Cour d’appel de Versailles, 5 février 2025, RG n° 23/00206
Cour d’appel de Versailles, 5 février 2025, RG n° 23/00206

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Versailles

Thématique : Licenciement contesté pour refus de mobilité : enjeux et conséquences

Résumé

Contexte de l’Affaire

Dans cette affaire, un salarié, occupant le poste de chef de service adjoint études, a été engagé par une société spécialisée dans le forage et l’ingénierie, à compter du 9 septembre 2007. La société, qui comptait plus de cinquante employés, applique la convention collective nationale des cadres des travaux publics. Le salarié a été convoqué à un entretien préalable en vue d’un licenciement, qui a eu lieu le 15 octobre 2018, et a été licencié le 22 octobre 2018 pour cause réelle et sérieuse, en raison de ses refus répétés de missions de mobilité géographique.

Motifs du Licenciement

Le licenciement a été justifié par le refus du salarié d’accepter trois missions temporaires, considérées comme contraires aux termes de son contrat de travail, qui stipulait qu’il pouvait être appelé à effectuer des déplacements en France ou à l’étranger. Les refus concernent des missions en région parisienne, à [Localité 8] et à [Localité 7]. L’employeur a soutenu que ces refus rendaient la gestion des projets difficile et constituaient une violation des obligations contractuelles du salarié.

Procédure Judiciaire

Le salarié a contesté son licenciement devant le conseil de prud’hommes de Versailles, demandant la reconnaissance de son droit à bénéficier d’un plan social économique (PSE) et le paiement de diverses sommes. Le jugement du 14 décembre 2022 a débouté les deux parties de leurs demandes. Le salarié a interjeté appel de cette décision le 16 janvier 2023.

Prétentions des Parties

Le salarié a demandé à la cour d’infirmer le jugement et de déclarer son licenciement sans cause réelle et sérieuse, tout en réclamant des indemnités significatives, y compris des dommages-intérêts pour préjudice moral. De son côté, l’employeur a demandé la confirmation du jugement initial et a formulé des demandes reconventionnelles.

Analyse du Licenciement

La cour a examiné les motifs du licenciement et a constaté que le salarié n’avait pas abusivement refusé les missions, car celles-ci ne correspondaient pas à son niveau de responsabilité. Les éléments de preuve fournis par l’employeur n’ont pas suffi à établir que les refus étaient injustifiés. Par conséquent, la cour a jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Indemnisation et Dommages-Intérêts

En raison de la reconnaissance du licenciement comme injustifié, la cour a accordé au salarié une indemnité de 80 000 euros pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi qu’une somme de 1 000 euros pour préjudice moral lié aux circonstances vexatoires de la rupture. De plus, l’employeur a été condamné à rembourser les indemnités de chômage versées au salarié.

Dépens et Frais Irrépétibles

La cour a également statué sur les dépens, en condamnant l’employeur à supporter l’intégralité des frais de première instance et d’appel, ainsi qu’à verser 3 000 euros au salarié au titre des frais irrépétibles.

Conclusion

En conclusion, la cour a infirmé le jugement initial et a statué en faveur du salarié, reconnaissant l’absence de cause réelle et sérieuse pour son licenciement et lui accordant des indemnités conséquentes pour réparer le préjudice subi.

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

Chambre sociale 4-4

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 5 FÉVRIER 2025

N° RG 23/00206

N° Portalis DBV3-V-B7H-VUGA

AFFAIRE :

[X] [Z]

C/

Société SAIPEM

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 14 décembre 2022 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de VERSAILLES

Section : E

N° RG : F 19/00517

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Muriel AZENCOT

Me Alexandra LORBER LANCE

Copie numérique adressée à:

FRANCE TRAVAIL

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE CINQ FEVRIER DEUX MILLE VINGT CINQ,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Monsieur [X] [Z]

né le 8 octobre 1966 à [Localité 5]

de nationalité française

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Me Muriel AZENCOT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1130

APPELANT

****************

Société SAIPEM

N° SIRET : 302 588 462

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Alexandra LORBER LANCE de la SELARL CAPSTAN LMS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0020

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 20 novembre 2024 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Aurélie PRACHE, Présidente chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Aurélie PRACHE, Présidente,

Monsieur Laurent BABY, Conseiller,

Madame Nathalie GAUTIER, Conseillère,

Greffier lors des débats : Madame Dorothée MARCINEK

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

M. [Z] a été engagé en qualité de chef de service adjoint études, par contrat de travail à durée indéterminée, à compter du 9 septembre 2007 par la société Saipem.

Cette société est spécialisée dans le forage, l’ingénierie et la construction à destination des marchés pétroliers et gaziers. L’effectif de la société était, au jour de la rupture, de plus de cinquante salariés. Elle applique la convention collective nationale des cadres des travaux publics.

Convoqué par lettre du 28 septembre 2018 à un entretien préalable en vue d’un éventuel licenciement, fixé le 15 octobre 2018, il a été licencié par lettre du 22 octobre 2018 pour cause réelle et sérieuse dans les termes suivants:

« (‘) Comme il vous a été expliqué au cours de cet entretien, votre Management ([Y] [P] & [F] [T]) fait le constat que votre refus à trois reprises de toute forme de mobilité géographique (pourtant limitée dans le temps et géographiquement) est incompréhensible et, de surcroît, exprimé sans justification probante.

