Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel d’Orléans
Thématique : Conclusions par voie électronique : dysfonctionnement technique justifiant la recevabilité
→ RésuméDans le cadre de la procédure civile, un dysfonctionnement technique peut constituer un cas de force majeure, justifiant l’irrecevabilité des conclusions. L’ONIAM a contesté la recevabilité des conclusions de la MACSF, arguant qu’elles avaient été notifiées hors délai. Cependant, la MACSF a démontré que des incidents techniques avaient entravé la transmission de ses conclusions, rendant impossible leur remise dans le délai imparti. En vertu de l’article 910-3 du code de procédure civile, la cour a reconnu que ces difficultés étaient extérieures à la partie et insurmontables, écartant ainsi l’irrecevabilité des conclusions et de l’appel incident.
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Si les articles 748-7 et 930-1 du code de procédure civile prévoient des dispositions pour pallier l’éventualité d’un problème technique empêchant la transmission d’un acte par voie électronique, encore faut-il pour que l’auteur de l’acte ait été informé de ce problème technique pour qu’il puisse prendre les dispositions prévues pour y remédier.
Selon les articles 909 et 911 du code de procédure civile, l’intimé dispose, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, d’un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l’appelant pour remettre ses conclusions au greffe et les notifier à l’avocat de l’appelant, ainsi que pour former, le cas échéant, appel incident.
Aux termes de l’article 910-3 du même code, issu du décret du 6 mai 2017, ‘En cas de force majeure, le président de la chambre ou le conseiller de la mise en état peut écarter l’application des sanctions prévues aux articles 905-2 et 908 à 911″.
Constitue un cas de force majeure en procédure civile, la circonstance non imputable au fait de la partie et qui revêt pour elle un caractère insurmontable (2ème Civ., 25 mars 2021 n°20-10.654).
Nos Conseils:
– Veillez à respecter les délais impartis par le code de procédure civile pour remettre et notifier vos conclusions, sous peine d’irrecevabilité.
– En cas de difficultés techniques empêchant la transmission d’un acte par voie électronique, informez immédiatement les parties concernées et prenez les mesures nécessaires pour remédier à la situation.
– En cas de force majeure caractérisée, tel qu’un dysfonctionnement technique insurmontable, faites valoir cet argument pour écarter l’application des sanctions prévues par le code de procédure civile.
L’ONIAM a interjeté appel d’un jugement rendu par le tribunal judiciaire de Tours le 16 mars 2023 dans une affaire l’opposant à la mutuelle MACSF – Le Sou Médical. Par la suite, l’ONIAM a saisi le conseiller de la mise en état d’un incident aux fins d’irrecevabilité des conclusions de la MACSF. L’ONIAM demande que les conclusions de la MACSF soient déclarées irrecevables, que l’appel incident de la MACSF soit également déclaré irrecevable, et demande une indemnité de 4000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile. De son côté, la MACSF Assurances demande au conseiller de la mise en état de déclarer l’ONIAM mal fondée en son incident, de juger que la MACSF ne doit pas être sanctionnée pour non-respect du délai en raison d’un cas de force majeure, de déclarer recevables ses conclusions régularisées et son appel incident, et de rejeter toutes les demandes contraires.
