Cour d’appel de Versailles, 4 juillet 2024
Cour d’appel de Versailles, 4 juillet 2024

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Versailles

Thématique : Prestataire de e-commerce ou salarié ?

Résumé

Dans l’affaire opposant M. [E] [N] à la société Boticinal Dotcom, la cour d’appel de Versailles a confirmé le jugement du conseil de prud’hommes, rejetant la demande de requalification de la relation de travail. M. [N], agissant en tant que consultant e-commerce, n’a pas réussi à prouver un lien de subordination avec son employeur. Le tribunal a également infirmé certaines demandes de M. [N], notamment celles relatives à des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, tout en condamnant M. [N] à verser 8.000 euros de dommages-intérêts pour exécution déloyale de son contrat de travail.

L’état de dépendance économique d’un prestataire vis à vis de son client et notamment la circonstance qu’il réalise la totalité de son chiffre d’affaires avec son client est sans emport pour renverser la présomption de non contrat de travail.

De même, l’attribution d’une adresse mail professionnelle intégrant le prestataire à la communauté de travail comme sa participation aux réunions de l’entreprise ou son affichage aux tiers tel un collaborateur ne disent rien de la subordination à l’égard du donneur d’ordre, d’autant que l’intéressé, dans ses correspondances, se définissait lui-même en tant que « consultant e-commerce et communication » « directeur Ironshop.fr » et donnait les coordonnées de sa société à laquelle diverses correspondances étaient directement adressées.

Le contrat de travail est caractérisé par une prestation, une rémunération, et un lien de subordination, qui suppose l’exécution du travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

Pour rappel, l’article L.8221-6 du code du travail dit que « I.-Sont présumés ne pas être liés avec le donneur d’ordre par un contrat de travail dans l’exécution de l’activité donnant lieu à immatriculation ou inscription :

1° Les personnes physiques immatriculées au registre du commerce et des sociétés (‘)

L’existence d’un contrat de travail peut toutefois être établie lorsque les personnes mentionnées au I fournissent directement ou par une personne interposée des prestations à un donneur d’ordre dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l’égard de celui-ci. »

M. [E] [N] a initié une activité de développement de solutions et de gestion technique de sites marchands sous le nom commercial Ironshop. Il a conclu un contrat de prestation de services avec la société Pharmacie Bornand [J] devenue Santé Distribution Services (SDS) pour la maintenance et le développement du site powersante.com. M. [N] a ensuite été engagé par la société SDS devenue Boticinal Dotcom en tant que directeur e-commerce. Suite à des différends, M. [N] a été licencié pour faute lourde. Des poursuites judiciaires ont été engagées contre lui pour divers chefs d’accusation. Après un non-lieu, M. [N] a saisi le conseil de prud’hommes pour contester son licenciement et obtenir des indemnités. Le conseil a jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse et a condamné la société Boticinal Dotcom à verser diverses sommes à M. [N]. La société a fait appel de cette décision. Les parties ont présenté leurs arguments devant la cour d’appel de Paris et de Versailles. M. [N] demande la confirmation du jugement initial et des dommages et intérêts supplémentaires.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

4 juillet 2024
Cour d’appel de Versailles
RG n°
22/02435
COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

Chambre sociale 4-6

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 04 JUILLET 2024

N° RG 22/02435 – N° Portalis DBV3-V-B7G-VLHN

AFFAIRE :

S.A.S. BOTICINAL DOTCOM

C/

[E] [N]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 11 Avril 2022 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de SAINT-GERMAIN-EN-LAYE

N° Chambre :

N° Section : E

N° RG : 16/00275

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Matthieu ODIN de la SELARL SERRE ODIN EMMANUELLI

Me Rodolphe HUBER de

la SARL RH AVOCATS

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUATRE JUILLET DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

S.A.S. BOTICINAL DOTCOM

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Matthieu ODIN de la SELARL SERRE ODIN EMMANUELLI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R105 substitué par Me Clémence DONON avocat au barreau de PARIS

APPELANTE

Monsieur [E] [N]

né le 13 Juin 1981 à [Localité 5]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Me Rodolphe HUBER de la SARL RH AVOCATS, avocat au barreau de LILLE, vestiaire : 0089 substitué par Me Shahzad ABDUL avocat au barreau de PARIS

INTIME

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 28 Mai 2024 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Véronique PITE, Conseillère chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Nathalie COURTOIS, Président,

Madame Véronique PITE, Conseillère,

Madame Odile CRIQ, Conseillère,

Greffier lors des débats : Madame Isabelle FIORE,
FAITS ET PROCÉDURE

M. [E] [N], à partir de 2011, a initié, comme auto-entrepreneur et sous le nom commercial Ironshop, une activité dans le domaine du développement de solutions, de création et de gestion technique de sites marchands, ensuite exercée à compter du 16 janvier 2014 sous une forme sociale, dont il devenait le dirigeant.

Le 21 octobre 2013, un contrat de prestation de services d’un an portant effet au 1er novembre suivant, était conclu entre la société Ironshop, représentée par M. [N] et la société Pharmacie Bornand [J] aux droits de laquelle vint la société Santé Distribution Services (SDS) pour la maintenance et le développement informatique du site internet www.powersante.com dédié à la parapharmacie, contenant des missions de consulting stratégique, de stratégie de développement, de recherche et développement, d’outils et mise en ‘uvre, de maintenance et optimisation, moyennant un prix annuel de 78.200 euros.

