Cour d’appel de Versailles, 6 février 2025, RG n° 23/02213
Cour d’appel de Versailles, 6 février 2025, RG n° 23/02213

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Versailles

Thématique : Récupération des économies de restauration par les représentants du personnel

Résumé

Présentation de la société ABB France

La société par actions simplifiée ABB France, située dans le Val-d’Oise, fait partie du groupe ABB, qui se spécialise dans les technologies de l’énergie et de l’automatisation. La représentation du personnel au sein de cette société est assurée par un comité social et économique (CSE) central, ainsi que par cinq CSE d’établissement.

Accord collectif et gestion des activités sociales

Un accord collectif signé le 19 juillet 2019 stipule que l’employeur doit verser chaque année aux CSE d’établissement une subvention de 1,22 % de la masse salariale pour financer les activités sociales et culturelles (ASC). Cependant, les services de restauration du personnel restent entièrement gérés par ABB France.

Contexte de la demande des CSE

Les CSE des établissements d’Aix-les-Bains, de Beynost et de Chassieu ont saisi le tribunal judiciaire de Pontoise pour obtenir le remboursement des économies réalisées par ABB France sur la restauration collective durant la pandémie de Covid-19. Leur demande a été enregistrée le 6 janvier 2022.

Demandes des CSE et réponse d’ABB France

Les CSE ont demandé au tribunal de condamner ABB France à leur verser des sommes spécifiques, assorties d’une astreinte pour retard, ainsi qu’une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile. En réponse, ABB France a contesté la légitimité des demandes des CSE, les jugeant infondées.

Jugement du tribunal judiciaire de Pontoise

Le 20 juin 2023, le tribunal a débouté les CSE de leurs demandes et a condamné ces derniers à verser 2 000 euros à ABB France pour les frais de procédure. Le tribunal a justifié sa décision en affirmant que l’accord de 2019 respectait les obligations de l’employeur concernant la subvention pour les ASC.

Procédure d’appel

Les CSE ont interjeté appel du jugement le 12 juillet 2023. L’instruction a été clôturée le 16 octobre 2024, avec une audience prévue pour le 14 novembre 2024.

Prétentions des CSE en appel

Les CSE demandent à la cour d’infirmer le jugement de première instance, de reconnaître leur droit aux économies réalisées sur les frais de restauration, et de condamner ABB France à leur verser des sommes spécifiques, assorties d’une astreinte.

Prétentions d’ABB France en appel

ABB France, pour sa part, demande la confirmation du jugement de première instance et le rejet des demandes des CSE, tout en sollicitant une condamnation des CSE aux dépens.

Évaluation des économies réalisées

Un rapport d’expertise a révélé que la société avait réalisé des économies significatives sur les frais de restauration en 2020, en raison de la crise sanitaire. Les CSE estiment que ces économies doivent leur être reversées, tandis qu’ABB France soutient qu’elles lui appartiennent.

Décision de la cour d’appel

La cour d’appel a infirmé le jugement de première instance, condamnant ABB France à rembourser les économies réalisées aux CSE, tout en confirmant qu’aucune astreinte ne serait appliquée. Les CSE ont également été exonérés des frais de procédure initialement imposés.

Conclusion de l’affaire

La cour a ordonné à ABB France de verser des sommes spécifiques aux CSE d’établissement, tout en déboutant la société de ses propres demandes. Les dépens de la procédure ont été à la charge d’ABB France, qui a également été condamnée à verser une indemnité aux CSE pour les frais de procédure.

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 82E

Chambre sociale 4-2

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 06 FÉVRIER 2025

N° RG 23/02213

N° Portalis DBV3-V-B7H-WAAU

AFFAIRE :

COMITE SOCIAL ET ECONOMIQUE DE L’ETABLISSEMENT ABB FRANCE A [Localité 6]

et autres.

C/

S.A.S. ABB FRANCE

Décision déférée à la cour : Jugement en date du 20 juin 2023 rendu par la Première Chambre du tribunal judiciaire de PONTOISE

N° RG : 22/00659

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Véronique BUQUET-ROUSSEL

Me Isabelle DELORME-MUNIGLIA

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SIX FÉVRIER DEUX MILLE VINGT CINQ,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

APPELANTS

COMITE SOCIAL ET ECONOMIQUE DE L’ETABLISSEMENT ABB FRANCE A [Localité 6]

[Adresse 5]

[Localité 6]

COMITE SOCIAL ET ECONOMIQUE DE L’ETABLISSEMENT ABB FRANCE A [Localité 7]

[Adresse 3]

[Localité 1]

