Cour d’appel de Versailles, 6 janvier 2025, RG n° 22/01632
Cour d’appel de Versailles, 6 janvier 2025, RG n° 22/01632

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Versailles

Thématique : Rupture contractuelle et obligations de l’employeur en période de crise sanitaire

Résumé

Présentation de la société Codiv Enquêtes Privées

La société Codiv Enquêtes Privées est une SAS immatriculée au RCS de Versailles, spécialisée dans les services d’enquête et d’investigation pour les particuliers et les professionnels. Elle emploie moins de 11 salariés.

Engagement de Mme [B]

Mme [B] a été engagée par la société Codiv Enquêtes Privées en tant qu’enquêteur privé à temps complet par un contrat de travail à durée indéterminée, à compter du 14 février 2018. Elle travaillait principalement en télétravail, avec une durée de travail de 35 heures par semaine et un salaire brut moyen de 3 360,15 euros par mois.

Contexte de l’arrêt de travail

À partir de mars 2020, la société a mis en place l’activité partielle en raison de l’état d’urgence sanitaire lié à la Covid-19. Mme [B] a été en arrêt de travail pour maladie du 19 juin au 27 août 2020, puis en congé maternité du 28 août au 17 décembre 2020, et à nouveau en arrêt de travail pour maladie jusqu’au 30 septembre 2021.

Prise d’acte de rupture du contrat de travail

Le 6 juillet 2021, Mme [B] a notifié à son employeur la prise d’acte de la rupture de son contrat de travail, invoquant plusieurs manquements de l’employeur, notamment le non-versement d’indemnités spécifiques de télétravail et des erreurs dans le calcul de son salaire.

Demande auprès du conseil de prud’hommes

Mme [B] a saisi le conseil de prud’hommes de Rambouillet le 30 juillet 2021, demandant que la rupture de son contrat soit considérée comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Jugement du conseil de prud’hommes

Le 15 avril 2022, le conseil de prud’hommes a jugé que la prise d’acte était assimilable à une démission et a débouté Mme [B] de la plupart de ses demandes, tout en lui accordant une prime de télétravail de 56,21 euros et 5 000 euros de dommages et intérêts pour préjudice matériel.

Appel de la société Codiv Enquêtes Privées

La société Codiv Enquêtes Privées a interjeté appel du jugement le 18 mai 2022, contestant les condamnations financières et demandant la confirmation de sa position.

Décision de la cour d’appel

La cour a confirmé la décision du conseil de prud’hommes concernant la prime de télétravail, tout en infirmant la condamnation pour dommages et intérêts, considérant que l’employeur n’avait pas commis de manquement en ce qui concerne les attestations de salaire.

Conclusion sur les dépens

La cour a décidé que chaque partie supporterait ses propres dépens et a débouté la société de sa demande d’indemnisation au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

Chambre sociale 4-3

ARRÊT N°

RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE

DU 06 JANVIER 2025

N° RG 22/01632 –

N° Portalis DBV3-V-B7G-VGNZ

AFFAIRE :

S.A.S. CODIV ENQUETES PRIVEES RCS VERSAILLES

C/

[V] [B]

Décision déférée à la cour : Jugement rendue le 15 Avril 2022 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de RAMBOUILLET

N° Chambre :

N° Section : AD

N° RG : 21/00157

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Ariane MINEUR

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SIX JANVIER DEUX MILLE VINGT CINQ,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

S.A.S. CODIV ENQUETES PRIVEES RCS VERSAILLES

N° SIRET : 808 322 887

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Me Ariane MINEUR de l’AARPI META, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J144

APPELANTE

****************

Madame [V] [B]

née le 21 Juin 1984 à [Localité 5] (93)

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 4]

INTIMÉE- Défaillante, déclaration d’appel signifiée par acte d’huissier de justice du 12 juillet 2022 à personne physique

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 05 Décembre 2024 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Aurélie GAILLOTTE, Conseillère chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Laurence SINQUIN, Présidente,

Mme Florence SCHARRE, Conseillère,

Madame Aurélie GAILLOTTE, Conseillère,

Greffier lors des débats : Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI,

FAITS ET PROCÉDURE

La société Codiv Enquêtes Privées est une société par actions simplifiée (SAS) immatriculée au registre du commerce et des sociétés (RCS) de Versailles sous le n° 808 322 887.

La société Codiv Enquêtes Privées a pour activité l’exécution de prestations de services d’enquête et d’investigation en matière civile, commerciale, de direction et gestion d’entreprise, à destination des particuliers et des professionnels. Elle emploie moins de 11 salariés.