M. [N] a ensuite été engagé par contrat à durée indéterminée à compter du 1er septembre 2014, en qualité de directeur e-commerce en charge du développement et de la profitabilité de l’activité, par la société Santé Distribution Services, devenue la société par actions simplifiée Boticinal Dotcom, qui a une activité de commercialisation et logistique de produits de parapharmacie, emploie plus de dix salariés et relève de la convention collective de la pharmacie, parapharmacie, produits vétérinaires : fabrication et commerce.

Le 15 avril 2015, la société Ironshop, avec un tiers, déposait la version 1.1 du logiciel afférant au site powersante.com auprès des services ad hoc.

M. [N], qui ne revint plus travailler après le 16 avril 2015, a été placé en arrêt de travail du 20 avril au 4 mai 2015, prolongé jusqu’au 29 mai 2015.

Le 21 avril 2015, la société Ironshop réclama paiement à la société SDS de 9 factures à raison de 169.322,58 euros, pour la période allant du 15 septembre 2014 au 15 mars 2015.

Convoqué le 30 avril 2015 à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 12 mai suivant et mis à pied à titre conservatoire, M. [N] a été licencié par courrier du 20 mai 2015 énonçant une faute lourde.

Autorisée par ordonnance du 27 août 2015, la société Ironshop fit ensuite pratiquer une saisie-contrefaçon dans les locaux de la société SDS, de l’hébergeur, du Registrar Privianet et du prestataire Pharma distri Services, puis assignait le 30 septembre 2015 la société Boticinal Dotcom en contrefaçon.

Parallèlement, M. [N] a saisi, le 28 août 2015, le conseil de prud’hommes de Saint-Germain-en-Laye aux fins de contester son licenciement et obtenir diverses indemnités à ce titre.

Le 23 septembre 2015, la société SDS déposa plainte avec constitution de partie civile contre lui, des chefs de maintien frauduleux dans un système de traitement automatisé des données, introduction de données, extraction, détention, reproduction ou transmission frauduleuse de données, association de malfaiteurs informatiques et abus de confiance.

Le 5 octobre 2016, M. [N] a été perquisitionné et placé en garde à vue, puis mis en examen le 1er décembre suivant du chef de participation à un groupement de malfaiteurs en vue d’atteindre un système informatique et abus de confiance.

Par décision du 24 avril 2017, le conseil prud’hommes de Saint-Germain-en-Laye a rendu une décision de sursis à statuer.

Le 21 janvier 2021, le juge d’instruction a rendu une ordonnance de non-lieu.

Parallèlement, le tribunal de grande instance de Nanterre, par jugement du 4 avril 2019, déclarait d’une part irrecevable la demande de la société Ironshop en reconnaissance de ses droits de propriété intellectuelle sur le logiciel permettant l’exploitation du site powersanté, les bases de données et les interfaces graphiques, faute d’intérêt à agir, d’autre part abusive la saisie-contrefaçon précédemment diligentée contre la société Boticinal Dotcom, qui en recevait dédommagement.

La société Ironshop était mise en liquidation judiciaire, ensuite.

Après l’ordonnance de non-lieu, M. [N] a demandé la réinscription au rôle de l’affaire devant le conseil de prud’hommes. Il sollicitait, au titre de l’exécution de son contrat de travail, le versement de dommages et intérêts pour travail dissimulé, et au titre de sa rupture, la requalification de son licenciement en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et le versement de diverses indemnités, ce à quoi la société s’est opposée.

Par jugement rendu le 11 avril 2022, notifié le 25 avril suivant, le conseil a statué comme suit :

Dit que le licenciement de M. [N] est dénué de cause réelle et sérieuse ;

Condamne la société Boticinal Dotcom (anciennement SDS) à payer à M. [N] les sommes suivantes :

– 3.984 euros à titre de salaires pendant la mise à pied conservatoire

– 398,40 euros au titre des congés payés afférents

– 3.984 euros au titre des congés payés restant dus

– 19.500 euros à titre d’indemnités de préavis

– 1.950 euros au titre de congés payés afférents au préavis,

– 1.218,95 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement

– 13.000 euros au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

– 3.000 euros au titre de l’indemnité pour préjudice moral

– 150 euros à titre de carence dans l’organisation d’une visite médicale d’embauche

– 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Boticinal Dotcom (anciennement SDS) à payer les intérêts de droit sur les salaires et éléments de salaire à compter du 4 Septembre 2015, date de réception par le défendeur de la convocation à l’audience du bureau de conciliation et du prononcé pour le surplus ;

Rappelle que par application de l’article R.1454-28 du code du travail, l’exécution provisoire est de droit pour la remise des documents et pour les indemnités énoncées à l’article R.1454-14 dans la limite de neuf mois de salaires et fixe pour ce faire la moyenne des trois derniers mois à la somme de 6.500 euros ;

Déboute M. [N] du surplus de ses demandes ;

Déboute la société Boticinal Dotcom (anciennement SDS) de l’intégralité de ses demandes ;

Condamne la société Boticinal Dotcom (anciennement SDS) aux éventuels dépens comprenant les frais d’exécution du présent jugement.

Le 20 mai 2022, la société Boticinal Dotcom a relevé appel de cette décision par voie électronique devant la cour d’appel de Paris.

Le 28 juillet 2022, elle en a relevé appel par voie électronique devant la cour d’appel de Versailles.

