Cour d’appel de Versailles, 6 janvier 2025, RG n° 22/01130
Cour d’appel de Versailles, 6 janvier 2025, RG n° 22/01130

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Versailles

Thématique : Licenciement et Validité des Sanctions Disciplinaires : Enjeux de la Cause Réelle et Sérieuse

Résumé

Contexte de l’affaire

La société Entreprise Sociale pour l’Habitat Domnis, immatriculée à Paris, est spécialisée dans la construction et la gestion d’immeubles d’habitation à loyer modéré. Elle emploie plus de 11 salariés, dont M. [S] [L], engagé en tant que gardien d’immeuble hautement qualifié depuis le 2 septembre 2013. M. [L] et sa femme exerçaient leurs fonctions dans deux résidences, percevant une rémunération mensuelle brute de 1 646 euros, incluant un logement de fonction.

Sanctions disciplinaires et licenciement

Après un rappel à l’ordre en janvier 2015, M. [L] a reçu une mise à pied disciplinaire de trois jours en décembre 2015. En mars 2016, il a été convoqué à un entretien préalable à un licenciement potentiel. Le 20 avril 2016, la société a notifié son licenciement pour faute, invoquant de nombreuses erreurs dans le traitement des travaux et un manque de rigueur dans le suivi des dossiers des locataires, malgré des remarques répétées de la hiérarchie.

Procédure judiciaire

M. [L] a saisi le conseil de prud’hommes de Montmorency en avril 2018, demandant que son licenciement soit jugé sans cause réelle et sérieuse. Le jugement rendu en mars 2022 a débouté M. [L] de toutes ses demandes, tout en déclarant la sanction disciplinaire prescrite. M. [L] a interjeté appel de cette décision.

Arguments des parties

M. [L] a soutenu que la mise à pied était sans effet en raison d’une notification non conforme et que les faits reprochés ne constituaient pas une faute disciplinaire. Il a également contesté la légitimité de son licenciement, arguant que les erreurs étaient ponctuelles et que la société n’avait pas fourni de formation adéquate. En revanche, la société a justifié le licenciement par des négligences répétées et des erreurs documentées, soutenant que la poursuite de la relation de travail était impossible.

Décision de la cour

La cour a confirmé le jugement des prud’hommes, considérant que les éléments de preuve fournis par la société démontraient des manquements sérieux de M. [L]. Elle a également rejeté la demande de dommages-intérêts pour préjudice moral, estimant que la rupture de la relation de travail était une conséquence inhérente au licenciement. M. [L] a été condamné à payer des frais à la société sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

Chambre sociale 4-3

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 06 JANVIER 2025

N° RG 22/01130 –

N° Portalis DBV3-V-B7G-VDXP

AFFAIRE :

[S] [L]

C/

S.A. ENTREPRISE SOCIALE POUR L’HABITAT DOMNIS

Décision déférée à la cour : Jugement rendue le 07 Mars 2022 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MONTMORENCY

N° Section : C

N° RG : 18/00287

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Anne-sophie REVERS

Me Antoine GROU

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SIX JANVIER DEUX MILLE VINGT CINQ,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Monsieur [S] [L]

né le 07 Août 1981 à [Localité 5]

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentant : Me Anne-sophie REVERS, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 4

Plaidant : Me Valérie BOREK-CHRETIEN, avocat au barreau d’AMIENS, vestiaire : 68

APPELANT

****************

S.A. ENTREPRISE SOCIALE POUR L’HABITAT DOMNIS

N° SIRET : 592 001 648

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentant : Me Antoine GROU, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1083

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 05 Novembre 2024 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Laurence SINQUIN, Présidente chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Laurence SINQUIN, Présidente,

Mme Florence SCHARRE, Conseillère,

Madame Aurélie GAILLOTTE, Conseillère,

Greffier lors des débats : Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI,

FAITS ET PROCÉDURE

La société Entreprise Sociale pour l’Habitat Domnis est une société anonyme (SA) immatriculée au registre du commerce et des sociétés (RCS) de Paris sous le n° 592 001 648.

