Cour de cassation, 12 février 2020
Cour de cassation, 12 février 2020

Type de juridiction : Cour de cassation

Juridiction : Cour de cassation

Thématique : Dessinateur pigiste : la requalification en CDI possible

Résumé

La collaboration prolongée d’un dessinateur pigiste avec un média, comme le quotidien « Le Monde », peut entraîner une requalification en contrat à durée indéterminée (CDI). Dans une affaire, un illustrateur, actif depuis 1982, a vu sa relation avec la société éditrice requalifiée en CDI après une diminution de son volume de travail en 2013. La juridiction a constaté que le pigiste agissait sous un lien de subordination, recevant des instructions hebdomadaires sur les thèmes de ses dessins, ce qui a renforcé la présomption de contrat de travail, conformément à l’article L. 7112-1 du code du travail.

Associées à un lien de subordination, les collaborations de longue durée avec un pigiste portent le risque maximum d’une requalification en CDI.  

Affaire Le Monde

Un
dessinateur / illustrateur a collaboré depuis 1982 à la rédaction du quotidien
« Le Monde » en qualité de dessinateur en étant rémunéré à la pige ; le volume
de son activité et de sa rémunération ayant sensiblement diminué en 2013, il a
saisi la juridiction prud’homale aux et a obtenu la requalification en contrat
de travail de la relation le liant à la Société éditrice du Monde (SEM).

Présomption de contrat de travail

Si
la convention par laquelle une entreprise de presse s’assure, moyennant rémunération,
le concours d’un journaliste professionnel est présumée être un contrat de
travail, l’employeur présumé peut renverser cette présomption en établissant
que le journaliste exerce son activité en-dehors de tout lien de subordination.
En l’espèce, pour considérer que la présomption de salariat n’était pas
valablement renversée, la juridiction a relevé que Le Monde informait chaque
semaine le pigiste des sujets de la double page thématique du vendredi, lui
envoyait les textes des contributeurs lorsqu’elle les possédait, afin qu’il
produise un dessin en rapport avec le thème de l’article. Chaque semaine, les
thèmes des dessins commandés lui étaient imposés par la direction artistique du
journal qui exerçait sur lui un pouvoir de direction et de contrôle. Le pigiste
agissait donc sur instructions, effectuait de manière constante et habituelle
des dessins destinés à illustrer des événements ou des thèmes précis publiés
dans le journal et percevait en contrepartie une rémunération mensuelle d’un
montant assez constant.

Journalistes et professions assimilées

Pour
rappel, aux termes de l’article L. 7112-1 du code du travail, toute convention
par laquelle une entreprise de presse s’assure, moyennant rémunération, le
concours d’un journaliste professionnel est présumée être un contrat de
travail. Cette présomption subsiste quels que soient le mode et le montant de
la rémunération ainsi que la qualification donnée à la convention par les
parties. L’article L. 7111-4 précise que « sont assimilés aux journalistes
professionnels, les collaborateurs directs de la rédaction, rédacteur
traducteur, sténographe rédacteur, rédacteur réviseur, reporteurs dessinateurs,
reporters photographes à l’exclusion des agents de publicité et de tous ceux
qui n’apportent, à un titre quelconque, qu’une collaboration
occasionnelle ».

Charte des pigistes

Par ailleurs, la charte des pigistes du 14 décembre 1999 applicable au sein de la SEM prévoit que « les pigistes titulaires de la carte de presse sont des journalistes à part entière » et rappelle que « la loi assimile les relations entre pigiste et l’éditeur de presse qui l’emploie à un contrat de travail en bonne et due forme ». Le texte prévoit également que la charte est applicable « à tout journaliste professionnel » tel qu’il est défini par la loi. La qualité de pigiste n’est pas de nature à priver l’intéressé du bénéficie du statut de journaliste professionnel. Dès lors, pour bénéficier de la présomption de salariat, le journaliste pigiste doit satisfaire à la définition de l’article L. 7111-3 du code du travail qui considère comme journaliste professionnel toute personne qui a pour activité principale régulière et rétribuée, l’exercice de sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse et qui en tire le principal de ses ressources. Ainsi pour avoir la qualité de salarié d’une entreprise de presse, le pigiste doit collaborer au journal de cette entreprise de façon régulière. Télécharger la décision

 


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