Cour d’appel de Versailles, 4 juillet 2018
Cour d’appel de Versailles, 4 juillet 2018

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Versailles

Thématique : Presse magazine en difficulté : attention au réembauchage fautif

Résumé

En matière de licenciement économique, l’employeur doit veiller à respecter son obligation de reclassement. Dans l’affaire du groupe Marie Claire, une salariée licenciée a obtenu gain de cause pour non-respect de cette obligation, car un poste similaire avait été pourvu peu après son départ. Bien que des difficultés économiques aient été établies, le non-reclassement a conduit à la requalification du licenciement comme dépourvu de cause réelle et sérieuse. Cette situation souligne l’importance de respecter les procédures de reclassement pour éviter des sanctions financières et juridiques.

Licenciement économique et nouvelle embauche

En matière de licenciement économique, la bévue à ne pas commettre est de recruter, à quelques semaines près, un salarié à un poste similaire à celui supprimé, l’employeur pourrait ainsi être condamné pour non-respect de son obligation de reclassement du salarié licencié.

Affaire Marie Claire

Le groupe Marie Claire, a pour activité principale l’édition et comprend plusieurs sociétés (Marie Claire Album, Avantages, Inter Edi, Mariages, Votre Beauté, Revue du Vin de France …) lesquelles forment une unité économique et sociale (UES) dont le secteur d’activité est la presse magazine. Fin 2014, un second projet de réorganisation du groupe Marie Claire a été initié impliquant notamment la suppression de 6 postes au sein de l’UES dont 4 au sein de la société Marie Claire Album (1 poste de rédacteur en chef adjoint, 1 poste de grand reporter, 2 postes de rédacteur graphiste). L’une des rédactrices en chef adjointe licenciée a obtenu la condamnation de l’UES pour non-respect de l’obligation de reclassement. La réalité des difficultés économiques du groupe était en revanche établie.

Conditions du licenciement économique

En application de l’article L. 1233-3 du code du travail dans sa version applicable à l’espèce, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel de son contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques.

La réorganisation d’une entreprise, si elle n’est pas justifiée par des difficultés économiques ou par des mutations technologiques, doit être indispensable à la sauvegarde de sa compétitivité ou de celle du secteur d’activité du groupe auquel elle appartient.

La sauvegarde de la compétitivité ne se confond pas avec la recherche de l’amélioration des résultats, et, dans une économie fondée sur la concurrence, la seule existence de la concurrence ne caractérise pas une cause économique de licenciement.

En l’occurrence, la  menace sur la compétitivité existant sur le secteur de la presse magazine du groupe Marie Claire, était prouvée. L’analyse globale au niveau du groupe Marie Claire révélait des difficultés depuis plusieurs années liées à un secteur d’activité exposé à une concurrence importante et à un nouveau mode de consommation qui génèrent une crise du marché de la presse magazine. Les  mesures déjà mises en place pour sauvegarder la compétitivité ont été jugées insuffisantes en raison d’une baisse constante du chiffre d’affaires de l’UES Marie Claire et de ses résultats d’exploitation. La réorganisation était donc indispensable à la sauvegarde de la compétitivité.

L’obligation de reclassement sous-estimée

Aux termes de l’article L. 1233-4 du code du travail, le licenciement pour motif économique d’un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d’adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l’intéressé sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu’il occupe ou sur un emploi équivalent ou à défaut, et sous réserve de l’accord exprès du salarié, sur un emploi d’une catégorie inférieure, ne peut être réalisé dans le cadre de l’entreprise ou, le cas échéant, dans des entreprises du groupe auquel l’entreprise appartient ; les offres de reclassement doivent être écrites et précises. Les possibilités de reclassement s’apprécient à la date du licenciement.

En l’espèce, l’employeur avait bien proposé à la salariée un poste de reclassement au sein du groupe (rédactrice au  titre Cosmopolitan), mais ce poste avait été refusé par la salariée au motif qu’il constituait une rétrogradation avec une perte de revenus de 50%.

Par la suite, à l’examen du registre unique du personnel de la société Marie Claire Album, une salariée avait été embauchée par contrat à durée indéterminée en qualité de rédactrice en chef adjointe.  L’employeur a opposé sans succès que le poste en cause ne correspondait pas à « l’hyper spécialisation dans le domaine psycho-sexo » de la salariée licenciée. Dès lors, en n’ayant pas proposé à la salariée ce poste de reclassement lequel était devenu disponible 17 jours avant son licenciement intervenu, la société Marie Claire Album a manqué à l’obligation de reclassement. En conséquence, le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse (92 000 euros en réparation du préjudice matériel et moral subi par la salariée).

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