Par contrat de travail à durée indéterminée en date du 13 février 2018, Mme [V] [B] a été engagée par la société Codiv Enquêtes Privées en qualité d’enquêteur privé à temps complet, statut employé, à compter du 14 février 2018.

Au dernier état de la relation de travail, Mme [B] exerçait essentiellement ses fonctions en télétravail, était soumise à une durée du travail de 35 heures hebdomadaires et percevait un salaire moyen brut de 3 360,15 euros par mois, comprenant une part variable de rémunération indexée sur des objectifs. (Cf. Conclusions d’appelant ‘ p. 3)

Les relations contractuelles étaient régies par les dispositions de la convention collective nationale du personnel des prestataires de services dans le domaine du secteur tertiaire.

A compter du mois de mars 2020, la société Codiv Enquêtes Privées a eu recours au dispositif gouvernemental d’activité partielle, proposé dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire lié à l’épidémie de la Covid-19.

Du 19 juin au 27 août 2020, Mme [B] a été placée en arrêt de travail pour cause de maladie.

Du 28 août au 17 décembre 2020, Mme [B] a bénéficié d’un congé maternité.

Du 18 décembre 2020 au 30 septembre 2021, Mme [B] a été placée en arrêt de travail pour cause de maladie.

Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 6 juillet 2021, Mme [B] a, par l’intermédiaire de son conseil, notifié à la société Codiv Enquêtes Privées la prise d’acte de la rupture de son contrat de travail, en ces termes :

« [‘] Par la présente et en ma qualité d’avocat de Madame [B], au nom et pour le compte de ma cliente, je vous informe de la prise d’acte de la rupture de son contrat de travail en raison des violations de vos obligations d’employeur à son égard :

NON VERSEMENT DE L’INDEMNITÉ SPÉCIFIQUE DE TELETRAVAIL :

EN AVRIL 2020 :

Vous ne lui avez versé que la somme de 3,50 euros sur 35 euros (montant forfaitaire allocation spécifique télétravail) en Avril 2020. Vous lui devez donc 31,50 euros.

EN MAI 2020 :

Vous ne lui avez versé que la somme de 10,29 euros sur 35 euros (montant forfaitaire allocation spécifique télétravail) en Mai 2020. Vous lui devez donc 24,71 euros.

NON VERSEMENT CORRECT DE MON SALAIRE

Vous n’avez pas versé le complément de salaire en Avril 2020, alors que Madame [B] travaillait même si vous l’aviez placé en chômage partiel : vous lui devez donc 180 euros au titre de son salarie, ainsi que les congés payés y afférents pour 18,00 euros.

Vous n’avez pas versé le complémentaire de salaire en Mai 2020, alors que Madame [B] travaillait même si vous l’aviez placée en chômage partiel : vous lui devez donc 528,75 euros au titre de son salaire, ainsi que les congés payés y afférents pour 52,87 euros.

Je vous remercie en conséquence de rectifier ses bulletins de salaires et me les adresser.

SUR LES MENTIONS LÉGALES CONCERNANT LES HEURES TRAVAILLÉES

En Mars, Avril et Mai 2020, j’ai travaillé 151,67 heures.

Or sur ses bulletins de salaires :

Vous indiquez qu’elle aurait été au chômage partiel pour Mars 2021 pour 61,60 heures, c’est complètement faux puisqu’elle a toujours travaillé.

Vous indiquez qu’elle aurait été au chômage partiel pour Avril 2021 pour 138,60 heures, c’est complètement faux puisqu’elle a toujours travaillé.

Vous indiquez qu’elle aurait été au chômage partiel pour Mai 2021 pour 107,10 heures, c’est complètement faux, puisqu’elle a toujours travaillé.

Je vous remercie en conséquence de rectifier ses bulletins de salaire et me les adresser.

SUR LES MONTANTS BRUTS TOTALEMENT ERRONÉS DE MES FICHES DE PAIE

En Mars 2020, vous indiquez un brut de 2.821,94 euros et un net de 3.187,44 euros

En Avril 2020, vous indiquez un brut de 183,50 euros et un net de 2.190,96 euros

En Mai 2020, vous indiquez un brut de 539,24 euros et un net de 2.054,06 euros

Je vous remercie en conséquence de rectifier ses bulletins de salaire et me les adresser.

SUR LES ATTESTATIONS DE SALAIRE

Vous lui avez transmis deux attestations de salaires, pour les mois de Mars, avril et mai 2021, différentes l’une de l’autre.

En effet, les montants sont très différents de l’une à l’autre.

Enfin et ce qui lui est gravement préjudiciable et que vous n’avez pas voulu corriger, malgré ses demandes, vous mentionnez des sommes totalement erronées en brut, et en conséquence, elle a été gravement pénalisée par rapport aux sommes qu’elle a perçues de l’assurance maladie.