Selon ses dernières conclusions remises au greffe le 11 octobre 2022, la société Boticinal Dotcom demande à la cour de :

Confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [N] du surplus de ses demandes ; Infirmer le jugement en ce qu’il :

A dit que le licenciement de M. [N] est dénué de cause réelle et sérieuse ;

L’a condamnée à payer à M. [N] les sommes suivantes :

o 3.984 euros à titre de salaires pendant la mise à pied conservatoire ;

o 398,40 euros au titre des congés payés afférents ;

o 3.984 euros au titre des congés payés restant dus ;

o 19.500 euros à titre d’indemnités de préavis ;

o 1.950 euros au titre des congés payés afférents au préavis ;

o 1.218,95 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement ;

o 13.000 euros au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

o 3.000 euros au titre de l’indemnité pour préjudice moral ;

o 150 euros à titre de carence dans l’organisation d’une visite médicale d’embauche ;

o 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

L’a condamnée à payer les intérêts de droit sur les salaires et éléments de salaire à compter du 4 septembre 2015, date de réception par le défendeur de la convocation à l’audience du bureau de conciliation et du prononcé pour le surplus ;

L’a déboutée de l’intégralité de ses demandes ;

L’a condamnée aux éventuels dépens comprenant les frais d’exécution du présent jugement.

Statuant à nouveau :

A titre principal,

Dire et juger irrecevables et en tout cas mal fondées les demandes de M. [N] ;

Débouter M. [N] de ses demandes ;

A titre subsidiaire,

Dire et juger le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et en tirer les conséquences indemnitaires ;

Débouter M. [N] du surplus de ses demandes ;

A titre reconventionnel,

Condamner M. [N] à verser à « la société Santé Distribution Services » la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;

Condamner M. [N] à payer à la « société Santé Distribution Services » la somme de 7.200 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Mettre les dépens éventuels à la charge de M. [N].

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 6 novembre 2023, M. [N] demande à la cour de :

Confirmer le jugement en ce qu’il a jugé le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, et condamné la société Boticinal Dotcom à payer :

3.984 euros à titre de salaires pendant la mise à pied conservatoire, et 398,40 euros au titre des congés payés afférents

3.984 euros au titre des congés payés restant dus

19.500 euros au titre de l’indemnité de préavis, et 1.950 euros au titre des congés payés afférents

1.218,95 euros au titre de l’indemnité de licenciement,

Confirmer le jugement en ce qu’il a débouté la société Boticinal Dotcom de l’intégralité de ses demandes,

Infirmer le jugement sur le quantum des condamnations allouant des dommages et intérêts, et statuant à nouveau, condamner la société Boticinal Dotcom à payer :

Dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 39.500 euros

Dommages et intérêts réparant le caractère profondément vexatoire du licenciement : 50.000 euros

Dommages et intérêts réparant le préjudice moral subi : 35.000 euros

Condamner la société Boticinal Dotcom à payer la somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts pour l’absence de visite médicale, et la somme de 510,51 euros au titre des frais non remboursés,

Infirmer le jugement en ce qu’il l’a débouté de sa demande de reconnaissance de l’existence d’un travail dissimulé,

En conséquence, condamner la société Boticinal Dotcom à payer :

Salaires : 6.500 euros/mois pendant 5 mois et 9.000 euros/mois pendant 5 mois, soit 77.583,35 euros

Congés payés sur salaires : 7.758 euros

Dommages et intérêts pour travail dissimulé : pour un salaire moyen de 7 758,33 euros sur la période globale considérée soit 6 mois x 7 758,33 euros = 46.550 euros

Condamner la société Boticinal Dotcom à lui verser la somme de 15.289 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer aux écritures susvisées.

Par ordonnance rendue le 7 février 2024, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l’instruction et a fixé la date des plaidoiries au 28 mai 2024.
MOTIFS

D’emblée, il sera relevé qu’aucun moyen ni fin ne soutiennent la demande de la société Boticinal Dotcom de voir déclarer M. [N] irrecevable en ses demandes, et il convient, au contraire, de l’y dire recevable.

Sur la relation entre les parties avant le 1er septembre 2014

La société Boticinal Dotcom se prévaut du contrat de prestations de service la liant alors à la société Ironshop, dont M. [N] était le dirigeant et le salarié et fait égard à la présomption posée par l’article L.8221-6 du code du travail, qu’elle estime non renversée. Elle note au reste avoir déjà réglé ces prestations, et ne devoir aucune somme en sus, serait-ce à titre de salaire.

M. [N], qui sollicite un rappel de salaire à compter du 1er novembre 2013, prétend avoir remplacé dès le début de l’année 2014, M. [L], directeur e-commerce et webmarketing salarié alors absent, qui gérait seul le site, en épousant progressivement ses tâches dépassant sa mission contractuelle et le plaçant sous le même lien, au regard des directives reçues, de son intégration dans le service, du contrôle subi et de ses conditions de travail, imposées, dont le contrat de travail ensuite signé manifesta la simple reconnaissance.

Il plaide son état de dépendance économique, en fait, et juridique, en raison d’une clause d’exclusivité.

Cela étant, il appartient à celui qui se prévaut d’un contrat de travail d’en établir l’existence, qui dépend des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité du travailleur.

Le contrat de travail est caractérisé par une prestation, une rémunération, et un lien de subordination, qui suppose l’exécution du travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

L’article L.8221-6 du code du travail dit que « I.-Sont présumés ne pas être liés avec le donneur d’ordre par un contrat de travail dans l’exécution de l’activité donnant lieu à immatriculation ou inscription :

1° Les personnes physiques immatriculées au registre du commerce et des sociétés (‘) 

II. – L’existence d’un contrat de travail peut toutefois être établie lorsque les personnes mentionnées au I fournissent directement ou par une personne interposée des prestations à un donneur d’ordre dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l’égard de celui-ci. »

En l’occurrence, M. [N] agissant sous couvert d’une société dont il ne dénie pas être l’unique associé et salarié, est présumé, dans ses rapports avec le donneur d’ordre, n’être pas lié par un contrat de travail dans l’exécution des missions imparties.

