Type de juridiction : Cour d’Appel
Juridiction : Cour d’Appel d’Orléans
Thématique : Affaire Fort Boyard
→ RésuméDans le cadre des tournages audiovisuels, il est déterminant de prendre toutes les mesures de sécurité pour protéger l’ensemble des salariés, pas seulement ceux en poste à risque. La société de production de l’émission « Fort Boyard » a été condamnée pour faute inexcusable, permettant à la victime d’obtenir une majoration de ses indemnités. Cette majoration est calculée selon la réduction de la capacité de la victime. En cas d’accident, il incombe au salarié de prouver qu’il était affecté à un poste à risque et qu’il n’a pas bénéficié de la formation à la sécurité requise.
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Dans le cadre de tournages audiovisuels, attention à prendre toutes les mesures de sécurité nécessaires afin de protéger tous les salariés et pas seulement ceux occupant un poste à risque.
Faute inexcusable de la
société de production
La société de production de l‘émission Fort Boyard a été condamnée pour faute inexcusable. La reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur permet à la victime d’obtenir une majoration des indemnités qui lui sont dues, conformément aux dispositions de l’article L.452-2 du code de la sécurité sociale.
Intérêt de la faute
inexcusable
La
faute inexcusable ouvre en effet droit à une majoration de la rente ou du
capital alloué à la victime, calculée en fonction de la réduction de la
capacité dont celle-ci est atteinte. Toutefois, la rente majorée ne peut pas
dépasser, soit le salaire annuel de la victime en cas d’incapacité totale, soit
la fraction de salaire correspondant au taux d’incapacité s’il s’agit d’une
incapacité permanente partielle. La majoration est payée par la caisse, qui en
récupère le capital représentatif auprès de l’employeur dans des conditions
déterminées par décret.
Exemple d’accident sur
tournage
Le
salarié, employé en CDD par la société Adventure Line Production (la société
ALP), en qualité de menuisier traceur, pour la production de l’émission
télévisuelle « Fort Boyard », a été victime d’un accident lors du débarquement
au fort. L’accident était lié au fait qu’un bout du zodiac destiné à amarrer le
bateau s’est accroché à un élément d’équipement, le faisant chuter de la
nacelle en cours d’élévation, destinée à le hisser dans le fort.
Présomption de faute
inexcusable écartée
L’article
L. 4154-3 du code du travail dispose que «la faute inexcusable de
l’employeur prévue à l’article L. 452-1 du code de la sécurité sociale est
présumée établie pour les salariés titulaires d’un contrat de travail à durée
déterminée, les salariés temporaires et les stagiaires en entreprise victimes
d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle alors qu’affectés à
des postes de travail présentant des risques particuliers pour leur santé ou
leur sécurité ils n’auraient pas bénéficié de la formation à la sécurité
renforcée prévue par l’article L. 4154-2 ».
L’article
L. 4154-2 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable, dispose :
« Les
salariés titulaires d’un contrat de travail à durée déterminée, les salariés
temporaires et les stagiaires en entreprise affectés à des postes de travail
présentant des risques particuliers pour leur santé ou leur sécurité
bénéficient d’une formation renforcée à la sécurité ainsi que d’un accueil et
d’une information adaptés dans l’entreprise dans laquelle ils sont employés.
La
liste de ces postes de travail est établie par l’employeur, après avis du
médecin du travail et du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de
travail ou, à défaut, des délégués du personnel, s’il en existe. Elle est tenue
à la disposition de l’inspecteur du travail ».
Il
résulte de ces dispositions que la présomption de faute inexcusable ne
s’applique pas du seul fait que l’accident du travail a été causé à un salarié
employé en contrat à durée déterminée. Elle ne joue que si le salarié en
contrat à durée déterminée a été affecté à un poste de travail présentant des
risques particuliers pour sa santé ou sa sécurité et n’a pas bénéficié de la
formation à la sécurité renforcée.
Il
incombe au salarié qui souhaite se prévaloir de la présomption simple de faute
inexcusable prévue à l’article L. 4154-3 du code du travail d’établir qu’il
était affecté au moment de son accident à un poste à risques.
En
l’occurrence, le poste de travail du salarié ne figurait pas sur la liste des
postes présentant des risques particuliers pour la santé ou la sécurité tenue à
la disposition de l’inspecteur du travail. Le salarié a donc dû rapporter la
preuve que le poste auquel il était affecté présentait des risques particuliers
pour sa santé et sa sécurité. En l’absence de preuve de l’affectation à un
poste de travail exposant à des risques particuliers pour sa santé ou sa
sécurité, le salarié n’a pas bénéficié de la présomption de faute inexcusable.
Preuve de la faute du producteur
La
faute inexcusable a été prouvée par le salarié. L’employeur est, en vertu du
contrat de travail qui le lie à son salarié, tenu envers ce dernier d’une
obligation de sécurité de résultat et que tout manquement à cette obligation
constitue une faute inexcusable au sens de l’article L. 452-1 du code de la
sécurité sociale lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du
danger auquel était exposé le salarié et qu’il n’a pas pris les mesures
nécessaires pour l’en préserver.
Il
est indifférent que la faute inexcusable commise par l’employeur n’ait pas été
la cause déterminante de l’accident survenu, mais il suffit qu’elle en ait été
une cause nécessaire pour que la responsabilité de l’employeur soit engagée,
alors même que d’autres fautes ont concouru au dommage.La preuve de la
faute inexcusable incombe au salarié qui l’invoque.
Le
transfert des techniciens des bateaux vers la plate-forme située en hauteur, au
moyen de cette nacelle, présente un risque de chute avérée, et ce d’autant plus
que la plate-forme est située en mer et soumise aux conditions climatiques
maritimes. Le risque de chute était un danger auxquels les salariés étaient
exposés lors des opérations d’embarquement-débarquement. L’absence d’anomalie
matérielle le jour de l’accident, alléguée par l’employeur, n’est pas de nature
à établir qu’il n’avait pas conscience du danger auquel le salarié était exposé
dès lors qu’un chute peut se produire même si le matériel est en parfait état,
si les mesures de sécurité adaptées n’ont pas été prises.
A
noter que le contrat de travail du salarié comportait bien une annexe signé par
lui, énonçant les consignes de sécurité. L’employeur qui avait lui-même
identifié le risque de chute des salariés lors des opérations de
transbordement, tel qu’il résulte des consignes de sécurité annexées au contrat
de travail du salarié, avait donc pleinement conscience du risque de chute.
Surtout, la sécurité au travail des salariés ne peut dépendre de seules consignes qui leur sont délivrées, mais dépend également des moyens matériels et humains prévus pour éviter toute réalisation d’un risque identifié. Télécharger la décision
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