COMITE SOCIAL ET ECONOMIQUE DE L’ETABLISSEMENT ABB FRANCE A [Localité 9]

[Adresse 2]

[Localité 9]

Représentés par Me Véronique BUQUET-ROUSSEL de la SCP BUQUET-ROUSSEL-DE CARFORT, postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 462

Plaidant : Me Mikaël KLEIN de la SELARL LBBA, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0469

Substitué par Me Léa VIECELI de la SELARL LBBA, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0469

****************

INTIMEE

S.A.S. ABB FRANCE

immatriculée au RCS de Pontoise sous le numéro de siret 335 146 312

[Adresse 4]

[Localité 8]

Représentant : Me Isabelle DELORME-MUNIGLIA de la SCP COURTAIGNE AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 52

Substitué par Me Jean-Philippe LAFAGE,, avocats au barreau de PARIS

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 14 novembre 2024 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés devant Madame Valérie DE LARMINAT, conseillère chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine BOLTEAU-SERRE, présidente,

Madame Valérie DE LARMINAT, conseillère,

Madame Isabelle CHABAL, conseillère,

Greffière en préaffectation lors des débats : Madame [L] [H],

Rappel des faits constants

La société par actions simplifiée ABB France, dont le siège social est situé à [Localité 8] dans le Val-d’Oise, appartient au groupe ABB spécialisé dans les technologies de l’énergie et de l’automation.

Au sein de la société ABB France, la représentation du personnel est assurée par un comité social et économique (CSE) central et 5 CSE d’établissement :

. l’établissement d'[Localité 6],

. l’établissement de [Localité 7],

. l’établissement de [Localité 8],

. l’établissement de [Localité 9],

. l’établissement [Localité 10].

Un accord collectif de mise en place du CSE signé le 19 juillet 2019 prévoit que l’employeur verse chaque année aux CSE d’établissement une subvention égale à 1,22% de la masse salariale de l’entreprise afin de leur permettre de financer les activités sociales et culturelles (ASC) dont ils assurent directement la gestion.

Les services de restauration du personnel sont néanmoins demeurés entièrement gérés par la société ABB France.

Les CSE des établissements d’Aix-les-Bains, de Beynost et de Chassieu ont saisi le tribunal judiciaire de Pontoise aux fins que leur soit reversé le montant des économies réalisées par la société ABB France en matière de restauration collective durant la période de la pandémie de Covid 19, par acte reçu au greffe le 6 janvier 2022.

La décision contestée

Devant le tribunal judiciaire de Pontoise, les CSE des établissements d’Aix-les-Bains, de Beynost et de Chassieu ont présenté les demandes suivantes :

– condamner la société ABB France à leur verser les sommes suivantes :

. 2 968,57 euros au CSE d’établissement d'[Localité 6],

. 33 688,51 euros au CSE d’établissement de [Localité 7],

. 37 840,57 euros au CSE d’établissement de [Localité 9],

– assortir ces condamnations d’une astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter du huitième jour suivant la signification du jugement à intervenir,

– condamner la société ABB France à payer à chaque CSE d’établissement demandeur la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens,

– débouter la société ABB France de ses propres demandes.

La société ABB France a quant à elle demandé au tribunal judiciaire de dire et juger que les demandes des CSE d’établissement d’Aix-les-Bains, Beynost et Chassieu étaient infondées, de rejeter leurs demandes financières et de les débouter de l’ensemble de leurs demandes.

Par jugement contradictoire rendu le 20 juin 2023, le tribunal judiciaire de Pontoise a :

– débouté le CSE de l’établissement ABB France à [Localité 6], le CSE de l’établissement ABB France à [Localité 7] et le CSE de l’établissement ABB France à [Localité 9] de l’ensemble de leurs demandes,

– condamné in solidum le CSE de l’établissement ABB France à [Localité 6], le CSE de l’établissement ABB France à [Localité 7] et le CSE de l’établissement ABB France à [Localité 9] à payer à la société ABB France la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné in solidum le CSE de l’établissement ABB France à [Localité 6], le CSE de l’établissement ABB France à [Localité 7] et le CSE de l’établissement ABB France à [Localité 9] aux dépens,

– rappelé que l’exécution provisoire de la décision était de droit.

Pour débouter les demandeurs, le tribunal judiciaire de Pontoise a considéré qu’  » il existe un accord au sens des dispositions de l’article L. 2312-81 du code du travail précité sur la contribution versée chaque année par l’employeur pour financer des institutions sociales du CSE.