De la sorte, l’effectivité de la prestation et de la rémunération ne sont pas disputées.

Cela étant, son état de dépendance économique, et notamment la circonstance que cette relation constitue l’essentiel puis la totalité du chiffre d’affaires de la société Ironshop dont M. [N] se prévaut, est sans emport pour renverser cette présomption.

De même, l’importance de la tâche accomplie dont parle M. [H], sous contrat de professionnalisation, l’attribution d’une adresse mail professionnelle l’intégrant à la communauté de travail comme sa participation aux réunions de l’entreprise ou son affichage aux tiers tel un collaborateur ou le successeur de M. [L], absent dès janvier 2014, ne disent rien de la subordination à l’égard du donneur d’ordre, d’autant que l’intéressé, dans ses correspondances, se définissait lui-même en tant que « consultant e-commerce et communication » « directeur Ironshop.fr » et donnait les coordonnées de sa société à laquelle diverses correspondances étaient directement adressées.

Par ailleurs, les échanges dont M. [N] se prévaut, et qui ne l’obligeaient pas nécessairement même s’il était mis en copie, à l’occasion tardifs, ne démontrent pas son implication hors du champ singulièrement large des prestations conventionnelles de sa société, et contenant, comme le relève la société Boticinal Dotcom et l’a noté le conseil de prud’hommes, l’assistance stratégique et décisionnelle, la recherche et la mise en ‘uvre de solutions innovantes à l’aide à la décision, l’étude des stratégies de développement, du marketing (cross selling, up selling, promotions), la sensibilisation sur les coûts (cost killing, nearshore), l’assistance au maître d’ouvrage du site, l’amélioration de la synergie globale des employés et de l’infrastructure, le référencement, la veille concurrentielle, la résolution des anomalies, alors qu’ils concernaient, pour ce qui lui étaient adressés avec intention, la résolution de dysfonctionnements du site (suspension du site faute de paiement d’une facture, mail du 24 avril 2014, double débit d’une même commande, mail du 22 mai 2014), le référencement (l’affichage de la bannière powersanté sur différents sites ou pour différentes marques, mails des 14, 24 avril, 14, 20, 21 mai, 30 juillet 2014), l’analyse de la concurrence (mails des 10 avril 2014, 21 mai 2014), l’analyse ou le suivi des coûts (de prestataires de livraison, mail du 22 avril 2014, d’un chariot de préparation de commandes, mail du 14 mai 2014, des produits non rentables mail du 10 avril 2014, des audits de marque mail du 19 mai 2014), l’analyse des clics au regard de la performance (étude 2013-2014), des considérations techniques sur le site ou en vue de créer des adresses mail.

Ensuite, sa désignation comme étant le dernier intervenant sur le site à l’occasion d’une campagne d’emailing, ne révèle pas la nature de son action.

Le témoignage de M. [F], également consultant sur le site, disant que l’intéressé avait repris dès le mois de mars 2014 les fonctions de M. [L], que corrobore pour partie l’invitation faite aux tiers de communiquer, durant l’arrêt maladie de ce dernier avec M. [N], ne justifie non plus des conditions réelles de son activité, dont partie était, de toute manière, concédée à des prestataires extérieurs.

En tout état de cause, il ne se déduirait pas de la réalisation de prestations hors du contrat commercial, à le supposer vrai, ipso facto, qu’elles l’aient été sous le régime de la subordination.

M. [N] ne peut sérieusement tenir pour des directives au sens du droit du travail les orientations du donneur d’ordre, maître de l’ouvrage du site, entrant dans le champ du prestataire (parmi d’autres, mail du 27 mars 2014 « pas de produits sur ebay », mail du 2 avril 2014 « les priorités powersanté »), ou sa sollicitation pour maintenance lors de bugs, ou, au reste, les ordres donnés à d’autres et dont il est en copie.

La circonstance que son avis soit sollicité, une fois, pour le congé d’une collaboratrice chargée du site, sur le paiement d’une facture en lien avec la désactivation du site, sur le déménagement de Powersanté ou qu’il sollicite lui-même l’avis des collaborateurs (sur le paiement d’une facture, la comptabilisation d’une remise à son initiative) s’explique par son insertion dans une même communauté de travail, quel qu’en soit le statut.

De même, la demande que lui adressait le pharmacien directeur de s’occuper de l’acquisition de matériel informatique pour le dépôt powersanté (mail du 1er juillet 2014) dont il se préoccupait de la bonne fin (mail du 22 juillet 2014) ou celle du responsable de la comptabilité d’obtenir la liste des prestataires intervenant sur le site (mail du 2 juillet 2014) témoignent d’une même communauté d’activité, et ne justifie d’aucune subordination par directive ou contrôle, pas plus que les recommandations de M. [N], de l’achat d’un ondulateur par mail du 3 mars 2014, qu’il fait valoir.

Si M. [N] se prévaut de l’audition de M. [J], gérant de la société SDS, devant les services de police le 8 mars 2016 révélant, selon lui, la fixation d’objectifs en 2014, il n’en reste pas moins que ce dernier n’admit n’en avoir fixé qu’au moment de la conclusion de son contrat de travail signé le 26 juin 2014, à effet au 1er septembre suivant, de « façon tacite », si bien qu’ils n’étaient pas conventionnels et n’ont en réalité, jamais été manifestés, au surplus, durant la période de sous-traitance.

Ne constitue pas non plus une reddition de comptes, l’interrogation sur les baisses de commandes, alors que la société Ironshop avait pour mission l’aide au développement et l’assistance stratégique, et que la demande s’appréhendait dans son champ de compétence technique ainsi que le révèle l’échange de SMS le 22 mai 2014.

