Cour de Cassation, 10 octobre 2018
Cour de Cassation, 10 octobre 2018

Type de juridiction : Cour de Cassation

Juridiction : Cour de Cassation

Thématique : Requalification de CDD d’usage : question du départ à l’étranger

Résumé

Dans le cadre d’une demande de requalification de CDD d’usage en CDI, l’expatriation du salarié est indifférente au droit à la requalification. La requalification prend effet dès la première embauche, même si des relations ont été rompues. La notion de « période interstitielle » désigne le laps de temps entre deux CDD, sans remettre en cause l’existence de la relation de travail. Dans l’affaire Canal Plus, un réalisateur a réussi à faire reconnaître ses CDD successifs comme des CDI, malgré une période d’inactivité due à une mission aux États-Unis, considérée comme une simple suspension de contrat.

Dans le cadre d’une demande de requalification de CDD d’usage en CDI, le fait que le salarié se soit expatrié pendant plusieurs années à l’étranger, est indifférent au droit à la requalification.

Question de la « période interstitielle »

La requalification de CDD en CDI prend effet au jour de la première embauche et peut tout de même être prononcée lorsque, sur la période considérée, les relations entre les parties ont été rompues. La « période interstitielle » ou « intercalaire » séparant des CDD requalifiés, postérieurement à leur exécution, en CDI, s’entend de la période séparant deux contrats à durée déterminée et dont, ni la durée, ni le comportement des parties durant ladite période ne remettent en cause la relation de travail dans son existence même.

Affaire Canal Plus

Un réalisateur de la société d’Edition de Canal Plus a obtenu la requalification de ses CDD d’usage successifs conclus entre le 1er novembre 2000 et le 13 juin 2014, entrecoupés d’une période non travaillée entre le 8 octobre 2010 et le 12 mars 2013 durant laquelle il avait une activité professionnelle aux États-Unis.

En présence d’une « longue coupure », les juges recherchent si la cessation de toute relation entre les parties, compte tenu de sa durée, du comportement des parties pendant cette période et, plus généralement, des circonstances de la cause, est susceptible de s’analyser comme une « période interstitielle » séparant deux contrats à durée déterminée non successifs, ou comme ayant mis un terme à la relation salariée ayant débuté au premier contrat à durée déterminée conclu entre les parties. En l’occurrence, le salarié a fait valoir avec succès que la société d’Edition de Canal Plus avait cessé de lui fournir du travail, en sorte qu’il n’avait pas démissionné, et que la période de deux ans et demi durant laquelle il était parti aux Etats-Unis devait s’analyser en une simple « suspension » de son contrat.

Emploi à besoin permanent

Il résulte de la combinaison des articles L.1242-1, L.1242-2, L.1245-1 et D. 1242-1 du code du travail que, dans les secteurs d’activité définis par décret ou par voie de convention ou d’accord collectif étendu, certains des emplois en relevant peuvent être pourvus par des contrats à durée déterminée lorsqu’il est d’usage constant de ne pas recourir à un contrat à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois. Des contrats à durée déterminée successifs peuvent, en ce cas, être conclus avec le même salarié.

L’accord-cadre sur le travail à durée déterminée conclu le 18 mars 1999, mis en oeuvre par la directive n°1999/70/CE du 28 juin 1999, qui a pour objet de prévenir les abus résultant de l’utilisation de contrats à durée déterminée successifs, impose de vérifier que le recours à l’utilisation de ces contrats est justifié par des raisons objectives qui s’entendent de l’existence d’éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi. Ainsi, la détermination par accord collectif de la liste précise des emplois pour lesquels il peut être recouru au contrat de travail à durée déterminée d’usage ne dispense pas le juge, en cas de litige, de vérifier concrètement l’existence de ces raisons objectives.

En l’occurrence, le travail du salarié consistait à réaliser des bandes-annonces de films, de documentaires ou d’émissions destinés à être diffusés quotidiennement sur les chaînes de télévision du Groupe Canal Plus. Le salarié n’était pas intervenu pour une émission particulière. L’ensemble des contrats en cause avait donc bien pour objet de pourvoir durablement un poste lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise. L’employeur ne justifiait pas de l’existence d’éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi de réalisateur.

Télécharger la décision

 


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Chat Icon