Type de juridiction : Cour de cassation
Juridiction : Cour de cassation
Thématique : Secret des sources et diffamation : le Canard enchaîné relaxé
→ RésuméLa Cour de cassation a relaxé le Canard enchaîné dans une affaire de diffamation liée à des accusations d’espionnage de journalistes par Nicolas Sarkozy. Les juges ont souligné que les journalistes avaient agi de bonne foi, s’appuyant sur des déclarations de fonctionnaires de la DCRI, sans pouvoir révéler leurs sources pour des raisons de protection. La cour a estimé que l’exigence de preuves antérieures à la publication violait le secret des sources, essentiel à la liberté de la presse. De plus, les propos incriminés touchaient à un débat d’intérêt public sur la collecte illégale de données personnelles, justifiant ainsi la liberté d’expression.
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Débat d’intérêt général
En matière de diffamation, le secret des sources prend une nouvelle dimension avec cette affaire jugée par la Cour de cassation. Les juges suprêmes ont censuré les juges du fond qui n’avaient pas accordé le bénéfice de la bonne foi (diffamation) à des journalistes du canard enquêtant sur des pratiques d’espionnage d’autres journalistes qui auraient été supervisées par Nicolas Sarkozy.
Imputation de surveillances illégales
En 2010, le Canard enchaîné avait publié un article intitulé « Sarko supervise l’espionnage des journalistes », affirmant que le Président de la République, « dès qu’un journaliste se livre à une enquête gênante pour lui ou pour les siens », demandait à son chef de la direction centrale du renseignement intérieur (DCRI), de « s’intéresser à cet effronté ». Le chef de la DCRI expressément cité, s’était constitué partie civile devant le juge d’instruction, du chef de diffamation publique envers un fonctionnaire public. Après un premier aller-retour en cassation (Cour de cassation, 8 septembre 2015), l’affaire a de nouveau été jugée mais cette fois les journalistes ont été relaxés.
Question de la bonne foi des journalistes
Les journalistes n’avaient pas bénéficié de la bonne foi en raison de base factuelle insuffisante. Les journalistes avaient affirmé avoir eu des informations à la DCRI et à l’Élysée mais sans pouvoir citer leurs sources pour des raisons de protection. A défaut de contradictoire et d’éléments suffisants sur une cellule montée aux fins d’espionnage, le bénéfice de la bonne foi avait été exclu.
Secret des sources, pierre angulaire de la liberté d’expression
Les juges suprêmes ont considéré qu’en exigeant des journalistes, dont les révélations contenues dans l’article reposaient uniquement sur les déclarations de fonctionnaires de la DCRI, chargés de cette tâche, et dont il ne pouvait révéler les noms, qu’ils produisent, pour justifier d’une base factuelle suffisante, des pièces ou témoignages antérieurs à la diffusion du propos litigieux, les juges du fond ont méconnu les articles 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse et 10 de la Convention européenne des droits de l’homme. En effet et de façon très concrète, la présentation des témoignages en question revenait à exiger des journalistes, dans ce contexte particulier, qu’ils violent le secret des sources, pierre angulaire de la liberté de la presse.
Débat d’intérêt public
De surcroît, les propos incriminés s’inscrivaient dans un débat d’intérêt public ayant un retentissement national relatif à la collecte illégale de données personnelles de certains journalistes par l’État et mettant en cause la partie civile, alors fonctionnaire public chargé de la direction centrale du renseignement intérieur. Les accusations reposaient sur une base factuelle suffisante constituée notamment de témoignages de plusieurs journalistes attestant de surveillances faites sur des confrères par plusieurs des membres de la direction centrale du renseignement intérieur sous les ordres de la partie civile, elle-même, du fait de sa fonction, plus exposée à la critique qu’un simple particulier, de sorte que les articles en cause ne dépassaient pas les limites admissibles de la liberté d’expression.
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