Par ailleurs, si M. [N] fait valoir le recrutement d’un stagiaire en contrat de professionnalisation : M. [H] sous son tutorat, il ressort des pièces versées aux débats qu’il en faisait seul la proposition, acceptée, ce qui révèle, au contraire, son autonomie, d’autant que ce dernier témoigne de la sous-traitance de la société Ironshop auprès de développeurs russes, qu’elle rémunérait, que l’intimé concède et que relève la société Boticinal Dotcom. La violation des dispositions de l’article D.6325-6 du code du travail disant que le tuteur d’un contrat de professionnalisation est choisi parmi les salariés, à cette occasion, n’est pas un critère pertinent de la subordination, pas plus que ses précisions données sur les horaires et l’organisation de ce jeune notamment au responsable de la comptabilité, le 16 juillet 2014, ne se confondent avec la surveillance de son équipe, dont il se prévaut encore.

Il n’établit pas au demeurant avoir recruté un chef de projet webmarketing et traffic management, par le mail du 28 mars 2014 du gérant disant seulement « chef de projet webmarketing & traffic management Cdi, 25.000 [euros]/an ».

S’il indique qu’une présence de 3 jours par semaine lui était impartie au siège social, passée à temps complet en avril 2014, il n’en apporte pas la preuve, ni au reste, d’une contrainte horaire que ne révèle pas l’agacement du gérant, informé de son absence suite à la suppression d’un train précédée de 2 semaines d’absence pour congés, manifesté par son mail du 16 juin 2014 ne disant rien d’un contrôle, a fortiori d’une sanction, ou les demandes faites de son implication, notamment pour les mises à jour du site, d’ailleurs ainsi formulées « toujours disponible pour la mise à jour de demain ‘ » (mail du 2 décembre 2013). L’avenant discuté le 1er avril 2014 majorant le prix du forfait mensuel en prenant acte de l’augmentation de l’activité et de la nécessité d’une personne de la société Ironshop travaillant chaque jour de la semaine pour la société SDS n’implique aucune contrainte d’organisation, et à l’inverse, la société Ironshop informait son partenaire d’une possible présence sur site 5 jours par semaine de M. [N] à partir du 1er septembre 2014, nullement imposée.

Au contraire, ainsi que la société Boticinal Dotcom le relève, aucune durée de travail n’était convenue ni ne fut appliquée tandis que les conditions tarifaires de la prestation étaient forfaitaires.

Par ailleurs, la société Ironshop n’était tenue d’aucune exclusivité dont ne témoigne pas la mention, portée au contrat commercial, d’un contrat annuel exclusif qui n’oblige que le donneur d’ordre à n’en concéder nulle autre part à quiconque, mais n’empêche pas la société Ironshop d’avoir d’autres clients, ainsi au demeurant que l’analyse de ses factures par l’expert-comptable dans son rapport du 18 juin 2023, le confirme.

Au surplus, alors que dans son courrier du 2 janvier 2015, M. [N] ne prétendait nullement avoir été salarié dès l’origine de leurs relations remontant au demeurant à 2011 et déplorait seulement ses conditions de travail depuis son salariat, il ne conteste pas s’être acquitté des obligations comptables, fiscales et sociales dérivant du statut choisi, qu’à l’inverse accréditent la délivrance de factures, la tenue de la comptabilité, qu’analysa l’expert-comptable à partir du grand livre, la soumission à la TVA qu’il évoque.

Au vu de l’ensemble de ces éléments, il convient de considérer que l’intéressé ne renverse nullement la présomption posée par l’article L.8221-6 précité.

Dès lors, c’est à juste titre que le conseil de prud’hommes a rejeté la demande de requalification de la relation en un contrat de travail, et le jugement sera confirmé à cet égard.

Sur l’exécution du contrat de travail

Sur la visite médicale d’embauche

Alors que M. [N] sollicite la confirmation du jugement à cet égard, la société Boticinal Dotcom, en relevant le défaut de fondement même en fait, nie le dommage.

L’article R.4624-10 du code du travail, dans sa version applicable aux faits, dispose que le salarié bénéfice d’un examen médical avant l’embauche et au plus tard avant la fin de sa période d’essai.

Cependant, M. [N], par le truchement du 6ème alinéa de l’article 954 du code de procédure civile ne fait nul égard à un dommage que le jugement n’évoque pas alors qu’il constitue l’une des conditions de la responsabilité recherchée.

Le jugement sera infirmé, et la demande de l’intimé rejetée.

Sur les frais professionnels

Au regard des stipulations, la société Boticinal Dotcom nie devoir les frais non justifiés que M . [N] réclame pour le mois d’avril 2015.

L’avenant du 20 octobre 2014 stipule que « les frais exposés par monsieur [E] [N] pour l’exercice de ses fonctions professionnelles lui seront remboursés sur présentation de pièces justificatives dans la limite de 500,00 € par mois. »

Cela étant, l’intéressé ne soumettant nulle pièce justificative au soutien de sa demande dont il liste seulement le détail, ne peut être suivi au regard des termes du contrat formant la loi des parties, et elle sera rejetée par voie de confirmation du jugement, qui en a fait une exacte appréciation.

Sur le licenciement

La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, est ainsi libellée :

« Je fais suite à notre entretien du 12 mai 2015, au cours duquel je vous ai exposé les raisons pour lesquelles j’envisageais votre licenciement et ai pu recevoir vos observations.

Par la présente, je vous notifie ma décision de rompre votre contrat de travail avec effet immédiat.

