] [U], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° X 23-20.168 contre l’arrêt rendu le 1er mars 2023 par la cour d’appel de Montpellier (2e chambre sociale), dans le litige l’opposant :

1°/ à la société Welljob, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1],

2°/ à la société TP Sud, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3],

défenderesses à la cassation.

Le demandeur invoque, à l’appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Le Quellec, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [U], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Welljob, de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société TP Sud, et l’avis de M. Halem, avocat général référendaire, après débats en l’audience publique du 4 décembre 2024 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Le Quellec, conseiller rapporteur, Mme Cavrois, conseiller le plus ancien faisant fonction de doyen, M. Flores, Mme Deltort, conseillers, Mmes Thomas-Davost, Laplume, Rodrigues, Segond, conseillers référendaires, M. Halem, avocat général référendaire, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l’article R. 431-5 du code de l’organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Montpellier, 1er mars 2023), M. [U] a été engagé par la société Welljob, entreprise de travail temporaire, et mis à disposition de la société TP Sud, au cours de la période du 7 janvier au 9 août 2019, suivant quinze contrats de mission, en qualité de maçon voirie et réseaux divers (VRD), au motif d’un accroissement temporaire d’activité.

2. Puis, suivant contrat de travail à durée déterminée du 15 juillet 2019, à effet du 2 septembre 2019 au 31 décembre 2019, l’entreprise utilisatrice a embauché M. [U], en qualité de maçon.

3. Le salarié a été victime d’un accident du travail le 19 septembre 2019.

4. Le 3 mars 2020, le salarié a saisi la juridiction prud’homale, afin de solliciter la requalification des contrats de mission et du contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée et d’obtenir le paiement d’indemnités afférentes à la requalification et à un licenciement nul.

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1251-36 et L. 1251-37-1 du code du travail :

6. Les dispositions de l’article L. 1251-40 du code du travail, qui sanctionnent l’inobservation par l’entreprise utilisatrice des dispositions des articles L. 1251-5 à L. 1251-7, L. 1251-10, L. 1251-11, L. 1251-12-1, L. 1251-30 et L. 1251-35-1, et des stipulations des conventions ou des accords de branche conclus en application des articles L. 1251-12 et L. 1251-35 du même code, n’excluent pas la possibilité pour le salarié d’agir contre l’entreprise de travail temporaire lorsque les conditions à défaut desquelles toute opération de prêt de main-d’oeuvre est interdite n’ont pas été respectées.

7. Par ailleurs, il résulte des articles L. 1251-36 et L. 1251-37-1 du code du travail susvisés que l’entreprise de travail temporaire ne peut conclure avec un même salarié sur le même poste de travail, à défaut de stipulation contraire dans la convention ou l’accord de branche conclu en application de l’article L. 1251-37, des contrats de missions successifs sans respect d’un délai de carence qu’à la condition que chaque contrat en cause soit conclu pour l’un des motifs limitativement énumérés par le second de ces textes, au nombre desquels figure la réalisation de travaux urgents nécessités par des mesures de sécurité mais ne figure pas l’accroissement temporaire d’activité.

8. Pour débouter le salarié de ses demandes tendant à faire prononcer la requalification de ses contrats de mission en contrat à durée indéterminée, à dire qu’il avait fait l’objet d’un licenciement nul et à condamner l’entreprise de travail temporaire à lui régler diverses sommes à titre d’indemnité de requalification, d’indemnités de rupture et de dommages-intérêts pour licenciement nul, l’arrêt retient que les contrats de mission n’ont pas été conclus pour la réalisation de travaux urgents nécessités par des mesures de sécurité, que dès lors l’entreprise utilisatrice ne pouvait s’affranchir des délais de carence qui n’ont pas été respectés.

9. Il ajoute que, pour autant, le non-respect des délais de carence ne constitue nullement une cause de requalification des contrats de mission en un contrat de travail à durée indéterminée.

10. En statuant ainsi, alors qu’elle avait constaté que les contrats de mission établis par l’entreprise de travail temporaire mentionnaient le motif d’un accroissement temporaire d’activité et n’avaient pas été conclus pour la réalisation de travaux urgents nécessités par des mesures de sécurité, ce dont il résultait que le respect du délai de carence prévu par l’article L. 1251-36 du code du travail s’imposait et que faute pour l’entreprise de travail temporaire de l’avoir observé elle avait failli aux obligations qui lui étaient propres, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés.

 


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