S’il est ajouté en outre que la société ABB France prendra en charge les frais de restauration et si ceux-ci relèvent des règles applicables aux ASC, cet ajout ne caractérise pas une absence d’accord au sens de l’alinéa 2 de l’article L. 2312-81 du code du travail alors au contraire qu’il fait partie de l’accord précité.

Il n’existe donc pas de désaccord sur la prise en charge des frais de restauration et sur le montant de la contribution par l’employeur du financement des ASC du CSE.

Dès lors, il apparaît que la société ABB France respecte l’accord du 19 juillet 2019 en versant le montant de la subvention ASC qui a été fixée à 1,22% de la masse salariale brute de l’entreprise et il y aura lieu en conséquence de débouter les demandeurs de l’ensemble de leurs demandes « .

La procédure d’appel

Les CSE des établissements d'[Localité 6], de [Localité 7] et de [Localité 9] ont interjeté appel du jugement par déclaration du 12 juillet 2023 enregistrée sous le numéro de procédure RG 23/02213.

Par ordonnance rendue le 16 octobre 2024, le magistrat chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l’instruction et a fixé la date des plaidoiries le 14 novembre 2024, dans le cadre d’une audience rapporteur.

Prétentions des CSE des établissements d'[Localité 6], de [Localité 7] et de [Localité 9], appelants

Par dernières conclusions adressées par voie électronique le 3 octobre 2023, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé de leurs moyens conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, les CSE des établissements d'[Localité 6], de [Localité 7] et de [Localité 9] demandent à la cour de :

– infirmer le jugement dont appel en ce qu’il :

. les a déboutés de leurs demandes,

. les a condamnés in solidum à payer à la société ABB France la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

. les a condamnés in solidum aux dépens,

et statuant à nouveau,

– juger que le rapport des dépenses engagées par la société ABB France au titre des frais de restauration du personnel à la masse salariale en 2020 doit être égal au même rapport existant en 2019,

– juger que les économies réalisées par la société ABB France sur les frais de restauration du personnel en 2020 doivent leur être reversées,

– condamner en conséquence la société ABB France à leur verser les sommes suivantes :

. 2 968,57 euros au CSE d’établissement d'[Localité 6],

. 33 688,51 euros au CSE d’établissement de [Localité 7],

. 37 840,57 euros au CSE d’établissement de [Localité 9],

– assortir ces condamnations d’une astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter du huitième jour suivant la signification de la décision à intervenir,

– se réserver le pouvoir de liquider les astreintes,

– condamner la société ABB France à payer à chaque CSE d’établissement appelant la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la société ABB France aux entiers dépens qui seront recouvrés par Me Buquet-Roussel, avocat, conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

Prétentions de la société ABB France, intimée

Par dernières conclusions adressées par voie électronique le 2 janvier 2024, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé de ses moyens, la société ABB France demande à la cour d’appel de :

– confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

puis, statuant à nouveau,

– dire et juger que les demandes des CSE d’établissement d'[Localité 6], [Localité 7] et [Localité 9] sont infondées,

– rejeter les demandes financières des CSE d’établissement d'[Localité 6], de [Localité 7] et de [Localité 9],

– débouter les CSE d’établissement d'[Localité 6], de [Localité 7] et de [Localité 9] de l’ensemble de leurs demandes,

– condamner les CSE d’établissement d'[Localité 6], de [Localité 7] et de [Localité 9], à titre individuel et in solidum, au versement de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS

La COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

INFIRME le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Pontoise le 20 juin 2023, excepté en ce qu’il a débouté les CSE des établissements d’Aix-les-Bains, de Beynost et de Chassieu de leur demande d’astreinte,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

CONDAMNE la société ABB France au paiement des sommes suivantes :

‘ 2 968,57 euros au bénéfice du CSE d’établissement d'[Localité 6],

‘ 33 688,51 euros au bénéfice du CSE d’établissement de [Localité 7],

‘ 37 840,57 euros au bénéfice du CSE d’établissement de [Localité 9],

CONDAMNE la société ABB France au paiement des entiers dépens, qui seront recouvrés directement par Me Buquet-Roussel, avocat,

CONDAMNE la société ABB France à payer aux CSE des établissements d'[Localité 6], de [Localité 7] et de [Localité 9] une somme de 1 500 euros, chacun, pour la procédure de première instance et celle d’appel, en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE la société ABB France de sa demande présentée sur le même fondement.

Arrêt prononcé publiquement à la date indiquée par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Mme Catherine Bolteau-Serre, présidente, et par Mme [L] [H], greffière en préaffectation, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La greffière en préaffectation, La présidente,

 


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