Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Versailles
Thématique : Confiance rompue et responsabilités financières en question
→ RésuméContexte de l’affaireLa société à responsabilité limitée Land scale architecture, spécialisée dans l’architecture et l’urbanisme, a engagé une assistante de direction en mars 2018. Cette employée, en charge de responsabilités administratives et financières, a été licenciée pour faute grave en mai 2023, suite à des détournements de fonds. Licenciement pour faute graveLe licenciement de l’assistante de direction a été motivé par des anomalies comptables révélées par le cabinet comptable de la société. Il a été établi qu’elle avait détourné un montant total de 41 216,16 euros, dont 37 968,16 euros restaient dus au moment de son licenciement. Les investigations ont montré qu’elle avait abusé des autorisations de virements pour se verser des sommes indûment. Procédure judiciaireLe tribunal de commerce a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’encontre de la société Land scale architecture en octobre 2023. La société a ensuite saisi le conseil de prud’hommes pour obtenir le remboursement des sommes détournées. Cependant, l’assistante de direction n’était pas présente lors de l’audience, et le conseil de prud’hommes s’est déclaré incompétent. Appel et évocation du litigeLe liquidateur de la société a interjeté appel de l’ordonnance de référé et a demandé l’évocation du fond du litige. La cour d’appel a jugé que le conseil de prud’hommes était compétent pour statuer sur la demande de remboursement des sommes détournées, et a décidé d’évoquer le fond du litige en raison de la défaillance de l’assistante de direction. Décision de la cour d’appelLa cour a condamné l’assistante de direction à rembourser la somme de 37 968,16 euros au liquidateur de la société, en raison des détournements effectués. De plus, elle a laissé à sa charge les dépens d’appel et a ordonné le paiement d’une somme de 1 200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour l’intégralité de la procédure. |
COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80H
Chambre sociale 4-2
ARRET N°
PAR DEFAUT
DU 06 FÉVRIER 2025
N° RG 24/00865
N° Portalis DBV3-V-B7I-WNEU
AFFAIRE :
Me [N] [O] [U] en qualité de liquidateur de la S.A.R.L. LAND SCALE ARCHITECTURE
C/
[M] [F]
Décision déférée à la cour : appel sur une ordonnance de référé rendue le 09 février 2024 par le Conseil de Prud’hommesde NANTERRE
Formation: Référé
N° RG : 23/00295
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Georges FERREIRA
le :
Copies certifiée conforme délivrée à :
Me [N] [O] [U]
Mme [M] [F]
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE SIX FÉVRIER DEUX MILLE VINGT CINQ,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
APPELANTE
Me [N] [O] [U] de la SELARL [U] en qualité de liquidateur de la S.A.R.L. LAND SCALE ARCHITECTURE
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentant : Me Georges FERREIRA de la SELARL DS L’ORANGERIE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : 484
Substitué par Me Alexandra FERREIRA de la SELARL DS L’ORANGERIE, avocat au barreau de VERSAILLES
****************
INTIMEE
Madame [M] [F]
née le 20 août 1987 [Localité 6]
[Adresse 3]
[Localité 5]
Défaillante, déclaration d’appel signifiée par commissaire de justice à étude le 3 octobre 2024.
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 08 novembre 2024 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés devant Madame Isabelle CHABAL, conseillère chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Catherine BOLTEAU-SERRE, présidente,
Madame Valérie DE LARMINAT, conseillère,
Madame Isabelle CHABAL, conseillère,
Greffière en préaffectation lors des débats : Madame Victoria LE FLEM,
EXPOSE DU LITIGE
La société à responsabilité limitée Land scale architecture, dont le siège social était situé [Adresse 1] à [Localité 7], dans le département des Hauts-de-Seine, avait pour activité l’exercice de la profession d’architecte et d’urbaniste en particulier de la fonction de maître d »uvre. Elle employait plus de 10 salariés et appliquait la convention collective des entreprises d’architecture du 27 février 2003.
Mme [M] [F], née le 20 août 1987, a été engagée par la société Land scale architecture selon contrat de travail à durée indéterminée en date du 8 mars 2018, à effet au 9 avril 2018, en qualité d’assistante de direction, moyennant une rémunération mensuelle brute de 3 300 euros.
Par courrier en date du 26 avril 2023, la société Land scale architecture a convoqué Mme [F] à un entretien préalable qui s’est déroulé le 9 mai 2023 et l’a informée de sa mise à pied à titre conservatoire.
