Cour d’appel de Versailles, 31 janvier 2019
Cour d’appel de Versailles, 31 janvier 2019

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Versailles

Thématique : Dénigrement publicitaire : conditions de la saisie de documents

Résumé

La saisie de documents peut être annulée si la société requérante ne présente pas d’indices plausibles de concurrence déloyale ou de dénigrement publicitaire. Dans l’affaire Babyliss, le concurrent a tenté de prouver que Babyliss avait copié ses codes de communication pour son produit ‘Digital Sensor’. Cependant, la saisie demandée n’était pas justifiée par un motif légitime selon l’article 145 du code de procédure civile. Ce dernier stipule qu’une mesure d’instruction doit être fondée sur des éléments crédibles, sans nécessiter la preuve des faits invoqués, mais en justifiant des suppositions.

Une saisie de documents peut être annulée lorsque la société à l’origine de la saisie ne présente pas d’indices suffisamment plausibles à l’appui des griefs de concurrence déloyale et de dénigrement publicitaire. Par ailleurs, ne constitue pas un dénigrement publicitaire, le fait pour des vendeurs, de comparer le produit avec celui de la concurrence. En effet, les argumentaires des commerciaux sont nécessairement construits par référence aux produits de la concurrence pour présenter les avantages des produits qu’ils entendent commercialiser.  

Affaire Babyliss

Dans l’affaire soumise, la saisie opérée par un concurrent de la société Babyliss en vue d’établir des actes de concurrence déloyale et dénigrement publicitaire, ne reposait pas sur un motif légitime au sens des dispositions de l’article 145 du code de procédure civile.

Reprise de codes de communication

Affirmant que la société Babyliss, pour la commercialisation de son sèche-cheveux ‘Digital Sensor’, reprenait ses codes de la communication, le concurrent a dénoncé en vain, d’une part, la reprise par la société Babyliss sur son emballage ‘Digital Sensor’ de plusieurs éléments caractéristiques de son emballage ‘Supersonic’, soit la présentation du sèche-cheveux de face sur fond blanc, l’allégation relative à l’intelligence du produit, la représentation des flux d’air dans des tonalités roses, et en outre, dans la brochure qu’elle met à disposition des clients, la présentation du moteur entre deux doigts, la représentation de l’intérieur de la machine avec la mise en avant du microprocesseur et l’image d’un ingénieur en blouse …

Conditions de la saisie de documents

Le concurrent a déposé une requête devant le président du tribunal de commerce, au visa de l’article 145 du code de procédure civile, aux fins de désignation d’un huissier de justice, assisté d’un expert informatique, chargé de se rendre au siège social de la société Babyliss et prendre copie de documents, fichiers, correspondances, sous forme papier et/ou électronique.

Aux termes de l’article 145 du code de procédure civile, s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé.

L’application des dispositions de l’article 145 du code de procédure civile suppose que soit constaté qu’il existe un procès « en germe » possible, sur la base d’un fondement juridique suffisamment déterminé et dont la solution peut dépendre de la mesure d’instruction sollicitée à condition que cette mesure ne porte pas une atteinte illégitime aux droits d’autrui.

Le juge, saisi d’une demande de rétractation d’une ordonnance sur requête ayant ordonné une mesure sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile et tenu d’apprécier au jour où il statue les mérites de la requête, doit s’assurer de l’existence d’un motif légitime, au jour du dépôt de la requête initiale et à la lumière des éléments de preuve produits à l’appui de la requête et de ceux produits ultérieurement devant lui, à ordonner la mesure probatoire et des circonstances justifiant de ne pas y procéder contradictoirement.

L’urgence n’est pas une condition requise pour que soient ordonnées sur requête des mesures d’instruction sur le fondement de l’article 145 ; l’existence de contestations sérieuses ne constitue pas un obstacle à la mise en oeuvre de la mesure sollicitée, l’application de cet article n’impliquant aucun préjugé sur la responsabilité des parties appelées à la procédure, ni sur les chances de succès du procès susceptible d’être ultérieurement engagé.

Risque de destruction et principe du contradictoire

Selon l’article 493 du code de procédure civile, l’ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse. En application des dispositions combinées des articles 145 et 493, les circonstances propres au cas d’espèce justifiant une dérogation au principe de la contradiction doivent être caractérisées et le juge saisi d’une demande de rétractation doit vérifier, au besoin d’office, si cette exigence est satisfaite.

Les mesures sollicitées peuvent être ordonnées afin de garantir la préservation des éléments de preuves recherchés, dès lors que ces éléments ont pour objet de conserver les preuves des agissements fautifs. Toutefois, la seule invocation d’un risque de destruction de documents et fichiers sur supports informatiques relève de l’affirmation de principe et constitue un motif de portée générale susceptible d’être appliqué en toutes circonstances. La dérogation au principe de la contradiction ne se justifie pas sur le principe dès lors que des actes de concurrence déloyale sont dénoncés et que l’effet de surprise doit être préservé. En d’autres termes, le risque de dépérissement et de destruction des preuves doit être caractérisé.

Appréciation du motif légitime

Il résulte de l’article 145 du Code de procédure civile que le demandeur à une mesure d’instruction n’a pas à démontrer l’existence des faits qu’il invoque puisque cette mesure in futurum est destinée à les établir, mais qu’il doit justifier d’éléments rendant crédibles ses suppositions.

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