Cour d’appel de Versailles, 27 novembre 2024, RG n° 23/02424
Cour d’appel de Versailles, 27 novembre 2024, RG n° 23/02424

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Versailles

Thématique : Indemnisation pour détention provisoire : Évaluation des préjudices moral et matériel

Résumé

Monsieur [P] [W] a demandé réparation pour sa détention provisoire de juin à décembre 2017. Il a sollicité 48 000 euros pour préjudice moral, tandis que l’agent judiciaire de l’État et le ministère public ont proposé 12 000 euros. Pour le préjudice matériel, il a réclamé 14 820,84 euros, mais cette demande a été rejetée. La requête a été jugée recevable, et une indemnisation de 20 100 euros a été accordée pour le préjudice moral, tenant compte de divers facteurs aggravants. De plus, 4 000 euros ont été alloués pour les frais irrépétibles, laissant les dépens à la charge de l’État.

COUR D’APPEL

DE VERSAILLES

Chambre civile 1-7

Code nac : 96E

N° RG 23/02424 – N° Portalis DBV3-V-B7H-VZKQ

(Décret n° 2000-1204 du 12 décembre 2000 relatif à l’indemnisation à raison d’une détention provisoire)

Copies délivrées le :

à :

M. [W] ccc

Me SFEZ exe

AJE ccc

Me DANCKAERT ccc

Min public ccc

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT SEPT NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE

a été rendue, par mise à disposition au greffe, l’ordonnance dont la teneur suit après débats et audition des parties à l’audience publique du 23 OCTOBRE 2024 où nous étions Jean-François BEYNEL, premier président de la cour d’appel de Versailles, assisté par [O] [N], Greffière stagiaire en préaffectation, le prononcé de la décision a été renvoyée à ce jour ;

ENTRE :

Monsieur [P] [W]

né le [Date naissance 1] 1984 à [Localité 6], MAROC

[Adresse 2]

[Localité 4]

non comparant, représenté par Me Julien SFEZ, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1672, substitué par Me Priscillia BALLÉ, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1672

DEMANDEUR

ET :

AGENT JUDICIAIRE DE L’ETAT

[Adresse 7]

[Adresse 7]

[Localité 3]

représenté par Me Marie-Hélène DANCKAERT, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 520

Le ministère public pris en la personne de M. Guillaume LESCAUX, avocat général

Nous, Jean-François BEYNEL, premier président de la cour d’appel de Versailles, assisté de Rosanna VALETTE, Greffière,

Vu l’ordonnance prononçant un non-lieu à l’égard de monsieur [P] [W], devenue définitive par un certificat de non-appel du 26 juin 2024 ;

Vu la requête de monsieur [P] [W] né le [Date naissance 1] 1984 reçue au greffe de la cour d’appel de Versailles le 18 avril 2023 ;

Vu les pièces jointes à cette requête, le dossier de la procédure ;

Vu les conclusions de l’agent judiciaire de l’Etat, reçues au greffe de la cour d’appel de Versailles le 7 mars 2024 ;

Vu les conclusions du procureur général, reçues au greffe de la cour d’appel de Versailles le 20 juin 2024 ;

Vu les lettres recommandées en date du 21 juin 2024 notifiant aux parties la date de l’audience du 23 octobre 2024 ;

Vu les articles 149 et suivants et R26 du code de procédure pénale ;

EXPOSÉ DE LA CAUSE

Monsieur [P] [W] sollicite la réparation de sa détention provisoire du 16 juin 2017 au 15 décembre 2017 à la maison d’arrêt de [Localité 5].

Le requérant dépose de nouvelles écritures à l’audience, modifiant ses demandes initiales. Il sera tenu compte de ses dernières positions formées lors des débats, les autres parties en ayant eu connaissance préalablement et ayant pu former leurs observations.

