Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Versailles
Thématique : Emails injurieux du salarié : le licenciement possible
→ RésuméLe licenciement d’un salarié technico-commercial pour injures a été validé par les juridictions. La faute lourde, caractérisée par l’intention de nuire à l’employeur, a été établie par des propos injurieux, racistes et des atteintes à la dignité de collègues. Bien que les emails incriminés datent de plusieurs années, ils n’étaient pas prescrits, car l’employeur en avait eu connaissance récemment. La procédure a respecté le principe du contradictoire, le salarié ayant été assisté lors des vérifications. Toutefois, les juges ont considéré que l’absence d’intention de nuire justifiait un licenciement pour faute grave plutôt que pour faute lourde.
|
Licenciement pour faute lourde
Le licenciement d’un salarié technico-commercial (pour injure) a été confirmé par les juridictions. La faute lourde est caractérisée par l’intention de nuire à l’employeur, laquelle implique la volonté du salarié de lui porter préjudice dans la commission du fait fautif et ne résulte pas de la seule commission d’un acte préjudiciable à l’entreprise. En l’espèce, la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige faisait état de plusieurs reproches à l’encontre du salarié : propos injurieux et insultes à l’encontre de ses collègues et supérieurs hiérarchiques, propos racistes, manoeuvres et intrigues destinées à saper la cohésion au sein de l’entreprise et son organisation interne, déloyauté, atteintes à la vie privée à la dignité et à l’intimité de collègues de travail et comportement inadapté dans un milieu professionnel.
Preuve de la faute du salarié
A l’origine, les faits avaient été révélés lorsque les ordinateurs de collègues avaient été purgés avant d’être affectés à d’autres salariés, ce qui avait mis à jour le contenu litigieux de certains messages électroniques de ces derniers, ces faits avaient été constatés par un huissier. L’employeur avait pris soin d’obtenir une autorisation judiciaire de procéder à ces vérifications dans le cadre d’une ordonnance sur requête présentée devant le président du tribunal.
Question de la prescription
Bien que les emails découverts dataient de plusieurs années, ils n’étaient pas prescrits. En effet, aux termes de l’article L 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois mais uniquement à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales.
Principe du contradictoire respecté
Le salarié a également fait valoir en vain que la procédure dont il a été l’objet n’avait pas respecté le principe de la contradiction. Les opérations de constat ont été conduites en présence du salarié, d’un expert en informatique et d’un fonctionnaire de police. Préalablement, l’huissier instrumentaire avait donné connaissance de sa mission et avait précisé que « le salarié ne s’oppose pas à mes opérations et me présente sur le champ les outils informatiques mis à sa disposition par son employeur soit un ordinateur de marque Dell… De façon contradictoire, en présence de M. Z, je procède avec l’assistance de M. Jean-Michel …, à la vérification des contenus ». Le salarié ne pouvait se prévaloir du non-respect des droits de la défense dès lors qu’il ne contestait pas avoir été assisté lors de l’entretien préalable pour se défendre des griefs formulés par son employeur, ce qui a satisfait aux exigences de loyauté et de respect des droits du salarié alors, au surplus, qu’en l’espèce, la lettre de convocation à l’entretien préalable a été remise au salarié après que l’huissier avait achevé ses opérations.
Injure et atteinte à la dignité des salariés
Sur le contenu des emails échangés, les juges ont retenu que les faits reprochés au salarié étaient établis. Le salarié avait comparé certains de ses collègues à des dirigeants nazis, avait tenu des propos empreints de racisme à l’encontre d’un autre collègue, avait divulgué des vidéos intimes à l’insu de l’une de ses collègues sans que les faits considérés aient été animés par une volonté de plaisanter. Toutefois, il apparaissait que les faits en cause ne justifiaient pas la cessation immédiate des relations contractuelles. En l’absence d’intention de nuire, les juges ont écarté la faute lourde pour considérer que le licenciement reposait sur une faute grave.
Laisser un commentaire