Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Versailles
Thématique : Requalification des contrats et contestation d’un licenciement pour faute grave dans le secteur journalistique
→ RésuméContexte de l’affaireM. [U] [H], en tant que journaliste professionnel, a été engagé par la société RT France sous un contrat de travail à durée déterminée d’usage pour les dates du 22 et 23 août 2019. Au fil du temps, vingt-quatre contrats similaires ont été signés, le dernier étant en vigueur du 3 au 31 juillet 2021. La convention collective applicable à cette relation de travail est celle des journalistes. Rupture du contratLe 9 juillet 2021, la société RT France a convoqué M. [H] à un entretien préalable à une sanction disciplinaire, suivi le 27 juillet 2021 par une notification de rupture anticipée de son contrat pour faute grave. À ce moment-là, la rémunération mensuelle de M. [H] était de 2 896,17 euros bruts. En réponse, M. [H] a saisi le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt le 11 mars 2022, demandant la requalification de ses contrats en un contrat à durée indéterminée et des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Jugements rendusLe 23 février 2023, le tribunal de commerce de Nanterre a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’égard de la société RT France. Le 13 mars 2023, le conseil de prud’hommes a débouté M. [H] de sa demande de requalification, mais a déclaré son licenciement sans cause réelle et sérieuse, condamnant la société à lui verser diverses sommes, dont 3 000 euros pour rupture abusive. Appel et demandes de M. [H]Le 21 avril 2023, M. [H] a interjeté appel, demandant la requalification de son contrat en CDI et des indemnités supplémentaires. Il a également demandé la requalification de la rupture anticipée en rupture abusive, ainsi que des dommages-intérêts pour préjudice moral. Position du liquidateur judiciaireLa SELARL C. [N], en tant que liquidateur judiciaire de la société RT France, a demandé la confirmation du jugement du conseil de prud’hommes concernant la requalification des contrats, tout en contestant la décision sur la faute grave et les indemnités accordées à M. [H]. Analyse de la requalification des contratsLa cour a examiné la légalité des contrats à durée déterminée d’usage et a constaté qu’ils ne comportaient pas de définition précise de leur motif, justifiant ainsi leur requalification en contrat à durée indéterminée à compter du 22 août 2019. M. [H] a donc droit à une indemnité de requalification de 2 900 euros. Faute grave et licenciementConcernant le licenciement pour faute grave, la cour a noté que la société RT France n’a pas prouvé que le refus d’accréditation des journalistes était dû à l’utilisation de la carte de presse de M. [H]. Par conséquent, la faute grave n’a pas été établie, rendant le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse. Indemnités et créancesLa cour a fixé au passif de la liquidation judiciaire les créances de M. [H], incluant des rappels de salaire, des indemnités de licenciement et des frais de justice. En outre, elle a ordonné la remise de documents sociaux conformes à la décision. ConclusionLa cour a infirmé le jugement attaqué sur plusieurs points, requalifiant les contrats de M. [H] et fixant les créances à la charge de la société RT France, tout en déboutant les parties du surplus de leurs demandes. Les dépens de la procédure ont été mis à la charge du liquidateur judiciaire. |
COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
Chambre sociale 4-5
ARRET N°
REPUTE CONTRADICTOIRE
DU 06 FEVRIER 2025
N° RG 23/01082 – N° Portalis DBV3-V-B7H-VZ3M
AFFAIRE :
[U] [H]
C/
S.E.L.A.R.L. C. [N], prise en la personne de Me [J] [N], ès qualité de liquidateur judiciaire de la SASU RT FRANCE
AGS CGEA IDF OUEST
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 13 Mars 2023 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BOULOGNE-BILLANCOURT
N° Chambre :
N° Section : I
N° RG : 22/00326
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Audrey LEGUAY
Me [U] CALLIES
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE SIX FEVRIER DEUX MILLE VINGT CINQ,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Monsieur [U] [H]
né le 04 Août 1989 à [Localité 7]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 6]
Représentant : Me Audrey LEGUAY, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE
APPELANT
****************
S.E.L.A.R.L. C. [N], prise en la personne de Me [J] [N], ès qualité de liquidateur judiciaire de la SASU RT FRANCE
N° SIRET : 505 01 2 3 85
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentant : Me Nicolas CALLIES de la SELAFA CMS FRANCIS LEFEBVRE AVOCATS, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de NANTERRE, vestiaire : 1701, substitué par Me Charlotte GUIRLET, avocat au barreau de NANTERRE
AGS CGEA IDF OUEST
[Adresse 2]
[Localité 5]
Défaillant
Significationde la déclaration d’appel le 23 juin 2023 à personne morale
INTIMEES
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 11 Décembre 2024 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Thierry CABALE, Président,
Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,
Madame Laure TOUTENU, Conseillère,
Greffier lors des débats : Madame Nouha ISSA,
Greffier lors du prononcé : Madame Anne REBOULEAU,
FAITS ET PROCEDURE,
M. [U] [H], journaliste professionnel, a été embauché selon contrat de travail à durée déterminée d’usage pour la période du 22 et 23 août 2019 en qualité de ‘journaliste reporteur d’images pigiste’ par la société RT France.