Les raisons de cette décision sont les suivantes :

Vous avez été engagé en vertu d’un contrat de travail en date du 25 juin 2014, ayant pris effet le 1er septembre 2014, en qualité de directeur e-commerce.

En cette qualité et par référence aux termes du contrat, notamment son article premier, vous aviez en charge le développement de l’activité et de la profitabilité de l’activité e-commerce.

A cette fin, vous deviez proposer les mesures nécessaires à ces fins et les mettre en ‘uvre.

Vous deviez reporter à la direction de l’entreprise.

Vous vous êtes engagé à ne divulguer à l’extérieur aucune information concernant l’entreprise, le site internet ou les sociétés partenaires, en application de l’article 7 de ce contrat.

Le 2 janvier 2015, vous m’avez adressé un courrier à la tonalité très agressive, par lequel notamment :

Vous utilisez comme expressions : « obstacle à l’exécution de mon contrat » ;

Vous prétendez réaliser que « les pouvoirs qui vous sont assignés sont insuffisants », alors qu’ils sont énoncés dans le contrat, et vous soutenez qu’ils sont « même devenus inexistants » et que vous seriez ainsi « empêché de mettre en ‘uvre les missions confiées ».

Vous ne contestez donc pas qu’il vous a été confié des missions mais vous ne caractérisez en rien ce qui vous empêcherait de les mettre en ‘uvre en conformité avec les termes du contrat.

Vous prétendez être l’objet d’« humiliations » mais vous ne décrivez pas en quoi elles consisteraient.

Vous affirmez que « les pouvoirs attribués » – ce qui revient à admettre que vous en détenez ‘ « ne sont pas en rapport avec les pouvoirs naturellement entendus pour ce poste, ce qui constitue de fait un obstacle à l’exécution de votre contrat de travail en tant que directeur ».

Mais vous ne précisez aucunement ceux qui, contractuellement établis, vous manqueraient de fait.

Vous prétendiez que cette situation que vous m’imputez au moins tacitement, a eu pour « effet de ruiner tous vos efforts, mais sans préciser vos efforts, qui « auraient ainsi été ruinés » et pourquoi ils l’auraient été.

Alors que vous n’aviez jusqu’alors rien exprimé, vous avez prétendu n’avoir pu « mot dire ni intervenir », ce qui est contredit par votre courrier lui-même qui montre que vous n’hésitez pas à le faire, sous une forme injustement polémique et avec des affirmations totalement inopérantes.

Vous avez annoncé que vous alliez « prendre acte de la rupture de votre contrat de travail » pour les raisons qui précèdent, lesquelles sont rigoureusement injustifiées.

Je vous ai répondu le 7 janvier 2015 en soulignant l’inanité de vos affirmations.

Depuis cet échange, vous n’avez tenu aucun compte de mes observations.

Pendant votre absence, ayant pris effet le 20 avril 2015, nous avons constaté que vous n’aviez mis en place aucune solution de continuité en cas d’absence de votre part.

Par courrier électronique, je vous ai demandé de me transmettre de toute urgence les codes d’administration des serveurs.

Vous m’avez répondu de façon non satisfaisante.

Nous avons dû faire appel à une entreprise spécialisée.

Vous avez fait ouvrir, pendant que vous étiez en arrêt pour maladie, des portes dérobées sur le serveur du site avec un lien vers votre entreprise Ironshop.

Tout récemment, la société Ironshop, sous la signature de votre compagne qui vous a officiellement succédé au poste de président de celle-ci, nous a fait parvenir une mise en demeure d’avoir à payer des factures pour la période du 15 septembre 2014 au 15 mars 2015.

Or, nous n’avons, préalablement à cet envoi, reçu aucune facture de cette société pour la période considérée et pour cause, puisque la prestation objet de votre contrat de travail correspond à celle que prétend facturer aujourd’hui votre société.

Si cette mise en demeure est intervenue sur papier à entête de la société Ironshop, vous ne pouvez contester qu’elle a été opérée de concert entre votre compagne et vous-même.

Un audit informatique a révélé que vous avez fait procéder à l’installation de logiciels de bureautique « piratés » sur les ordinateurs de votre équipe.

Ces fautes lourdes, ce comportement déloyal, irresponsable et non professionnel, nuit gravement à l’entreprise, à sa clientèle et à son personnel.

En conséquence, nous vous signifions par la présente votre licenciement pour faute lourde à compter de ce jour, les faits relatés ne nous permettant pas d’envisager d’autre solution.

Nous vous remettrons votre certificat de travail, votre attestation ASSEDIC, votre dernier bulletin de paie, votre reçu pour solde de tout compte, ainsi que les sommes qui pourraient vous être dues ».

Selon l’article L.1235-1 du code du travail, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du code du travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. L’employeur doit rapporter la preuve de l’existence d’une telle faute, et le doute profite au salarié.

La faute lourde comprend en plus l’intention du salarié de nuire à son employeur.

Sur la cause

La société Boticinal Dotcom prétend que M. [N] provoqua la dégradation de la relation conventionnelle et captant les droits sur le logiciel de l’entreprise déposés en fraude de ses droits, exerça un chantage en vue d’obtenir le paiement de factures fictives établies au profit de sa société, pour des prestations qu’il avait réalisées comme salarié, sous la menace, au reste suivie d’effets, d’interruption de son activité.

Fondant l’intention de nuire dans la volonté de son adversaire de lui empêcher l’accès à son site, elle fait valoir le rapport de la société Tokidev, régulièrement versé aux débats qui mit en exergue une intrusion malveillante les 20 et 21 avril 2015 faite au profit de la société Ironshop pour lui en assurer le contrôle, dont M. [N] fit aveu.