Requérant

Agent judiciaire de l’Etat

Ministère public

Préjudice moral

48 000 euros

12 000 euros

12 000 euros

Préjudice matériel au titre de la perte de chance d’exercer une activité rémunérée

14 820,84 euros

Rejet

Rejet

Art. 700 CPC

3 000 euros

1 000 euros

Réduire à de plus justes proportions

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité de la requête

Articles 149, 149-1, 149-2 et R26 du code de procédure pénale

Décision de non-lieu, relaxe ou d’acquittement devenue définitive

Ordonnance de non-lieu du 26 avril 2022

Forme de la requête : mentions de l’article R26

Oui

Délai pour agir

Oui

Sur le préjudice moral

L’indemnisation doit tenir compte :

De la durée de la détention

De l’âge du requérant

Du choc carcéral 

De la situation familiale

De la gravité et qualification des faits retenus

Des conditions de détention indignes

En l’espèce, les facteurs d’aggravation du préjudice moral suivants seront retenus :

Oui / Non

L’âge du requérant 

32 ans

Non

La durée de la détention 

184 jours : du 16 juin 2017 au 15 décembre 2017

Non

Le choc carcéral : première incarcération

Première incarcération

Oui

La gravité de la qualification/peine encourue 

Une peine particulièrement lourde : en l’espèce, le requérant ne démontre pas que les faits d’escroquerie et de participation à une association de malfaiteurs ont aggravé son préjudice moral

Non

La situation personnelle et familiale

L’aggravation de la souffrance psychologique en raison de l’éloignement de son épouse et de ses deux enfants mineurs

Oui

Les conditions indignes de détention 

La surpopulation carcérale, vétusté, insalubrité à la maison d’arrêt de [Localité 5]

Oui

Un rapport du contrôleur général des lieux de privation de liberté, en France et à l’étranger en date de 2017

Oui

La somme de 20 100 euros paraît proportionnée eu égard à la période de détention injustifiée et de la prise en compte de trois facteurs d’aggravation du préjudice moral subi. Il convient donc d’allouer à monsieur [P] [W] la somme de 20 100 euros en réparation de son préjudice moral.

Sur le préjudice matériel

Sommes allouées/rejet

Perte de gains professionnels

Perte de salaires : indemnisation des prestations non perçues pendant la détention, production de bulletins de salaire, relevé d’impôt mentionnant le salaire mensuel net

Le requérant fournit un contrat de travail à durée indéterminée en date du 13 juin 2017 (pièce n°7) soit 3 jours avant le placement en détention qui a été conclu entre le requérant en qualité de salarié avec la société dont il était lui-même le gérant. Il ne fournit d’ailleurs aucun bulletin de salaire ni relevé d’impôt.

Rejet

Perte d’avoir pu exercer une activité rémunérée en tant que gérant de deux entreprises.

Le requérant ne fournit aucun élément comptable ou fiscal permettant de démontrer la réalité d’un salaire mensuel.

Rejet

Ainsi, le requérant sera débouté de ses demandes au titre du préjudice matériel.

Sur les frais irrépétibles

Article 700 du code de procédure civile

4 000 euros

PAR CES MOTIFS

Statuant par ordonnance contradictoire,

DÉCLARONS recevable la requête de monsieur [P] [W];

DEBOUTONS monsieur [P] [W] de sa demande d’indemnisation du préjudice matériel ;

ALLOUONS à monsieur [P] [W]:

La somme de VINGT MILLE CENT EUROS (20 100 euros) en réparation de son préjudice moral ;

La somme de QUATRES MILLE EUROS (4 000 euros) au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

LAISSONS les dépens de la présente procédure à la charge de l’agent judiciaire de l’Etat.

Prononcé par mise à disposition de notre ordonnance au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées selon les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

ET ONT SIGNÉ LA PRÉSENTE ORDONNANCE

Jean-François BEYNEL, premier président de la cour d’appel de Versailles

Rosanna VALETTE, greffier

LE GREFFIER LE PREMIER PRÉSIDENT

 


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