Par la suite, M. [H] et la société RT France ont conclu vingt-quatre contrats à durée déterminée d’usage pour le même emploi, le dernier étant conclu pour la période du 3 au 31 juillet 2021.
La convention collective applicable à la relation de travail est la convention collective nationale des journalistes.
Par lettre du 9 juillet 2021, la société RT France a convoqué M. [H] à un entretien préalable à une sanction disciplinaire, avec mise à pied à titre conservatoire.
Par lettre du 27 juillet 2021, la société RT France a notifié à M. [H] la rupture anticipée du contrat à durée déterminée en cours, au motif d’une faute grave.
Au moment de la rupture de la relation contractuelle, la rémunération mensuelle de M. [H] s’élevait à 2 896,17 euros bruts.
Le 11 mars 2022, M. [H] a saisi le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt pour demander notamment la requalification des contrats de travail à durée déterminée d’usage en un contrat à durée indéterminée et la condamnation de la société RT France à lui payer une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et des indemnités de rupture. Subsidiairement, M. [H] a demandé l’allocation de dommages-intérêts pour rupture anticipée du contrat à durée déterminée d’usage de manière abusive.
Par jugement du 23 février 2023, le tribunal de commerce de Nanterre a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’égard de la société RT France.
Par jugement du 13 mars 2023, le conseil de prud’hommes a :
– débouté M. [H] de sa demande de requalification des contrats à durée déterminée d’usage en un contrat à durée indéterminée ;
– dit que le licenciement intervenu est sans cause réelle et sérieuse ;
– condamné la société RT France à payer à M. [H] les sommes suivantes :
* 1 800 euros à titre de rappel de salaire pendant la période de mise à pied à titre conservatoire et 181 euros au titre des congés payés afférents ;
* 150 euros à titre à titre de prime de treizième mois afférent à la mise à pied conservatoire ;
* 3 000 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture anticipée abusive du contrat à durée déterminée d’usage ;
* 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 7 avril 2023, le tribunal de commerce a prononcé la liquidation judiciaire de la société RT France et a désigné la SELARL C. [N] en qualité de liquidateur judiciaire.
Le 21 avril 2023, M. [H] a interjeté appel de ce jugement.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 11 octobre 2024, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé des moyens, M. [H] demande la cour d’infirmer le jugement attaqué et statuant à nouveau de :
1) A titre principal :
– REQUALIFIER la relation de travail au sein de la Société RT France en un CDI à compter du 22 août 2019 ;
– FIXER AU PASSIF de la Société RT France la somme de 2.900 euros à titre d’indemnité de requalification ;
– REQUALIFIER la rupture du contrat de travail ainsi requalifié en CDI en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– FIXER AU PASSIF de la Société RT France les sommes suivantes :
‘ 1.800 euros à titre de rappel de salaire pendant la période de mise à pied conservatoire ;
‘ 180 euros à titre de congés payés afférents à la mise à pied conservatoire ;
‘ 150 euros à titre de prime de 13 ème mois afférente à la mise à pied conservatoire ;
‘ 2.896,17 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;
‘ 289,61 euros à titre de congés payés afférents au préavis ;
‘ 5.792,34 euros à titre d’indemnité de licenciement ;
‘ 10.000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
2) A titre subsidiaire :
– REQUALIFIER la rupture anticipée du CDD notifiée par lettre du 27 juillet 2021 en rupture abusive ;
-FIXER AU PASSIF de la Société RT France les sommes suivantes :
‘ 1.800 euros à titre de rappel de salaire pendant la période de mise à pied conservatoire ;
‘ 180 euros à titre de congés payés afférents à la mise à pied conservatoire ;
‘ 150 euros à titre de prime de 13 ème mois afférente à la mise à pied conservatoire ;
‘ 3.000 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture anticipée abusive du CDD ;
3) En tout état de cause :
– FIXER AU PASSIF de la Société RT France la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture du contrat dans des conditions brutales et vexatoires et pour préjudice moral ;
– En outre FIXER AU PASSIF de la Société RT France les sommes suivantes :
‘ 2.200 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile, en plus des
1.000 euros déjà alloués par le Conseil de Prud’hommes ;
‘ Intérêts légaux sur toutes les sommes d’argent et Entiers dépens ;
– ORDONNER la remise des documents suivants : Bulletins de paie conformes, attestation Pôle Emploi rectifiée et conforme, certificat de travail rectifié et conforme ;
