Cour de cassation, 13 mars 2024
Cour de cassation, 13 mars 2024

Type de juridiction : Cour de cassation

Juridiction : Cour de cassation

Thématique : Responsabilité des FAI : la bonne exécution du contrat s’impose

Résumé

La responsabilité des fournisseurs d’accès à Internet (FAI) est clairement établie par la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004. Selon les articles 14 et 15, un FAI est responsable de la bonne exécution de ses obligations contractuelles et ne peut s’exonérer de sa responsabilité qu’en prouvant que l’inexécution est due à des causes externes, comme un cas de force majeure. La cour d’appel a erré en considérant que SFR n’était tenu qu’à une obligation de moyens, négligeant ainsi les dispositions d’ordre public qui régissent ces contrats. Cette décision a été cassée par la Cour de cassation.

Les articles 14, alinéas 1 et 2, et 15, I, de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique qui pose le principe de la responsabilité des fournisseurs d’accès est d’ordre public. La responsabilité du FAI ne peut donc être écartée contractuellement par une clause le soumettant à une simple obligation de moyens.

Il résulte des articles 14, alinéas 1 et 2, et 15, I, de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 qu’un fournisseur d’accès à un service de communications électroniques est responsable de plein droit à l’égard de son client de la bonne exécution des obligations résultant du contrat et qu’il ne peut s’exonérer de tout ou partie de sa responsabilité qu’en apportant la preuve que l’inexécution ou la mauvaise exécution du contrat est imputable, soit à son client, soit au fait, imprévisible et insurmontable, d’un tiers étranger à la fourniture des prestations prévues au contrat, soit à un cas de force majeure.

Les dispositions prévues à l’article 15, I, précité, étant d’ordre public en ce qu’elles concernent les contrats conclus entre les fournisseurs d’accès à un service de communications électroniques et leurs clients, la liberté contractuelle ne permet pas d’y déroger.

7. Pour écarter la responsabilité civile contractuelle de la société SFR à l’égard de la société Bipel, l’arrêt retient, d’une part, que l’opérateur est tenu d’une obligation de moyens au regard des stipulations contractuelles, d’autre part, qu’aucun manquement aux obligations nées du contrat n’est démontré.

8. En statuant ainsi, la cour d’appel, à qui il incombait de trancher le litige en faisant application, au besoin d’office, des dispositions d’ordre public prévues à l’article 15, I, de la loi du 21 juin 2004, a violé les textes susvisés.

* * *

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

CIV. 1

CF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 13 mars 2024

Cassation

Mme CHAMPALAUNE, président

Arrêt n° 85 FS-D

Pourvoi n° X 23-13.498

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 13 MARS 2024

La société Bipel, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], agissant en la personne de M. [K] [J], son représentant légal, a formé le pourvoi n° X 23-13.498 contre l’arrêt rendu le 19 janvier 2023 par la cour d’appel de Lyon (3e chambre civile A), dans le litige l’opposant :

1°/ à la Société française du radiotéléphone (SFR), société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], venant aux droits de la société Futur Telecom, venant elle-même aux droits de la société LTI Telecom,

2°/ à la société Alternative 2.0, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3],

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire, les observations écrites et orales de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de la société Bipel, de la SAS Hannotin Avocats, avocat de la Société française du radiotéléphone, et l’avis de M. Chaumont, avocat général, après débats en l’audience publique du 9 janvier 2024 où étaient présents Mme Champalaune, président, Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, MM. Jessel, Mornet, Chevalier, Mmes Kerner-Menay, Bacache-Gibeili, M. Bruyère, Mmes Wable, Tréard, conseillers, Mmes Kloda, de Cabarrus, Feydeau-Thieffry, Kass-Danno, Champ, conseillers référendaires, M. Chaumont, avocat général, et Mme Ben Belkacem, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l’article R. 431-5 du code de l’organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Lyon, 19 janvier 2023) et les pièces de la procédure, le 18 juillet 2014, la société Bipel, agence de voyages, conseillée par la société Alternative 2.0 (la société Alternative), a conclu avec la société LTI Télécom, aux droits de laquelle se trouve désormais la Société française du radiotéléphone (la société SFR), un contrat de service de communication électronique intitulé « Intégrale 100 % fixe, mobile et internet ». L’article 6.1 des conditions générales de vente stipulait que la société LTI Télécom s’engageait auprès du client à faire ses meilleurs efforts pour fournir les services avec toute la compétence et le soin raisonnable dans le respect des normes professionnelles applicables.

2. Le matériel de téléphonie fourni par la société Tiptel a été installé en février 2015. Des dysfonctionnements ont été constatés à partir de mars 2015.

3. Les 12 avril et 31 juillet 2016, la société Bipel a assigné la société SFR et la société Alternative en résolution du contrat, responsabilité et indemnisation. La société Tiptel est intervenue à l’instance.

Examen des moyens

Sur le moyen relevé d’office

4. Après avis donné aux parties conformément à l’article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l’article 620, alinéa 2, du même code.

Vu les articles 14, alinéas 1 et 2, et 15, I, de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique :

5. Il résulte de ces textes qu’un fournisseur d’accès à un service de communications électroniques est responsable de plein droit à l’égard de son client de la bonne exécution des obligations résultant du contrat et qu’il ne peut s’exonérer de tout ou partie de sa responsabilité qu’en apportant la preuve que l’inexécution ou la mauvaise exécution du contrat est imputable, soit à son client, soit au fait, imprévisible et insurmontable, d’un tiers étranger à la fourniture des prestations prévues au contrat, soit à un cas de force majeure.

6. Les dispositions prévues à l’article 15, I, précité, étant d’ordre public en ce qu’elles concernent les contrats conclus entre les fournisseurs d’accès à un service de communications électroniques et leurs clients, la liberté contractuelle ne permet pas d’y déroger.

7. Pour écarter la responsabilité civile contractuelle de la société SFR à l’égard de la société Bipel, l’arrêt retient, d’une part, que l’opérateur est tenu d’une obligation de moyens au regard des stipulations contractuelles, d’autre part, qu’aucun manquement aux obligations nées du contrat n’est démontré.

8. En statuant ainsi, la cour d’appel, à qui il incombait de trancher le litige en faisant application, au besoin d’office, des dispositions d’ordre public prévues à l’article 15, I, de la loi du 21 juin 2004, a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 19 janvier 2023, entre les parties, par la cour d’appel de Lyon ;

Remet l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Grenoble ;

Condamne la Société française du radiotéléphone aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la Société française du radiotéléphone et la condamne à payer à la société Bipel la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize mars deux mille vingt-quatre.

 


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Chat Icon