La société Entreprise Sociale pour l’Habitat Domnis a pour activités la construction et la gestion d’immeubles d’habitation à loyer modéré.

Elle emploie plus de 11 salariés.

Par contrat à durée indéterminée en date du 26 août 2013, M. [S] [L] a été engagé par la société Entreprise Sociale pour l’Habitat Domnis, venant aux droits de la société Le Foyer Pour Tous, en qualité de gardien d’immeuble hautement qualifié, à compter du 2 septembre 2013.

Au dernier état de la relation de travail, M. [L] et sa femme, Mme [J] [M], exerçaient leurs fonctions au sein de la résidence Nungesser et Coli située à [Localité 6], ainsi qu’au sein de la résidence l’Oiseau Blanc, située [Adresse 7] dans la même ville.

M. [L] percevait une rémunération moyenne brute de 1 646 euros par mois, comprenant la mise à disposition d’un logement de fonction.

Les relations contractuelles étaient régies par les dispositions de la convention collective nationale des gardiens, concierges et employés d’immeubles.

Après un rappel à l’ordre le 25 janvier 2015, la société Entreprise Sociale pour l’Habitat Domnis a notifié aux époux [L], par courrier simple daté du 23 décembre 2015, une mise à pied disciplinaire d’une durée de trois jours.

Par courrier daté du 25 mars 2016, la société Entreprise Sociale pour l’Habitat Domnis a convoqué

M. [L] à un entretien préalable à une sanction pouvant aller jusqu’au licenciement.

L’entretien s’est tenu le 5 avril 2016.

Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 20 avril 2016, la société Entreprise Sociale pour l’Habitat Domnis a notifié à M. [L] son licenciement pour faute, en ces termes :

« (…) les motifs de ce licenciement sont les suivants :

– De nombreuses erreurs constatées, à nouveau, dans le traitement et le suivi des travaux malgré les remarques répétées de hiérarchie

Dans le cadre de votre contrat, vous êtes chargé d’établir et de suivre les bons de travaux sur informatique et de gérer les travaux courants. Pourtant, nous constatons de nombreux manquements, malgré les remarques de votre hiérarchie.

Ainsi, depuis le 5 février 2016 de multiples erreurs ont été observées, telles que :

– Travaux réalisés sans bon de travaux préalable

– Bons de travaux édités en double

– Erreurs de saisie

– Informations non communiquées ou transmises tardivement à la hiérarchie

– Retards dans l’édition des bons de travaux et la réalisation des prestations

Le suivi des travaux faisait pourtant partie des axes d’amélioration définis dans vos entretiens d’évaluation 2014 et 2015. Par ailleurs, ce point avait, une nouvelle fois, été relevé dans le cadre de la sanction qui vous a notifiée le 23 décembre 2015. Malgré cela, de nouveaux manquements ont été observés.

De la même façon, malgré les instructions et les remarques répétées de votre hiérarchie ainsi que les formations destinées, notamment, à faciliter la saisie des données, vous ne remplissez pas pleinement ces missions de saisies (…).

Le manque de réactivité dans le traitement des dossiers et les manquements répétés, qui génèrent une importante perte de temps, sont susceptibles de nuire à l’image de l’entreprise et de conduire à des dépenses injustifiées générant des pertes financières pour l’entreprise (…).

– Une légèreté et un manque de rigueur répétés dans le traitement des dossiers des locataires

Dans le cadre de votre contrat, vous êtes chargé d’assurer le suivi des dossiers des locataires notamment en ce qui concerne :

– les états de lieux,

– la visite des logements vacants aux candidats locataires,

– l’accueil des nouveaux locataires et information de ceux-ci sur la vie de la résidence,

– le recensement et le suivi des assurances locataire sur informatique,

– le suivi des réclamations locataires (réception, analyse et solution, etc.) et la répercussion de celles-ci aux services concernés (Service Patrimoine et/ou Service Commercial) le cas échéant,

– les relevés des compteurs d’eau froide.

