Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Versailles
Thématique : Évaluation des Conditions de Prise en Charge d’un Accident du Travail
→ RésuméLe 1er mars 2018, un accident du travail impliquant Mme [M] [P] a été déclaré, suite à une douleur au bras gauche survenue le 27 février. Un certificat médical a confirmé une lésion musculo-tendineuse. La caisse primaire d’assurance maladie a initialement pris en charge l’accident, mais la société a contesté cette décision. Le tribunal de Nanterre a jugé inopposable la prise en charge, décision confirmée par la cour d’appel de Versailles, qui a souligné l’absence de preuve d’un événement soudain et a condamné la caisse aux dépens d’appel.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Cour d’appel de Versailles
RG n°
23/03542
DE
VERSAILLES
Code nac : 89A
Ch.protection sociale 4-7
ARRÊT N°
REPUTE CONTRADICTOIRE
DU 07 NOVEMBRE 2024
N° RG 23/03542 – N° Portalis DBV3-V-B7H-WH7S
AFFAIRE :
CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE LA LOIRE
C/
S.A.S. [7]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 09 Mai 2022 par le Pole social du TJ de NANTERRE
N° RG : 19/00908
Copies exécutoires délivrées à :
CPAM DE LA LOIRE
Me Florence FARABET ROUVIER
Copies certifiées conformes délivrées à :
CPAM DE LA LOIRE
S.A.S. [7]
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE SEPT NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE,
La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE LA LOIRE
[Adresse 2]
[Adresse 5]
[Localité 3]
non comparante, ni représentée
APPELANTE
****************
S.A.S. [7]
[Adresse 6]
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Florence FARABET ROUVIER de la SELARL AUMONT FARABET ROUVIER AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C0628
INTIMÉE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 10 Septembre 2024, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Marie-Bénédicte JACQUET, conseillère, faisant fonction de présidente, chargée d’instruire l’affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Marie-Bénédicte JACQUET, conseillère, faisant fonction de présidente,
Madame Aurélie PRACHE, présidente de chambre
Madame Charlotte MASQUART, conseillère,
Greffière, lors des débats et du prononcé : Madame Juliette DUPONT,
Le 1er mars 2018, la société [7] (la société) a déclaré, auprès de la caisse primaire d’assurance maladie de la Loire (la caisse), un accident survenu le 27 février 2018 au préjudice de Mme [M] [P] (la victime), exerçant en qualité d’ouvrier non qualifié, qui aurait ressenti une douleur au bras gauche en portant un sac.
Le certificat médical initial du 28 février 2018 fait état d’une ‘Epaule gauche : lésion musculo-tendineuse de la coiffe des rotateurs région deltoïdienne’.
Le 23 avril 2018, après réserves de la société et enquête de la caisse, celle-ci a pris en charge l’accident déclaré au titre de la législation sur les risques professionnels.
Sollicitant l’inopposabilité à son égard de la décision de prise en charge, la société a saisi la commission de recours amiable de la caisse qui, dans sa séance du 27 février 2019, a rejeté son recours.
La société a alors saisi le pôle social du tribunal de grande instance de Nanterre, devenu tribunal judiciaire de Nanterre.
Par jugement contradictoire en date du 9 mai 2022, le tribunal judiciaire de Nanterre, relevant que la caisse, qui ne comparaît pas, ne démontre pas avoir informé la société de la clôture de l’instruction, a :
– dit inopposable à la société la décision de la caisse de prendre en charge l’accident déclaré par la victime du 27 février 2018, au titre de la législation sur les risques professionnels ;
– condamné la caisse aux dépens.
Par déclaration du 20 juillet 2023, la caisse a interjeté appel et les parties ont été convoquées, après radiation en raison de l’absence de la caisse, à l’audience du 10 septembre 2024.
La caisse, bien que régulièrement convoquée, et après avoir adressé par courrier ses conclusions au greffe de la Cour en réinscription après radiation, n’a pas comparu ni sollicité de dispense de comparution, ni même adressé au greffe un quelconque courrier postérieur à sa convocation.
Par conclusions écrites, déposées et soutenues à l’audience, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, la société demande à la Cour de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions.