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Cour d’appel d’Orléans
RG n° 23/01497
6 mai 2024
N° RG 23/01497 – N° Portalis DBVN-V-B7H-GZZX
Copies le :
à
la SELARL ANDREANNE SACAZE
la SCP LAVAL – FIRKOWSKI – DEVAUCHELLE AVOCATS ASSOCIES
Grosse le
ORDONNANCE D’INCIDENT
N° /24
Le 6 mai 2024,
NOUS, Anne-Lise COLLOMP, Présidente de chambre chargée de la mise en état, assistée de Karine DUPONT, Greffier,
dans l’affaire
ENTRE :
ONIAM (Office national d’indemnisation des accidents médicaux,des affections iatrogènes et des infections nosocomiales) agissant poursuite et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège
[Adresse 4]
[Localité 3]
ayant pour avocat postulant Me Andréanne SACAZE de la SELARL ANDREANNE SACAZE, avocat au barreau d’ORLEANS,
ayant pour avocat plaidant Me Olivier SAUMON de l’AARPI JASPER AVOCATS, avocat au barreau de PARIS
DEMANDEUR à L’INCIDENT – APPELANT
d’un Jugement en date du 16 Mars 2023 rendu par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de TOURS
D’UNE PART,
ET :
MACSF – LE SOU MEDICAL FRANCAIS agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège
[Adresse 1]
[Localité 2]
ayant pour avocat postulant Me Olivier LAVAL de la SCP LAVAL – FIRKOWSKI – DEVAUCHELLE AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau d’ORLEANS
ayant pour avocat plaidant Me Guillaume BARDON de la SELARL CM&B ‘COTTEREAU-MEUNIER-BARDON-SONNET- ET ASSOCIES, avocat au barreau de TOURS,
DÉFENDEUR à L’INCIDENT – INTIMÉ
D’AUTRE PART,
Après avoir entendu les conseils des parties présents à notre audience du 8 avril 2024, il leur a été indiqué que l’ordonnance serait prononcée, par mise à disposition au greffe, le 6 mai 2024
FAITS ET PROCEDURE
Le 13 juin 2023, l’ONIAM a interjeté appel d’un jugement rendu par le tribunal judiciaire de Tours le 16 mars 2023, dans une procédure l’opposant à la mutuelle MACSF – Le Sou Médical.
Par conclusions d’incident signifiées le 1er mars 2024, l’ONIAM a saisi le conseiller de la mise en état d’un incident aux fins d’irrecevabilité des conclusions de l’intimée.
Elle demande au conseiller de la mise en état de :
– juger que les conclusions de la MACSF signifiées le 4 janvier 2024 sont irrecevables ;
– juger que l’appel incident interjeté par la MACSF dans ses écritures du 4 janvier 2024 est irrecevable ;
– condamner la MACSF à lui verser une somme de 4000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions signifiées le 3 avril 2024, la société MACSF Assurances demande au conseiller de la mise en état de :
– déclarer l’ONIAM mal fondée en son incident,
– Vu l’article 910-3 du CPC, juger n’y avoir lieu à application à la MACSF de la sanction de l’irrecevabilité de ses conclusions pour non-respect du délai prévu à l’article 909 du même code en raison d’un cas de force majeure découlant d’un incident technique extérieur aux parties et insurmontable.
– juger recevables les conclusions régularisées le 3 janvier 2024 ainsi que l’appel incident de la MACSF.
– rejeter toutes demandes fins prétentions contraires.
– statuer ce que de droit concernant les dépens.
MOTIFS
Sur la demande d’irrecevabilité des conclusions de l’intimé
Moyens des parties
L’ONIAM soutient que :
– elle a notifié ses conclusions d’appelant le 8 septembre 2023 ;
– le 8 décembre 2023, la MACSF notifié des conclusions intitulées ‘conclusions récapitulatives’, mais elles étaient exemptes de tout contenu ;
– c’est seulement le 4 janvier 2024 qu’un jeu de conclusions comportant un contenu a été régularisé, largement après l’expiration du délai de trois mois imparti par l’article 909 du code de procédure civile, de sorte qu’elles sont irrecevables, de même que l’appel incident qui y est formé.
La société MACSF répond qu’elle a notifié ses conclusions d’appelant le 8 septembre 2023, et que ce n’est que par suite de dysfonctionnements techniques que les conclusions et pièces n’ont pas été matériellement reçues par leurs destinataires, et que les accusés de réception ne permettaient pas de constater que les documents réputés envoyés ne l’étaient pas. Elle a régularisé la situation dès qu’elle en a été informée. Elle demande qu’il soit fait application de l’article 910-3 du code de procédure civile qui permet, en cas de force majeure, en l’espèce caractérisée, d’écarter l’application des sanctions prévues aux articles 905-2 et 908-11 du code de procédure civile.
Réponse de la cour
Selon les articles 909 et 911 du code de procédure civile, l’intimé dispose, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, d’un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l’appelant pour remettre ses conclusions au greffe et les notifier à l’avocat de l’appelant, ainsi que pour former, le cas échéant, appel incident.