Malgré cela, pendant la période du 4 février au 24 mars 2016, de nombreux manquements ont été constatés :

– Manque de rigueur et de suivi lors de la réalisation d’un état des lieux entraînant un surcoût pour l’entreprise pour des travaux légitimement à la charge du locataire mais ne lui ayant pas été imputés,

– Erreur lors de la visite d’un logement ayant conduit au désistement d’un candidat locataire et entraînant potentiellement un allongement de la période de vacance et donc une perte de loyer

– Manque d’organisation dans le suivi et la communication des pièces issues des dossiers de locataires,

– Erreur dans la saisie des données identifiant les boxes, entraînant une confusion au moment de l’attribution,

– Absence de suivi des assurances des locataires entraînant un risque juridique et financier pour l’entreprise,

– Erreurs répétées dans la saisie des consommations des compteurs d’eau, malgré la formation dispensée le 5 mars 2015 (…), entraînant, notamment, un risque, pour les locataires, de se voir appliquer des forfaits injustifiés

Nous vous rappelons votre légèreté et votre manque de rigueur dans le traitement des dossiers avaient déjà été relevés dans le cadre de la sanction notifiée le 23 décembre 2015.

Outre les nombreux allers-retours et la perte de temps au sein de DOMNIS, nous déplorons que vous ne remplissiez pas pleinement ces missions. Cette situation nuit à la qualité de service, à la satisfaction des locataires et peut également contribuer à accroître la vacance, source de manque à gagner important pour l’entreprise.

Les erreurs – fréquentes et répétées ‘, et l’absence de prise en compte des remarques formulées par votre hiérarchie qui caractérise un refus de prendre en compte les instructions de votre employeur ne sont pas acceptables et entravent le bon fonctionnement de l’entreprise.

Lors de l’entretien vous avez reconnu les faits et n’avez donné aucune justification à votre attitude.

Dans ces conditions, nous sommes contraints de mettre un terme à notre collaboration pour faute simple. (…)

Par requête introductive reçue au greffe le 23 avril 2018, M. [L] a saisi le conseil de prud’hommes de Montmorency d’une demande tendant à ce que son licenciement pour faute soit jugé comme étant sans cause réelle et sérieuse.

Par jugement rendu le 7 mars 2022, auquel renvoie la cour pour l’exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud’hommes de Montmorency a :

– débouté M. [S] [L] de l’intégralité de ses demandes ;

– débouté la société Entreprise Sociale pour l’Habitat Domnis de sa demande d’irrecevabilité ;

– débouté la société Entreprise Sociale pour l’Habitat Domnis de sa demande de prescriptions liée au licenciement de M. [S] [L] ;

– dit que la sanction disciplinaire du 23 décembre 2015 est prescrite ;

– débouté la société Entreprise Sociale pour l’Habitat Domnis de ses demandes reconventionnelles ;

– laissé les dépens à la charge des parties.

Par déclaration d’appel reçue au greffe le 7 avril 2022, M. [L] a interjeté appel de ce jugement.

La clôture de l’instruction a été prononcée le 18 septembre 2024.

MOYENS ET PRÉTENTIONS

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le RPVA le 5 juillet 2022, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens et prétentions conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, M. [S] [L], appelant, demande à la cour de :

– déclarer M. [S] [L] recevable et bien fondé en son appel ;

– réformer le jugement entrepris en ce qu’il a :

* dit que la sanction disciplinaire du 23 décembre 2015 était prescrite ;

* débouté M. [S] [L] de l’intégralité de ses demandes ;

* débouté M. [S] [L] de son action en nullité de la sanction disciplinaire prise à son encontre le 23 décembre 2015 ;

* déclaré que le licenciement de M. [S] [L] est justifié et n’est pas dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

* débouté M. [S] [L] de sa demande d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

* débouté M. [S] [L] de sa demande d’indemnité au titre du préjudice moral qu’il a subi ;

* débouté M. [S] [L] de sa demande d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

* laissé les dépens à la charge des parties.