La société expose que la caisse a reçu l’ensemble des pièces le 7 mars 2018 et qu’elle aurait dû rendre une décision avant le 7 avril 2018 et non le 23 avril comme elle l’a fait ; qu’elle n’a donc pas respecté le délai de 30 jours pour rendre sa décision.
Elle ajoute que la caisse n’a pas respecté le délai de dix jours francs entre l’information de la clôture de l’instruction et la date de la décision afin de permettre à l’employeur de consulter les pièces lui faisant grief et de faire des observations ; que la caisse n’a pas respecté le délai pour l’informer de son besoin de recourir au délai réglementaire et qu’ainsi le délai de dix jours n’a pas été respecté.
Enfin, elle soutient que la caisse ne justifie pas du caractère professionnel de l’accident.
Sur l’oralité des débats
A titre liminaire, la cour relève que la caisse n’a comparu ni lors de l’audience devant le tribunal ni aux diverses audiences d’appel.
La cour rappelle à la caisse qu’en application de l’article R. 142-11 du code de la sécurité sociale et l’article 946 du code de procédure civile, la procédure d’appel est sans représentation obligatoire, orale et la cour ou le magistrat chargé d’instruire l’affaire peut, conformément au second alinéa de l’article 446-1, dispenser une partie qui en fait la demande de se présenter à une audience ultérieure. Dans ce cas, la cour ou le magistrat chargé d’instruire l’affaire organise les échanges entre les parties. La communication entre elles est faite par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par notification entre avocats et il en est justifié auprès de la cour ou du magistrat chargé d’instruire l’affaire dans les délais qu’elle impartit. A l’issue de la dernière audience, le greffe informe les parties de la date à laquelle la décision sera rendue.
En l’espèce, la caisse n’a pas sollicité une dispense de comparution et n’a donc pas été dispensée de comparaître. En conséquence, la cour ne peut tenir compte des conclusions ni des pièces produites par elle.
Sur le respect du principe du contradictoire et le délai de trente jours
Selon l’article R. 441-10 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au litige,
‘La caisse dispose d’un délai de trente jours à compter de la date à laquelle elle a reçu la déclaration d’accident et le certificat médical initial ou de trois mois à compter de la date à laquelle elle a reçu le dossier complet comprenant la déclaration de la maladie professionnelle intégrant le certificat médical initial et le résultat des examens médicaux complémentaires le cas échéant prescrits par les tableaux de maladies professionnelles pour statuer sur le caractère professionnel de l’accident ou de la maladie.
Il en est de même lorsque, sans préjudice de l’application des dispositions du chapitre Ier du titre IV du livre Ier et de l’article L. 432-6, il est fait état pour la première fois d’une lésion ou maladie présentée comme se rattachant à un accident du travail ou maladie professionnelle.
Sous réserve des dispositions de l’article R. 441-14, en l’absence de décision de la caisse dans le délai prévu au premier alinéa, le caractère professionnel de l’accident ou de la maladie est reconnu.’
Aux termes du premier alinéa de l’article R. 441-14 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au litige, lorsqu’il y a nécessité d’examen ou d’enquête complémentaire, la caisse doit en informer la victime ou ses ayants droit et l’employeur avant l’expiration du délai prévu au premier alinéa de l’article R. 441-10 par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. A l’expiration d’un nouveau délai qui ne peut excéder deux mois en matière d’accidents du travail ou trois mois en matière de maladies professionnelles à compter de la date de cette notification et en l’absence de décision de la caisse, le caractère professionnel de l’accident ou de la maladie est reconnu.
Il résulte de ces textes que l’inobservation du délai dans la limite duquel doit statuer la caisse n’est sanctionnée, faute de notification de la prolongation du délai d’instruction, que par la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie, dont seule la victime peut se prévaloir (2e Civ., 7 janvier 2021, n° 19-24.697, F-D)
Il s’ensuit que le retard mis par la caisse à envoyer un courrier relatif à la prolongation des délais d’instruction ne saurait entraîner une inopposabilité de sa décision de prise en charge mais n’aurait pu qu’aboutir à une prise en charge automatique de l’accident du travail dont seule la victime peut se prévaloir.