-DÉCLARER l’ensemble des sommes opposables et garanties par l’AGS CGEA IDF OUEST; – DÉBOUTER la SELARL C. [N] de sa demande de 2.500 euros sollicitée sur le fondement
de l’article 700 du code de procédure civile.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 5 octobre 2023, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé des moyens, la SELARL C. [N], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société RT France, demande la cour de :
1) CONFIRMER le jugement rendu par le Conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt en date du 13 mars 2023 en ce qu’il a débouté M. [H] de sa demande de requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ;
2) INFIRMER le jugement rendu par le Conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt en date du 13 mars 2023 en ce qu’il a jugé que la faute grave de M. [H] n’était pas établie et condamné la société RT France à verser à ce dernier diverses sommes, et, statuant à nouveau :
– à titre principal, DÉBOUTER M. [H] de l’intégralité de ses demandes ;
– à titre subsidiaire, en cas de requalification des contrats de travail à durée déterminée :
* JUGER que la rupture du contrat de travail du 28 juillet 2021 est fondée sur une faute grave ou à tout le moins une faute simple ;
* DÉBOUTER M. [H] de ses demandes au titre d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
* DÉBOUTER M. [H] sa demande de dommages-intérêts pour rupture du contrat dans des conditions brutales et vexatoires et pour préjudice moral ;
– à titre reconventionnel :
* CONDAMNER M. [H] à la somme de 2.500,00 euros au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;
* CONDAMNER M. [H] aux entiers dépens.
L’AGS, à laquelle la déclaration d’appel et les conclusions ont été signifiées à personne, n’a pas constitué avocat.
Une ordonnance de clôture de l’instruction a été rendue le 14 novembre 2024.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant par arrêt réputé contradictoire,
Infirme le jugement attaqué, sauf en ce qu’il dit que le licenciement de M. [U] [H] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,
Requalifie les contrats de travail à durée déterminée d’usage conclus entre M. [U] [H] et la société RT France en un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 22 août 2019,
Fixe au passif de la liquidation judiciaire de la société RT France les créances de M. [U] [H] aux sommes suivantes :
– 2 900 euros à titre d’indemnité de requalification en contrat à durée indéterminée,
– 1 800 euros à titre de rappel de salaire pendant la période de mise à pied conservatoire et 180 euros à titre de congés payés afférents,
– 150 euros à titre de prime de treizième mois afférente à la mise à pied conservatoire,
– 2 896,17 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis et 289,61 euros à titre de congés payés afférents,
– 5 792,34 euros à titre d’indemnité de licenciement,
– 5 700 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 3 200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure suivie en première instance et en appel,
Rappelle que les créances de nature salariale de M. [U] [H] portent intérêts légaux à compter de la date de réception par l’employeur de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud’hommes jusqu’au 23 février 2023 et que les créances de nature indemnitaire allouées par le présent arrêt ne produisent pas intérêts,
Ordonne à la SELARL C. [N], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société RT France, de remettre à M. [U] [H] un bulletin de salaire récapitulatif, une attestation pour Pôle emploi devenu France travail et un certificat de travail conformes au présent arrêt,
Déclare le présent arrêt opposable à l’AGS CGEA d’Ile de France Ouest qui ne devra procéder à l’avance des créances visées aux articles L. 3253-6, L. 3253-8 et suivants du code du travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L. 3253-15, L. 3253-17 et L. 3253-19 à 21 du code du travail et déclare que l’obligation de l’AGS de faire l’avance de la somme à laquelle est évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s’exécuter que sur présentation d’un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l’absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement,
Déboute les parties du surplus de leurs demandes,
Met à la charge de la SELARL C. [N], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société RT France les dépens de première instance et d’appel qui seront pris en frais privilégiés de la liquidation judiciaire.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur Thierry CABALE, Président et par Madame Anne REBOULEAU, Greffière placée, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière Le Président
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