Cour d’appel de Versailles, 6 février 2025, RG n° 23/03412
Cour d’appel de Versailles, 6 février 2025, RG n° 23/03412

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Versailles

Thématique : Indemnisation des préjudices liés à un accident du travail et évolution jurisprudentielle sur le déficit fonctionnel permanent

Résumé

Contexte de l’Accident

Employé par une société en qualité de mécanicien d’usinage, la victime a subi un accident du travail le 18 février 2015, pris en charge par la caisse au titre de la législation professionnelle. Son état de santé a été déclaré consolidé le 15 février 2019, avec un taux d’incapacité permanente partielle de 55 % attribué par décision du 14 mai 2019.

Demande de Reconnaissance de Faute Inexcusable

La victime a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Versailles pour obtenir la reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur. Par un jugement rendu le 3 décembre 2021, le tribunal a reconnu la faute inexcusable de l’employeur, fixé la majoration de la rente, alloué une provision de 5 000 euros à la victime, et ordonné une expertise judiciaire.

Jugement du 12 Septembre 2023

Le 12 septembre 2023, le tribunal a fixé l’indemnisation des préjudices de la victime à 132 305,10 euros, incluant divers postes de préjudice tels que les frais d’assistance, l’aménagement du véhicule, et les souffrances endurées. La société a été condamnée à verser 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Appel de la Victime

La victime a interjeté appel concernant le montant de l’indemnisation pour l’aménagement du véhicule et a demandé un complément d’expertise pour évaluer son déficit fonctionnel permanent. Les parties ont été convoquées à une audience prévue pour le 27 novembre 2024.

Arguments de la Victime et de la Société

Dans ses conclusions, la victime a demandé une révision du montant alloué pour l’aménagement du véhicule, justifiant que le tribunal n’avait pas pris en compte le coût total d’acquisition d’un nouveau véhicule. La société, quant à elle, a contesté cette demande, arguant que la victime ne justifiait pas la vente de son ancien véhicule et a accepté un complément d’expertise pour évaluer le déficit fonctionnel permanent.

Décision de la Cour

La cour a confirmé le jugement concernant l’indemnisation pour l’aménagement du véhicule, tout en sursis à statuer sur la demande relative au déficit fonctionnel permanent. Un complément d’expertise a été ordonné pour évaluer ce préjudice, et la société a été tenue de consigner une avance pour la rémunération de l’expert. Les dépens et l’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ont été réservés.

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 89B

Ch.protection sociale 4-7

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 06 FEVRIER 2025

N° RG 23/03412 – N° Portalis DBV3-V-B7H-WHGD

AFFAIRE :

[Y] [C]

C/

S.A.S. [10]

[8]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 12 Septembre 2023 par le pôle social du tribunal judiciaire de VERSAILLES

N° RG : 19/00286

Copies exécutoires délivrées à :

Me Milosz paul LIS

Me Florence MONTERET AMAR

Me Mylène BARRERE

Copies certifiées conformes délivrées à :

[Y] [C]

S.A.S. [10]

[8]

Dr [G] [E]

3 copies service expertise

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SIX FEVRIER DEUX MILLE VINGT CINQ,

La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Monsieur [Y] [C]

[Adresse 1]

[Localité 5]

représenté par Me Milosz paul LIS de la SELARL LIS AVOCATS, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, vestiaire : 245 substituée par Me Jean-pascal THIBAULT, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 470

APPELANT

****************

S.A.S. [10]

[Adresse 12]

[Localité 3]

représentée par Me Florence MONTERET AMAR de la SCP MACL SCP d’Avocats, avocate au barreau de PARIS, vestiaire : P0184, substituée par Me Vincent DESRIAUX, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

****************

[8]

[Adresse 9]

[Localité 4]

représentée par Me Mylène BARRERE, avocate au barreau de PARIS, vestiaire : D2104 substitué par Me Sarah AMCHI DIT YAKOUBAT, avocat au barreau de PARIS

PARTIE INTERVENANTE

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 27 Novembre 2024, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Charlotte MASQUART, conseillère chargée d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Marie-Bénédicte JACQUET, conseillère, faisant fonction de présidente,

Madame Aurélie PRACHE, présidente de chambre,

Madame Charlotte MASQUART, conseillère,

Greffière, lors des débats et du prononcé : Madame Juliette DUPONT,

EXPOSÉ DU LITIGE

Employé par la société [10] (la société) en qualité de mécanicien d’usinage, M. [Y] [C] (la victime) a été victime d’un accident le 18 février 2015, pris en charge par la [7] (la caisse) au titre de la législation professionnelle.

