Type de juridiction : Cour de cassation
Juridiction : Cour de cassation
Thématique : Distribution de dividendes et droits des associés dans une société par actions simplifiée
→ RésuméContexte de l’affaireLes consorts [F], associés de la société par actions simplifiée Midi plage, ont été impliqués dans une procédure judiciaire concernant la distribution de dividendes. L’assemblée générale de la société a approuvé les comptes de l’exercice clos le 31 décembre 2016 le 30 avril 2017, et a décidé d’affecter les bénéfices au compte « report à nouveau ». Promesse de cession d’actionsLe 22 mai 2017, les consorts [F] ont signé une promesse de cession des actions de la société Midi plage avec M. [V], qui a été remplacé par la société Maga. Par la suite, le 3 juillet 2017, une autre assemblée générale a décidé de distribuer des dividendes prélevés sur le report à nouveau. Achat des actions par la société MagaLe 28 juillet 2017, la société Maga a acquis la totalité des actions de la société Midi plage. Cependant, le 23 mars 2018, les consorts [F] ont assigné la société Midi plage en paiement des dividendes décidés lors de l’assemblée générale du 3 juillet 2017. Intervention de la société MagaLa société Maga a décidé d’intervenir volontairement dans l’instance, et M. [T] a été désigné comme commissaire à l’exécution du plan de sauvegarde de la société Maga. Les consorts [F] ont contesté le rejet de leur demande en paiement des dividendes. Arguments des consorts [F]Les consorts [F] ont soutenu que les délibérations d’une société s’imposent tant qu’aucune nullité n’a été prononcée. Ils ont contesté le fait que la cour d’appel ait rejeté leur demande de paiement des dividendes, arguant que la délibération de l’assemblée générale du 3 juillet 2017 devait être considérée comme valide. Réponse de la CourLa cour a examiné la recevabilité du moyen soulevé par les consorts [F] et a conclu qu’il était de pur droit. Elle a ensuite analysé le bien-fondé du moyen en se référant aux articles du code civil et du code de commerce concernant la nullité des actes des sociétés commerciales. Décision de la cour d’appelLa cour d’appel a constaté que l’assemblée générale du 3 juillet 2017 avait décidé la distribution de dividendes alors que le montant des capitaux propres de la société était inférieur au capital augmenté des réserves non distribuables. Elle a donc rejeté la demande des consorts [F], considérant que la délibération était nulle. Violation des textes légauxEn statuant ainsi, la cour d’appel a été jugée en violation des textes, car la délibération de l’assemblée générale du 3 juillet 2017, bien qu’encourant la nullité, s’imposait tant que cette nullité n’avait pas été prononcée |
COMM.
HM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 12 février 2025
Cassation partielle
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 72 FS-B
Pourvoi n° C 23-11.410
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 12 FÉVRIER 2025
1°/ M. [R] [F], domicilié [Adresse 5],
2°/ Mme [G] [F], domiciliée [Adresse 4],
3°/ M. [E] [F], domicilié [Adresse 1],
ont formé le pourvoi n° C 23-11.410 contre l’arrêt rendu le 17 novembre 2022 par la cour d’appel d’Aix-en-Provence (chambre 3-4), dans le litige les opposant :
1°/ à la société Maga, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2],
2°/ à la société Midi plage, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 6],
3°/ à M. [Z] [T], domicilié [Adresse 3], pris en qualité de commissaire à l’exécution du plan de sauvegarde de la société Maga,
défendeurs à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l’appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Ducloz, conseiller, les observations de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de MM. [R] et [E] [F], et de Mme [G] [F], de la SCP Jean-Philippe Caston, avocat des sociétés Maga, Midi plage et de M. [T], et l’avis de M. Bonthoux, avocat général, après débats en l’audience publique du 17 décembre 2024 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Ducloz, conseiller rapporteur, M. Ponsot, conseiller doyen, Mmes Graff-Daudret, Daubigney, M. Alt, Mme de Lacaussade, M. Thomas, conseillers, Mmes Vigneras, Lefeuvre, Tostain, conseillers référendaires, M. Bonthoux, avocat général, et Mme Bendjebbour, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l’article R. 431-5 du code de l’organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 17 novembre 2022), MM. [R] et [E] [F] et Mme [G] [F] (les consorts [F]) étaient les associés de la société par actions simplifiée Midi plage.