Par courrier du 16 mai 2023, la société Land scale architecture a notifié à Mme [F] son licenciement pour faute grave dans les termes suivants :
‘Madame,
Par lettre remise en main propre contre décharge le 26 avril 2023, nous vous avons convoquée à un entretien préalable à votre éventuel licenciement, entretien qui s’est tenu le 9 mai 2023.
Au cours de cet entretien, nous vous avons exposé les faits qui nous amenaient à envisager votre licenciement et avons recueilli vos observations, lesquelles ne nous ont cependant pas permis de modifier notre appréciation de la situation.
Dans ces conditions, nous nous voyons contraints de vous notifier par la présente votre licenciement pour faute grave au motif ci-après exposé.
Vous avez été engagée par notre société à compter du 9 avril 2018, par contrat à durée indéterminée et exercez les fonctions d’assistante de direction au sein de notre société avec le statut cadre.
A ce titre, vous êtes en charge de responsabilités clés au sein de notre agence puisque vous avez progressivement pris en charge des tâches et des missions de gestion administrative et financière vous permettant d’être en relation avec le cabinet comptable, accéder à la comptabilité et aux comptes bancaires de la société.
Au regard de votre haut niveau de responsabilités, il est attendu de vous une rigueur, une probité et une loyauté sans faille justifiant la confiance qui vous a été accordée.
Or, comme nous vous l’avons exposé au cours de l’entretien préalable, le 26 avril 2023, à l’occasion de la clôture de l’exercice, notre cabinet comptable a attiré notre attention sur une anomalie importante au titre des sommes que vous avez perçues et qui ne correspondaient pas des éléments comptables justifiées et cohérents (sic).
Les investigations rapidement menées par notre expert-comptable ont permis d’établir avec certitude que vous aviez détourné, au préjudice de notre société, une somme totale de 41 216,16 euros, dont une somme de 4 876,36 euros qui correspondrait au montant d’un avis à tiers détenteur dont nous n’avons pas été informés et que nous ne pouvions pas autoriser sur les deniers de la société.
A ce titre, vous avez vraisemblablement tenté de dissimuler ce dernier détournement en opérant des prélèvements mensuels sur votre salaire, ce qui caractérise la tentative de régularisation d’une avance non autorisée et non justifiée.
Ces détournements ont été opérés par les autorisations de virements que vous déteniez dans le cadre de l’exercice de vos fonctions que vous avez manifestement outrepassées.
Nous avons pris acte de ce que vous aviez pleinement reconnu ces faits, en la forme, notamment, de l’aveu fait lors de l’entretien préalable, mais en faisant mine d’ignorer la gravité de vos manquements.
Les sommes détournées au préjudice de notre agence et dont vous êtes toujours redevable s’élèvent à 37 968,16 euros.
C’est donc à nos yeux après avoir pris la mesure de l’impossibilité technique dans laquelle vous alliez vous trouver de nous dissimuler votre forfait plus avant, que vous vous êtes résolue aux aveux précités.
Il n’en reste pas moins que le procédé auquel vous avez eu recours pendant toute la période considérée est significative d’une grande déloyauté que vous avez manifestée à l’égard de notre société.
Les faits dont vous vous êtes rendue auteur sont d’autant plus inadmissibles que vous en mesuriez parfaitement les conséquences dommageables à l’égard d’une agence telle que la nôtre.
Ces faits ruinent la confiance que nous étions supposés placer en vous, particulièrement au regard de vos responsabilités et de ce que nous étions en droit d’attendre d’une collaboratrice en charge de vos fonctions, et mettent radicalement obstacle à la poursuite de notre collaboration.
Croyez bien que nous sommes les premiers à le déplorer.
Votre licenciement prendra effet à compter de la première présentation de cette lettre, sans indemnité de licenciement ni de préavis.
Nous vous rappelons qu’à compter de la rupture de votre contrat de travail, vous pouvez conserver le bénéfice des garanties de prévoyance en vigueur au sein de notre entreprise.
Votre certificat de travail, et tout document nécessaire à votre inscription en tant que demandeur d’emploi, sera tenu à votre disposition. Dans ce cadre, nous vous demandons de remettre votre matériel professionnel et les courriers (notamment les courriers des trésors publics adressés à l’entreprise Landscale Architecture) que vous ne nous auriez pas restitués.’
Par jugement du 4 octobre 2023 le tribunal de commerce de Nanterre a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’encontre de la société Land scale architecture et désigné la Selarl V&V prise en la personne de Me [Z] [W] en qualité d’administrateur avec une mission d’assistance et la Selarl de Keating prise en la personne de Me [N] [O] [U] en qualité de mandataire judiciaire.