L’état de santé de la victime a été déclaré consolidé le 15 février 2019 et un taux d’incapacité permanente partielle de 55 % lui a été attribué, par décision du 14 mai 2019.

La victime a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Versailles d’une demande en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur.

Par jugement avant dire droit du 3 décembre 2021, le pôle social du tribunal judiciaire de Versailles a :

– dit que l’accident du travail survenu à la victime le 18 février 2015 est dû à une faute inexcusable de son employeur ;

– fixé au maximum la majoration de la rente allouée à la victime ;

– alloué à la victime une provision d’un montant de 5 000 euros à valoir sur l’indemnisation de son entier préjudice ;

– dit que la réparation des préjudices, y compris la majoration de la rente et la provision, sera versée directement à la victime par la caisse qui en récupérera le montant auprès de l’employeur ;

– condamné la société à verser à la victime la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– avant dire droit, a ordonné une expertise judiciaire et a désigné pour y procéder le Docteur [E] ;

– dit que la caisse procédera à l’avance des frais d’expertise ;

– réservé les dépens.

Le docteur [E] a déposé son rapport le 20 février 2023.

Par jugement du 12 septembre 2023, le pôle social du tribunal judiciaire de Versailles a, sous le bénéfice de l’exécution provisoire :

– fixé l’indemnisation des préjudices de la victime à la somme de 132 305,10 euros, soit :

– 1 440 € au titre des frais divers – assistance à expertise

– 51 840 € au titre des frais divers – assistance tierce personne

– 9 777,90 € pour l’aménagement du véhicule

– 21 247,20 € au titre du déficit fonctionnel temporaire

– 20 000 € au titre des souffrances endurées

– 10 000 € au titre du préjudice esthétique temporaire

– 6 000 € au titre du préjudice esthétique permanent

– 5 000 € au titre du préjudice d’agrément

– 7 000 € au titre du préjudice sexuel

– alloué à la victime la somme de 127 035,10 € après déduction de la provision de 5 000 € déjà versée par la caisse ;

– rappelé que la caisse fera l’avance des sommes allouées conformément aux dispositions de l’article L.452-3 du code de la sécurité sociale et pourra en recouvrer le montant auprès de la société ;

– condamné la société à payer à la victime la somme de 3 000 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné la société aux dépens qui comprendront les frais d’expertise qui auront toutefois été avancés par la caisse conformément au jugement du 3 décembre 2021 ;

– débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

La victime a relevé appel de cette décision en ce que le tribunal a fixé à 9 777,90 € son préjudice lié à l’aménagement du véhicule et la victime a également sollicité un complément d’expertise aux fins d’évaluer son déficit fonctionnel permanent.

Les parties ont été convoquées à l’audience du 27 novembre 2024.

Par conclusions écrites, déposées et soutenues oralement à l’audience, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé complet des moyens et prétentions, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, la victime demande à la cour de réformer le jugement déféré en ce qu’il a fixé l’indemnisation de son préjudice au titre des frais de véhicule adapté à la somme de 9 777,90 euros et sollicite la somme de 18 267,92 euros, considérant que le tribunal n’a pas tenu compte des frais d’acquisition du nouveau véhicule (11 490 euros), auxquels il convient de déduire la somme de 3 000 euros, correspondant au prix de vente de son ancien véhicule, ce dernier ne pouvant pas être transformé en véhicule avec boîte de vitesse automatique. Il ne conteste pas la somme de 9 777,92 euros accordée par le tribunal au titre du surcoût lié à la nécessité d’avoir un véhicule équipé d’une boîte automatique.