Elle dénie que le non-lieu ruine les motifs du licenciement, faute d’identité des faits constitutifs de la faute civile ou pénale.

M. [N] voit pour cause de la dégradation de la relation de travail la demande de la société de lui céder, sans prix, ses droits sur le logiciel développé dès avant la relation de travail. Il souligne, outre sa liberté d’expression sur ses conditions de travail, la prescription des faits, à les supposer fautifs, dérivant de sa lettre du 2 janvier 2015. Il dénie avoir eu la charge de trouver, en son absence, une solution de continuité, résultant toutefois de la passation, à d’autres, des codes d’administration du site. Il précise avoir communiqué le lendemain de la demande ainsi faite, les codes du serveur, sans qu’aucune insuffisance ne lui soit alors reprochée, et que la société, qui les avait précédemment réclamés auprès de l’hébergeur, détenait déjà.

Dénonçant les man’uvres adverses, il nie toute intrusion sur le site, que l’expertise diligentée par le juge d’instruction ne mit pas en lumière et qui conduisit au prononcé d’un non-lieu. Il sollicite l’éviction des débats de l’expertise faite par la société Tokidev, partie prenante pour s’être ensuite vue concéder le marché de la prestation de service, critique le constat d’huissier réalisé sur un autre site, et qui mentionne sur la sauvegarde le 23 avril 2015 le code malicieux qui n’aurait plus dû s’y trouver, sans faire mention des interventions ayant permis de l’atteindre, enfin dispute le rapport de la société Securymind, bâtie sur le présupposé du piratage, et qui ne mit pas en exergue la porte dérobée sur le site.

Il considère sans lien avec la prestation de travail, la réclamation de la société Ironshop, qui y est exogène.

Il nie avoir installé des logiciels piratés sur les ordinateurs de son équipe, qu’aucun élément n’étaye.

Au préalable, si M. [N] fait égard à la prescription des faits fautifs, sinon à sa liberté d’expression pour ce qui concerne sa lettre du 2 janvier 2015, elle ne participe pas, en soi, des faits reprochés, sauf comme prémice sans s’y confondre, rendant ces moyens inopérants.

Il reste que, comme le relève la société Boticinal Dotcom, l’intimé ne s’en explique pas précisément, sans justifier de rien.

S’il estime avoir, alors, eu un droit de propriété intellectuelle sur le logiciel, la succombance de la société Ironshop dans son action menée devant le tribunal de grande instance de Nanterre en contrefaçon du logiciel e-commerce dénommé powersante.com, aux termes du jugement rendu le 4 avril 2019 tend à démontrer le contraire.

Sur la paralysie du site

Alors que la société Boticinal Dotcom plaide l’organisation de la paralysie du site exigeant des modifications quotidiennes faute pour le salarié, absent, d’avoir laissé ses codes d’administration des serveurs du site et les paramètres permettant de le modifier, il n’est pas justifié que M. [N], sollicité pour ce faire le 21 avril, et qui revendiquait alors des droits exclusifs sur le site, y pourvut par son mail adressé le lendemain, désignant seulement une pièce jointe omise aux débats, et ce, sans qu’importe la bonne fin des démarches entreprises par la partie appelante dès le 17 avril, auprès de l’hébergeur. Au contraire, la lettre de la société Ironshop adressée le 12 juin 2015 à l’hébergeur lui reprochant précisément la violation de ses droits manifestée par cette communication :« à l’exception d’Ironshop elle-même et de votre société [l’hébergeur], personne ne disposait des codes d’accès au serveur qui héberge le site internet » comme l’aveu de M. [N] d’avoir détenu seul les codes source avec M. [Y], qui est le développeur russe ayant conçu le programme du logiciel les ayant créés, et sa précision de modifier, avec son aide, seuls le site à l’exclusion de tout autres, corroborent leur non-transmission à quiconque et par suite la privation de la société SDS de ses accès, M. [N] lors de son audition du 5 octobre 2016 précisant encore que M. [L] détint seulement, quand il travaillait, une voie de consultation sans modification possible.

Dans ce contexte, il convient de dire le grief suffisamment établi.

Etant au surplus observé que dans le même temps, la société Ironshop déposait sa version du logiciel devant les services de la SDGL pour voir reconnaître ses droits de propriété intellectuelle, il signe l’intention de nuire, par rétention des informations nécessaires à la poursuite de l’activité.

Sur l’immixtion de la société Ironshop dans le site powersanté

Certes, le rapport d’activité « analyse et sauvegarde des serveurs powersante.com » de la société Tokidev établi en avril 2015, dont la valeur probante doit être appréciée sans qu’aucune cause suffisante ne préside à son éviction des débats compte tenu de la liberté de la preuve, conclut à l’installation d’un tracker permettant à la société Ironshop de pénétrer sur le site dont le procès-verbal de constat sur internet du 11 mai 2015 relevait les traces scripturales avec l’assistance de la société Securymind en adéquation avec son propre rapport du 3 juin 2015. En concordance avec ces documents, M. [N] affirma lors de son audition détaillée sous cet aspect devant les services de gendarmerie le 5 octobre 2016 (« depuis 2012, le logiciel détint un tracker pour détecter toute installation non autorisée. C’est-à-dire que si quelqu’un l’installe sur un autre serveur nous en sommes informés (‘) moi et [D] [Y] » « le 20 avril 2015, M. [Y] m’a contacté à nouveau par Skype pour me dire qu’il avait modifié le tracker. Il m’a dit que cette modification allait nous envoyer par mail les mêmes informations que pour la première version du tracker mais qu’en plus nous aurions l’adresse mail de connexion de la personne qui aurait installé le logiciel sur un autre serveur » « je lui ai parlé qu’il fallait mettre en place de nouvelles mesures techniques de protection, le vendredi soir soit le 17 avril »), dont il attribua le geste à M. [Y].