Statuant à nouveau :

– juger que l’action en contestation de la mise à pied disciplinaire du 23 décembre 2015 de M. [S] [L] n’est pas prescrite comme reposant sur une demande de remboursement de salaire du fait de l’absence de notification de la mise à pied disciplinaire ;

– juger que la sanction disciplinaire du 23 décembre 2015 est nulle comme étant injustifiée et en tout cas mal fondée ;

– condamner la société Entreprise Sociale pour l’Habitat Domnis à payer à M. [S] [L] la somme de 220,19 euros brute en remboursement des salaires perçus à tort pour la période des 20, 21 et 22 janvier 2016 ressortant de la mise à pied conservatoire injustifiée ;

– juger que le licenciement de M. [S] [L] est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

– condamner la société Entreprise Sociale pour l’Habitat Domnis à payer à M. [S] [L] la somme de 19 752,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse correspondant à 12 mois de salaire ;

– condamner la société Entreprise Sociale pour l’Habitat Domnis à payer à M. [S] [L] :

* la somme de 3 000,00 euros à titre d’indemnité pour compenser le préjudice moral subi ;

* la somme de 3 000,00 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens de première instance et d’appel ;

– ordonner à la société Entreprise Sociale pour l’Habitat Domnis de remettre à M. [S] [L], et ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du 8ème jour de la notification de l’arrêt à intervenir, l’attestation Pôle Emploi conforme à la décision à intervenir ;

– condamner la société Entreprise Sociale pour l’Habitat Domnis à rembourser à Pôle Emploi du lieu du domicile de M. [L] la totalité des indemnités de chômage payées à son bénéfice du jour de son licenciement au jour de la décision à intervenir ;

– débouter la société Entreprise Sociale pour l’Habitat Domnis de toutes ses demandes contraires ou plus amples ;

– rappeler l’exécution provisoire de l’arrêt à intervenir.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le RPVA le 23 septembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la société Entreprise Sociale pour l’Habitat Domnis, intimée, demande à la cour de :

– constater la prescription du délai de saisine concernant l’action à l’encontre de la mise à pied à titre disciplinaire ;

– constater les négligences, l’inorganisation, le manque d’intérêt pour son travail de la part de

M. [L] ;

– constater l’absence d’un quelconque élément de preuve relatif au préjudice lié au licenciement ;

– constater l’absence d’un quelconque élément de preuve relatif au préjudice moral ;

Par conséquent,

– confirmer le jugement en ce qu’il a jugé que M. [L] est déchu de son droit d’agir en justice à l’encontre de la sanction disciplinaire prononcé par société Entreprise Sociale pour l’Habitat Domnis le 23 décembre 2015 ;

– confirmer le jugement en ce qu’il a jugé le licenciement de M. [L] pour faute simple fondé ;

– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté de M. [L] de l’ensemble de ses demandes ;

– condamner M. [L] à payer la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner M. [L] aux entiers dépens.

La clôture de l’instruction a été prononcée le 18 septembre 2024.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort et prononcé par mise à disposition au greffe:

CONFIRME le jugement du conseil des prud’hommes en ce qu’il a déclaré prescrite l’action en nullité de la sanction disciplinaire du 23 décembre 2015 et débouté M. [L] de l’intégralité de ses

demandes ;

Y ajoutant ;

VU l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. [L] à payer à la société Entreprise Sociale pour l’Habitat Domnis la somme de 800 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. [L] aux dépens.

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Laurence SINQUIN, Présidente et par Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière La Présidente

 


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Chat Icon