Les faits ci-dessus énoncés dont la responsabilité vous incombe entièrement la contraignent à vous notifier par la présente prise d’acte de la rupture de son contrat de travail. [‘] »

Par requête introductive reçue au greffe le 30 juillet 2021, Mme [B] a saisi le conseil de prud’hommes de Rambouillet d’une demande tendant à ce que la prise d’acte de la rupture de son contrat de travail soit jugée comme étant intervenue aux torts de l’employeur et produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par jugement rendu le 15 avril 2022, auquel renvoie la cour pour l’exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud’hommes de Rambouillet a :

– dit et jugé la moyenne de salaire de Mme [V] [B] à 3 360,15 euros

– dit et jugé la prise d’acte assimilable à une démission

– débouté Mme [V] [B] sur ses demandes :

* au titre d’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* au titre d’indemnité légale de licenciement,

* au titre d’indemnités de préavis,

* au titre des congés payés afférents,

* au titre de rappel de salaire pour mars 2020,

* au titre de rappel de salaire pour avril 2020,

* au titre de rappel de salaire pour mai 2020,

* au titre de rappel de salaire pour juin 2020,

* au titre de rappel de congés payés y afférents,

* au titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,

* au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

– condamné la société Codiv Enquêtes Privées à verser à Mme [V] [B] les sommes de :

* 56,21 euros au titre de la prime de télétravail ;

* 5 000,00 euros au titre des dommages et intérêts pour préjudice matériel.

– ordonné la remise des attestations de salaire rectifiées à destination de la Caisse d’Assurance Maladie ainsi que les bulletins de salaire d’avril et mai 2020 et documents de fin de contrat sous astreinte de 100,00 euros par jour de retard à compter du lendemain de la date de mise à disposition du présent jugement, soit le 16 avril 2022 ;

– débouté les parties de toutes autres demandes différentes, plus amples ou contraires au présent dispositif ;

– dit que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens.

Par déclaration d’appel reçue au greffe le 18 mai 2022, la société Codiv Enquêtes Privées a interjeté appel de ce jugement.

La déclaration d’appel, ainsi que les conclusions d’appelant ont été signifiées à Mme [B] par acte de commissaire de justice en date du 12 juillet 2022, dans le délai d’un mois à compter de l’avis du greffe notifié le 23 juin 2022.

Mme [B] n’a pas constitué avocat.

La clôture de l’instruction a été prononcée le 6 novembre 2024.

MOYENS ET PRÉTENTIONS

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le RPVA le 11 juillet 2022, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens et prétentions conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la société Codiv Enquêtes Privées, appelante, demande à la cour de :

– déclarer la société Codiv Enquêtes Privées recevable et bien fondée en son appel ;

– infirmer le jugement rendu le 15 avril 2022 par le conseil de prud’hommes de Paris (sic) en ce qu’il a :

* condamné la société Codiv Enquêtes Privées à verser à Mme [B] les sommes de :

o 56,21 euros au titre de la prime de télétravail,

o 5 000 euros au titre des dommages et intérêts pour préjudice matériel ;

* Ordonné la remise des attestations de salaire rectifiées à destination de la caisse d’assurance maladie ainsi que les bulletins de salaire d’avril et mai 2020 et documents de fin de contrat sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du lendemain de la date de mise à disposition du présent jugement, soit le 16 avril 2022 ;

– condamner Mme [V] [B] aux entiers dépens, et à verser à la société Codiv Enquêtes Privées la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt réputé contradictoire, en dernier ressort et prononcé par mise à disposition au greffe, dans la limite de l’appel :

CONFIRME le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la société Codiv Enquêtes Privées à verser à Mme [B] la somme de 56,21 euros au titre de la prime de télétravail, et ordonné sous astreinte la remise des bulletins de salaire d’avril et mai 2020 rectifiés au regard du montant de cette prime,

INFIRME le jugement déféré en ce qu’il a condamné la société Codiv Enquêtes Privées à verser à Mme [B] la somme de 5 000 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice matériel et ordonné la remise des attestations de salaire rectifiées à destination de la caisse d’assurance maladie afin que la salariée puisse faire valoir ses droits auprès de la caisse, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du lendemain de la date de mise à disposition du présent jugement, soit le 16 avril 2022,

Y ajoutant,

DÉBOUTE la société Codiv Enquêtes privées de sa demande formulée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

DIT que chaque partie supportera la charge de ses dépens.

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Laurence SINQUIN, Présidente et par Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière La Présidente

 


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