Par requête reçue au greffe le 26 octobre 2023, la société Land scale architecture a saisi la formation de référé du conseil de prud’hommes de Nanterre des demandes suivantes :
– juger qu’il y a lieu à référé,
– répétition des sommes indûment perçues : 37 968,16 euros,
– article 700 du code de procédure civile : 1 500 euros.
Mme [F], dûment convoquée, n’était ni présente ni représentée à l’audience du conseil de prud’hommes de Nanterre du 16 janvier 2024.
Par ordonnance réputée contradictoire rendue le 9 février 2024, la formation de référé du conseil de prud’hommes de Nanterre :
– s’est déclarée incompétente à connaître du litige de la société Land scale architecture et de Mme [F],
– a laissé à la charge de Mme [F] les dépens.
Par jugement du 3 juillet 2024, le tribunal de commerce de Nanterre a prononcé la liquidation judiciaire de la société Land scale architecture et a désigné en qualité de liquidateur la Selarl de Keating prise en la personne de Me [N] [O] [U].
Me [O] [U] ès qualités a interjeté appel de l’ordonnance de référé du conseil de prud’hommes par déclaration du 16 février 2024 enregistrée le 1er mars 2024 sous la référence RG 24/00674.
Il a également interjeté appel de cette décision par déclaration du 14 mars 2024 enregistrée le 20 mars 2024 sous la référence RG 24/00865.
Par ordonnance rendue le 22 mai 2024, la présidente de la chambre sociale 4-2 a autorisé la société Land scale architecture à assigner Mme [F] à jour fixe à l’audience du 8 novembre 2024.
L’assignation a été signifiée à Mme [F] par acte de commissaire de justice en date du 5 juin 2024 remis à étude.
Par ordonnance du 3 juillet 2024, la présidente de la chambre sociale 4-2 a prononcé la jonction des procédures inscrites sous les numéros RG 24/00674 et RG 24/00865, l’affaire se poursuivant sous le numéro RG 24/00865.
Par conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 1er octobre 2024, signifiées à Mme [F] par acte de commissaire de justice délivré le 3 octobre 2024 à étude, Me [O] [U], en sa qualité de liquidateur de la société Land scale architecture, demande à la cour de :
– juger recevable l’appel interjeté par la société Land scale architecture,
– infirmer l’ordonnance de référé du conseil de prud’hommes de Nanterre du 9 février 2024,
– juger que le conseil de prud’hommes était compétent pour statuer sur la demande de la société Land scale architecture,
– évoquer le fond du litige et condamner Mme [F] à verser la somme de 37 968,16 euros à la Selarl de Keating, ès qualités (sic) de liquidateur judiciaire de la société Land scale architecture, en répétition des salaires indûment perçus,
– condamner Mme [F] à verser la somme de 2 000 euros à la Selarl de Keating, ès qualités (sic) de liquidateur judiciaire de la société Land scale architecture, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Mme [F] n’a pas constitué avocat ni conclu. Conformément aux dispositions de l’article 473 du code de procédure civile, l’arrêt sera rendu par défaut.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions de l’appelante pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe, rendu par défaut et en dernier ressort,
Infirme l’ordonnance rendue le 9 février 2024 par la formation des référés du conseil de prud’hommes de Nanterre excepté en ce qu’elle a laissé à Mme [F] la charge des dépens,
Statuant sur le chef infirmé et y ajoutant,
Dit que le conseil de prud’hommes de Nanterre est compétent pour connaître du litige opposant la société Land scale architecture à Mme [M] [F],
Condamne Mme [M] [F] à payer à la Sarl de Keating, en sa qualité de liquidateur de la société Land scale architecture, la somme provisionnelle de 37 968,16 euros à valoir sur la répétition des sommes indûment perçues,
Condamne Mme [M] [F] aux dépens d’appel,
Condamne Mme [M] [F] à payer à la Sarl [U], en sa qualité de liquidateur de la société Land scale architecture, la somme de 1 200 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour l’intégralité de la procédure,
Dit que le greffier notifiera la présente décision aux parties conformément aux dispositions de l’article 87 du code de procédure civile.
Arrêt prononcé publiquement à la date indiquée par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Mme Catherine Bolteau-Serre, présidente, et par Mme Victoria Le Flem, greffière en préaffectation, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La greffière en préaffectation, La présidente,
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