C’est la répétition même de ces refus qui pose problème à votre Management. Nous vous les rappelons ci-après :

1. Début mars 2018 : refus d’une mission chez un client en région parisienne (interface centrale thermique Larivot)

2. Avril 2018 : refus d’une mission de courte durée à [Localité 8] (siège de la société Saipem, votre employeur)

3. Septembre 2018 : refus d’une mission de quatre mois à [Localité 7] (support technique sur le projet de Centrale 200 MW en Nouvelle Calédonie).

Ces refus successifs de toute forme de mobilité géographique temporaire, outre qu’ils rendent la gestion des projets concernés très difficiles, sont en totale contradiction avec les termes mêmes du contrat de travail que vous avez signé le 25 juin 2007 avec la société Saipem SA et, notamment, avec ses stipulations que nous vous rappelons ici :

« En fonction des besoins du Groupe Saipem SA, vous pourrez également être appelé à effectuer des déplacements ou séjours en France ou à l’étranger. »

Compte tenu de la gêne occasionnée, à la fois dans votre service et sur le bon déroulement des projets, par vos refus successifs de vous conformer aux dispositions que vous avez-vous-même acceptées contractuellement, nous vous signifions votre licenciement pour cause réelle et sérieuse.

Ce licenciement prendra effet à la première présentation de la présente notification laquelle marquera le début de votre préavis conventionnel d’une durée de trois mois.

Compte-tenu des circonstances, nous vous dispensons de l’exécution de ce préavis conventionnel qui vous sera néanmoins payé aux échéances habituelles (…)».

Par requête du 6 septembre 2019, M. [Z] a saisi le conseil de prud’hommes de Versailles aux fins de contester son licenciement, de constater qu’il aurait du bénéficier du plan social économique (PSE) et en paiement de diverses sommes de nature salariale et de nature indemnitaire.

Par jugement du 14 décembre 2022, le conseil de prud’hommes de Versailles (section encadrement) a :

. débouté M. [Z] et la SA Saipem de l’ensemble de leurs demandes

. laissé les éventuels dépens à la charge des parties les ayant engagés.

Par déclaration adressée au greffe le 16 janvier 2023, M. [Z] a interjeté appel de ce jugement.

Une ordonnance de clôture a été prononcée le 22 octobre 2024.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 12 avril 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles M. [Z] demande à la cour de :

. Infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Versailles en toutes ses dispositions, à savoir en ce qu’il a débouté M. [Z] de ses demandes de :

. dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

. dire que M. [Z] aurait dû bénéficier du PSE,

. condamner la société Saipem à payer :

. indemnité supra légale du Plan social : 110 429 euros

. prime de reprise anticipé d’activité (PSE) : 22 529 euros

. indemnité de double logement de : 12 080 euros

. indemnité de formation dans le plafond du PSE : 5 000 euros

Subsidiairement

. forfait minimum d’indemnisation R. 1235-22 code du travail : 81 771 euros

. dommages intérêts pour préjudice moral 15 575 euros

. article 700 CPC 3 000 euros

. Déclarer le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

. Condamner la société Saipem à payer à M. [Z] :

. à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse la somme de :110 429 euros correspondant aux indemnités prévues au Plan social (14 mois)

. à titre de prime de reprise anticipé d’activité (PSE) : 22 529 euros correspondant à 2.9 mois brut.

. à titre d’indemnité de double logement de 12 080 euros

. à titre d’indemnité de formation dans le plafond du PSE : 5 000 euros

Subsidiairement

. Condamner la société Saipem à payer à M. [Z] :

. dommages intérêts L 1235-3 code du travail : 81 771 euros

. dommages intérêts pour préjudice moral : 15 575 euros (2 mois)

. Condamner la société Saipem à payer à M. [Z] la somme de 3 000 euros par application de l’article 700 code de procédure,

. Débouter la société Saipem de toute demande reconventionnelle qu’elle pourra formuler dans la procédure,

. Condamner la société Saipem SA à supporter les entiers dépens.

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 12 juillet 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles la société Saipem demande à la cour de :

A titre principal :

. Confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Versailles en ce qu’il a débouté M. [Z] de l’intégralité de ses demandes ;

. Infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Versailles en ce qu’il a débouté la société Saipem de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Et, statuant de nouveau :

. Débouter M. [Z] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;

. Condamner M. [Z] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile à verser à la société Saipem la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel.

A titre subsidiaire :

. Fixer le salaire de référence de M. [Z] à la somme de 7 031,50 euros ;

. Réduire le montant de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 21 094,49 euros ;

. Débouter M. [Z] du surplus de ses demandes.

A titre infiniment subsidiaire :

. Fixer le salaire de référence de M. [Z] à la somme de 7 031,50 euros ;

. Réduire le montant de l’indemnité complémentaire de rupture à la somme de 89 686,18 euros ;

. Débouter M. [Z] du surplus de ses demandes.

PAR CES MOTIFS:

La cour, statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort et prononcé par mise à disposition au greffe:

INFIRME en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

Statuant à nouveau, et y ajoutant,

CONDAMNE la société SAIPEM SA à payer à M. [Z] les sommes suivantes :

– 80 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 1 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par les circonstances vexatoires de la rupture,

ORDONNE le remboursement par la société Saipem SA aux organismes concernés des indemnités de chômage versées à M. [Z] du jour de son licenciement au jour du présent arrêt dans la limite de 6 mois d’indemnités de chômage,

Condamne la société Saipem SA à payer à M. [Z] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et déboute l’employeur de sa demande à ce titre,

Condamne la société Saipem SA aux dépens de première instance et d’appel.

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Aurélie Prache, présidente et par Madame Dorothée Marcinek, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

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La Greffière La Présidente

 


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