Aux termes de l’article 910-3 du même code, issu du décret du 6 mai 2017, ‘En cas de force majeure, le président de la chambre ou le conseiller de la mise en état peut écarter l’application des sanctions prévues aux articles 905-2 et 908 à 911″.
Constitue un cas de force majeure en procédure civile, la circonstance non imputable au fait de la partie et qui revêt pour elle un caractère insurmontable (2ème Civ., 25 mars 2021 n°20-10.654).
Si les articles 748-7 et 930-1 du code de procédure civile prévoient des dispositions pour pallier l’éventualité d’un problème technique empêchant la transmission d’un acte par voie électronique, encore faut-il pour que l’auteur de l’acte ait été informé de ce problème technique pour qu’il puisse prendre les dispositions prévues pour y remédier.
Or en l’espèce, il résulte des éléments du dossiers que la MACSF a notifié des conclusions d’appelant par voie électronique le 8 décembre 2023, ainsi que des pièces, et a reçu un accusé de réception de cette démarche à 8h38, ce dont il résulte qu’elle a pu se convaincre qu’elle avait satisfait aux exigences de l’article 909 du code de procédure civile en notifiant ses conclusions dans le délai de trois mois à compter des conclusions de l’appelant, en date du 8 septembre 2023.
Or il s’avère que les conclusions ainsi transmises étaient vides de tout contenu, ne comportant ni moyens, ni appel incident, ni dispositif.
La société MACSF justifie par les pièces qu’elle verse aux débats que des incidents techniques ont affecté à plusieurs reprises le mode de communication électronique courant décembre 2023, puisque le service au service e-Actes a été interrompu les 1er et 12 décembre 2023, que le 6 décembre une maintenance sur le service e-Actes a été effectuée, que le 7 décembre, une maintenance du service Nouvel e-Barreau est intervenue de 20h à 23h. Elle justifie également avoir adressé une demande d’aide ‘sur les messages RPVA’ aux services du logiciel SECIB qui en ont accusé réception le vendredi 8 décembre 2023 à 9h40, donc dans un temps voisin de l’envoi des conclusions litigieuses. Elle verse également aux débats un message de Septeo qui confirme la survenance de dysfonctionnements sur la plateforme RPVA en décembre 2023.
En considération de l’ensemble de ces éléments, il est suffisamment établi qu’une difficulté technique est à l’origine de l’envoi par la MACSF, le 8 décembre 2023, de conclusions vides de contenu, auxquels l’avocat de la MACSF, qui a reçu à cette date un accusé de réception ne laissant pas supposer de difficultés, n’a pas pu remédier dans le délai de 3 mois qui lui était imparti pour conclure.
Cette difficulté résulte donc bien d’une circonstance extérieure à l’avocat, qui ne lui est pas imputable, en l’espèce un dysfonctionnement technique du système de communication électronique, dysfonctionnement dont il n’a pas eu connaissance dans le délai de trois mois imparti pour conclure et qui a revêtu pour lui un caractère insurmontable.
C’est donc en raison d’un cas de force majeure que la société MACSF n’a pas remis ses conclusions d’intimée et formé appel incident dans le délai de trois mois prévu par l’article 909 du code de procédure civile, mais seulement le 3 janvier 2024.
En conséquence, en application de l’article 910-3 du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de prononcer l’irrecevabilité des conclusions de l’intimée, remises au greffe et signifiées le 3 janvier 2024, pas plus qu’il n’y a lieu de prononcer l’irrecevabilité de l’appel incident formé dans ces conclusions.
Sur les dépens et les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile
Chaque partie conservera la charge de ses propres dépens.
Les circonstances ne justifient pas de faire application des dipositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Statuant par mise à disposition au greffe, contradictoirement et par décision susceptible de déféré,
DIT n’y avoir lieu de déclarer irrecevables les conclusions remises au greffe et notifiées par la société MACSF Assurances le 3 janvier 2024 et l’appel incident formé dans ces mêmes conclusions ;
REJETTE les demandes fondées sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
DIT que chaque partie conservera la charge de ses dépens d’incident.
ET la présente ordonnance a été signée par la présidente de chambre, chargée de la mise en état, et par le greffier
Karine DUPONT Anne-Lise COLLOMP
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