Pour autant, il n’en reste pas moins que l’expertise informatique ordonnée par le juge d’instruction ne permit pas d’en retrouver la trace exposée par ces documents, que M. [N] revint sur ses déclarations et que M. [Y], selon le réquisitoire, concéda ne pas s’en souvenir, quoiqu’il précisât, d’ailleurs en contradiction avec les spécifications de M. [N] qu’il n’agit jamais sans son ordre, n’en avoir pas reçu l’instruction de sa part.

Le doute devant profiter au salarié, ce grief ne sera pas retenu.

Sur l’installation de logiciels de bureautique piratés sur les ordinateurs des collaborateurs

La société Boticinal Dotcom ne soutient plus ce grief.

Sur la demande en paiement de factures

Il est acquis aux débats que la société Ironshop, alors présidée par la compagne de M. [N], Mme [C], fit parvenir à la partie appelante, le 21 avril 2015 un ensemble de factures de prestations échelonnées du 15 septembre 2014 au 15 mars 2015 en exécution du contrat annuel, d’un montant total de 169.322,58 euros, dont elle réclama ensuite le paiement forcé.

Ces demandes, imputables à M. [N] comme gérant de fait ainsi que les éléments en la cause le laissent présumer au sens de l’article 1382 nouveau du code civil, et au reste plus spécifiquement le témoignage du 5 juillet 2016 de M. [R], gérant de l’hébergeur, ou celui de Mme [C], concédant avoir pris la gérance à la demande de M. [N] (« je n’ai posé de questions, je fais confiance à mon homme » « je signais des papiers. Je ne sais plus quoi exactement (‘) je pensais plus à mon bébé qu’aux papiers que je signais », audition du 5 octobre 2016), et non causées en fait ainsi que l’établit suffisamment leur rejet par jugement du 4 avril 2019 puis leur délaissement et parce que, de toute manière, son contrat de travail les privait d’intérêt, et qui furent formées juste avant son arrêt maladie, portent en elles l’intention de nuire.

Sur le comportement déloyal

Il résulte suffisamment des fautes retenues contrevenant radicalement au contrat de travail d’un développement du logiciel sous la conduite et la direction de l’employeur le mettant en difficulté dans son exploitation et témoignant de la volonté déterminée du salarié d’obtenir des droits concurrents distinctement manifestés par les procédures ayant ensuite opposées les parties, l’impossibilité de poursuivre cette relation. Elles s’assimilent à une faute lourde, comme exposé.

M. [N] sera débouté de ses prétentions intéressant le licenciement, par voie d’infirmation du jugement.

Sur les conditions

M. [N] sollicite la réparation des conditions brutales de son licenciement soutenu par des griefs inexistants et plaide l’atteinte à sa réputation l’ayant empêché de retrouver durablement du travail, dont la société Boticinal Dotcom relève, faute d’éléments, la vacuité.

C’est à juste titre que la partie appelante relève n’y avoir la preuve d’une faute de sa part, qu’il appartient à l’intimé, ici défaillant, d’administrer. Le jugement sera confirmé à cet égard.

M. [N] fait valoir l’impact du licenciement sur sa vie personnelle, ayant conduit à sa renonciation à l’acquisition d’un bien immobilier, à son déménagement dans l’urgence et à l’annulation de son mariage alors que la société Boticinal Dotcom soutient l’identité du dommage dont l’indemnisation est réclamée, au titre du licenciement injustifié et du préjudice moral, dont elle conteste la preuve.

Le licenciement étant fondé, cette demande ne peut prospérer et sera rejetée par infirmation du jugement.

Sur la demande reconventionnelle

La société Boticinal Dotcom sollicite des dommages-intérêts pour l’exécution de mauvaise foi du contrat de travail, dont le dommage dérive d’une part de sa crainte toujours actuelle d’une immixtion ou d’une concurrence déloyale, d’autre part des frais exposés et du temps perdu pour renforcer sa sécurité.

Le contrat de travail s’exécute de bonne foi.

Il résulte de ce qui précède, que le comportement de M. [N] ayant souhaité doubler son employeur sur les droits dérivant de l’activité exercée sous sa direction est exempt de bonne foi.

Il sera condamné à lui payer 8.000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi par voie d’infirmation du jugement.
PAR CES MOTIFS

La COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement entrepris en ce qu’il a rejeté les demandes de M. [E] [N] de requalification de la relation de travail du 1er novembre 2013 au 31 août 2014, et celles subséquentes en paiement de l’indemnité de travail dissimulé ainsi qu’en rappel de salaire, de paiement de ses frais professionnels en avril 2015, de dommages-intérêts en réparation des conditions vexatoires du licenciement ;

L’infirme sur le surplus ;

Statuant de nouveau des chefs infirmés et y ajoutant ;

Dit M. [E] [N] recevable en ses demandes ;

Déboute M. [E] [N] de ses demandes en requalification et en indemnisation de son licenciement, et en dommages-intérêts faute de visite médicale d’embauche ;

Condamne M. [E] [N] à payer à la société par actions simplifiée Boticinal Dotcom :

8.000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi suite à l’exécution déloyale du contrat de travail ;

5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [E] [N] aux entiers dépens.

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Nathalie COURTOIS, Président et par Madame Isabelle FIORE greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier Le Président

 


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