En conséquence, le moyen tiré du non respect du délai de trente jours prévu à l’article R. 441-10 susvisé sera rejeté.
Sur le respect du principe du contradictoire et le délai de dix jours
L’article R. 441-14 alinéa 3 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009 dispose que dans les cas prévus au dernier alinéa de l’article R. 441-11, la caisse communique à la victime ou à ses ayants droit et à l’employeur au moins dix jours francs avant de prendre sa décision, par tout moyen permettant d’en déterminer la date de réception, l’information sur les éléments recueillis et susceptibles de leur faire grief, ainsi que sur la possibilité de consulter le dossier mentionné à l’article R. 441-13.
Si le tribunal, comme la Cour, ont constaté que la caisse n’était pas présente et qu’il n’était pas possible de prendre en compte ses pièces justificatives, la société ne conteste pas la réception du courrier l’informant de la fin de l’instruction, de la possibilité de consulter les pièces du dossier et de formuler des observations dans un délai supérieur à dix jours avant la décision de la caisse.
La société ajoute que la caisse a bien produit le courrier du 3 avril 2019.
Elle l’estime seulement sans objet du fait de l’absence d’information de la mise en oeuvre du délai de prolongation.
En conséquence, l’irrégularité de la notification de la prolongation de l’instruction étant sans conséquence sur la régularité de la procédure, il convient de constater que la caisse a respecté le principe du contradictoire.
Sur la matérialité de l’accident
Il résulte de l’article L. 411-1 du code de la sécurité sociale que l’accident survenu au temps et au lieu du travail est présumé être un accident du travail, sauf à établir que la lésion a une cause totalement étrangère au travail.
Pour que la présomption d’accident du travail trouve à s’appliquer, il convient cependant que la caisse démontre la matérialité d’un fait soudain survenu au temps et au lieu du travail.
Les déclarations de la victime ne suffisent pas à elles seules à établir le caractère professionnel de l’accident.
En l’espèce, la société a, concomitamment à la déclaration d’accident du travail, adressé des réserves quant au caractère professionnel de l’accident déclaré par la victime.
La société invoque :
– l’absence de témoins
– la victime avait reconnu avoir cette douleur plusieurs jours auparavant
– la victime a poursuivi sa journée de travail jusqu’à son terme.
La caisse a procédé à une enquête par l’envoi de questionnaires.
La société a exposé que la victime manutentionnait des masquages d’un poids d’environ 5 kg (moules de masquage) et travaillait dans un atelier où se trouvaient plusieurs personnes.
Elle ajoute que la victime se serait présentée le lendemain sur son poste de travail en demandant à une collègue de se porter témoin des faits, ce que la personne a refusé de faire.
Deux témoins (Mme [S] et Mme [W]) travaillant le jour des faits avec la victime ont attesté ne pas avoir été témoins d’un accident ni avoir été informés d’un tel événement le jour des faits. Ces deux salariées ajoutent qu’elles ont eu connaissance de ce que la victime se plaignait déjà de douleurs au bras gauche les jours précédant l’accident du travail.
Les constatations du médecin lors de la rédaction du certificat médical initial le lendemain des faits invoqués ne permettent pas de savoir si les lésions résultent d’un fait brutal et soudain la veille ou si elles proviennent d’un état antérieur.
En conséquence, en l’absence de preuve d’un événement brusque et soudain à l’origine des douleurs dont s’est plainte la victime plusieurs jours auparavant et des lésions constatées, la caisse ne rapporte pas la preuve de la matérialité d’un fait accidentel et le jugement, qui a déclaré inopposable à la société la décision de la caisse de prise en charge de l’accident subi par la victime sera confirmé en toutes ses dispositions, par substitution de motifs.
Sur les dépens
La caisse, qui succombe à l’instance, est condamnée aux dépens d’appel.
La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et par mise à disposition au greffe,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Condamne la caisse primaire d’assurance maladie de la Loire aux dépens d’appel ;
Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Marie-Bénédicte JACQUET, conseillère, faisant fonction de présidente, et par Madame Juliette DUPONT, greffière, à laquelle la magistrate signataire a rendu la minute.
La greffière La conseillère
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