La victime sollicite également un complément d’expertise sur pièces, confiée au docteur [E], afin d’évaluer son déficit fonctionnel permanent conformément au revirement jurisprudentiel opéré par l’arrêt rendu par l’Assemblée Plénière de la Cour de cassation le 20 janvier 2023.

Par conclusions écrites, déposées et soutenues oralement à l’audience, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé complet des moyens et prétentions, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, la société demande à la cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions. La société ne conteste pas le montant attribué par le tribunal au titre du surcoût lié à l’installation d’une boîte automatique, mais conteste la demande de la victime au titre du remboursement de l’achat de son nouveau véhicule. Elle expose que la victime ne justifie pas que son ancien véhicule n’était pas adaptable ni le montant auquel il a vendu son véhicule, le certificat de vente produit par la victime étant, en tout état de cause, daté de 2018, soit deux ans après l’achat de son nouveau véhicule.

S’agissant de la demande de complément d’expertise aux fins d’évaluer le déficit fonctionnel permanent de la victime, la société indique ne pas s’y opposer, compte tenu du revirement de jurisprudence intervenu après la réalisation de l’expertise. Cependant, la société soutient que l’évaluation de ce poste ce préjudice ne peut se faire que selon le barème de droit commun.

La caisse s’en rapporte à justice sur la demande au titre des frais d’aménagement du véhicule et sur la demande d’expertise afin d’évaluer le déficit fonctionnel permanent partielle. Elle demande le bénéfice de son action récursoire à l’encontre de la société.

En application de l’article 700 du code de procédure civile, la victime demande de condamner la société à lui verser la somme de 2 000 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et contradictoirement, par mise à disposition au greffe :

Statuant dans les limites du litige,

Confirme le jugement déféré en ce qu’il a fixé l’indemnisation du préjudice de M. [Y] [C] à la somme de 9 777,90 euros pour l’aménagement du véhicule ;

Sursoit à statuer sur la demande formée au titre du déficit fonctionnel permanent ;

Ordonne un complément d’expertise confiée au docteur [G] [E], expert près la cour d’appel de Paris, [Adresse 2] – [Courriel 11], qui devra se prononcer sur le déficit fonctionnel permanent de la victime (date de consolidation le 15 février 2019) et le taux de ce déficit, sur pièces, ou, au besoin, après un nouvel examen clinique de la victime’;

Dit que l’expert pourra formuler toutes observations utiles à l’évaluation de ce préjudice ;

Dit que les parties devront communiquer les pièces utiles à l’expert pour l’accomplissement de sa mission dans un délai d’un mois à compter de la notification du présent arrêt’;

Dit que la société [10] devra consigner, à titre d’avance, au service des expertises de la cour de céans, la somme de 400 euros à valoir sur la rémunération de l’expert, correspondant à ce complément d’expertise, dans un délai d’un mois à compter de la notification de l’arrêt, à peine de caducité de la mesure’;

Dit que l’expert ci-dessus désigné devra déposer son rapport au plus tard, pour le 15 juin 2025, sauf prolongation de délais’;

Désigne Mme [U] pour suivre le déroulement de ce complément d’expertise ;

Dit que les parties disposeront chacune d’un délai d’un mois pour conclure à réception dudit rapport ;

Rappelle que le surplus des indemnités alloué sera versé directement par la [7] à M. [Y] [C], à charge pour celle-ci d’en récupérer le montant auprès de la société [10] ;

Dit que dans l’attente du dépôt du rapport d’expertise complémentaire, l’affaire sera radiée du rôle des affaires en cours et qu’elle sera enrôlée à nouveau à l’initiative des parties ou à la diligence de la cour, au plus tard, à réception de ce rapport.

Réserve les dépens et l’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Marie-Bénédicte JACQUET, conseillère, faisant fonction de présidente, et par Madame Juliette DUPONT, greffière, à laquelle la magistrate signataire a rendu la minute.

La greffière La conseillère

 


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Chat Icon