2. Le 30 avril 2017, l’assemblée générale de la société Midi plage a approuvé les comptes de l’exercice clos le 31 décembre 2016 et a décidé d’affecter les bénéfices de l’exercice au compte « report à nouveau ».
3. Le 22 mai 2017, les consorts [F] ont conclu avec M. [V], auquel s’est substituée la société Maga, une promesse de cession des actions de la société Midi plage.
4. Le 3 juillet 2017, l’assemblée générale de la société Midi plage a décidé la distribution de dividendes prélevés sur le report à nouveau décidé par l’assemblée générale du 30 avril 2017.
5. Le 28 juillet 2017, la société Maga a acquis la totalité des actions de la société Midi plage.
6. Le 23 mars 2018, les consorts [F] ont assigné la société Midi plage en paiement des dividendes dont la distribution avait été décidée par l’assemblée générale du 3 juillet 2017.
7. La société Maga est intervenue volontairement à l’instance. M. [T] a été désigné commissaire à l’exécution du plan de sauvegarde de la société Maga.
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
9. Les sociétés Midi plage et Maga et M. [T], ès qualités, contestent la recevabilité du moyen. Ils soutiennent qu’il est nouveau et mélangé de fait et de droit.
10. Cependant, ce moyen, qui ne se réfère à aucune considération de fait qui ne résulterait pas des énonciations de l’arrêt, est de pur droit.
11. Le moyen est donc recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu les articles 1103 du code civil et L. 235-1 du code de commerce :
12. Aux termes du premier de ces textes, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. Selon le second, la nullité des actes ou délibérations des organes d’une société commerciale ne peut résulter que de la violation d’une disposition impérative du livre II du code de commerce, à l’exception de la première phrase du premier alinéa de l’article L. 225-35 et de la troisième phrase du premier alinéa de l’article L. 225-64 de ce code, ou des lois qui régissent les contrats, à l’exception du dernier alinéa de l’article 1833 du code civil.
13. Il résulte de la combinaison de ces textes que les délibérations d’une société commerciale s’imposent aux associés tant que la nullité n’en a pas été prononcée.
14. Aux termes de l’article L. 232-11, alinéa 1er, du code de commerce, le bénéfice distribuable est constitué par le bénéfice de l’exercice, diminué des pertes antérieures, ainsi que des sommes à porter en réserve en application de la loi ou des statuts, et augmenté du report bénéficiaire.
15. Aux termes de l’article L. 232-12, alinéa 1er, de ce code, après approbation des comptes annuels et constatation de l’existence de sommes distribuables, l’assemblée générale détermine la part attribuée aux associés sous forme de dividendes.
16. Il résulte de la combinaison de ces textes, lesquels sont impératifs, que le report bénéficiaire d’un exercice est inclus dans le bénéfice distribuable de l’exercice suivant et que, par voie de conséquence, seule l’assemblée approuvant les comptes de cet exercice pourra décider son affectation et, le cas échéant, sa distribution. Il s’ensuit qu’encourt la nullité la délibération d’une assemblée générale autre que celle approuvant les comptes de l’exercice et décidant la distribution d’un dividende prélevé sur le report à nouveau bénéficiaire d’un exercice précédent.
17. Pour rejeter la demande en paiement de dividendes des consorts [F], l’arrêt, après avoir constaté, d’une part, que l’assemblée générale de la société Midi plage du 30 avril 2017 avait approuvé les comptes de l’exercice clos le 31 décembre 2016 et avait décidé l’affectation des bénéfices de cet exercice en report à nouveau, d’autre part, que l’assemblée générale du 3 juillet 2017 avait décidé la distribution des dividendes litigieux qui avaient été prélevés sur le report à nouveau bénéficiaire décidé par l’assemblée générale du 30 avril 2017, retient que le montant des capitaux propres de la société était, avant la distribution des dividendes décidée le 3 juillet 2017, inférieur au montant du capital augmenté des réserves non distribuables. L’arrêt en déduit qu’il ne pouvait être procédé à la distribution des dividendes litigieux.
18. En statuant ainsi, alors que la délibération de l’assemblée générale de la société Midi plage du 3 juillet 2017, bien qu’encourant la nullité dès lors que cette assemblée, qui n’était pas celle de l’approbation des comptes de l’exercice clos le 31 décembre 2017 dans lequel était inclus le report bénéficiaire de l’exercice précédent, ne pouvait décider la distribution des dividendes litigieux, s’imposait tant que la nullité n’en avait pas été prononcée, la cour d’appel a violé les textes susvisés.
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