Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Versailles
Thématique : Créance et obligations dans le cadre d’une procédure de sauvegarde : enjeux de preuve et de déductions.
→ RésuméLa SAS Agence Maritime Cognacaise (AMC) a assigné la SASUV International Business Service (IBS) devant le tribunal de commerce de Nanterre pour le paiement de vingt-quatre factures impayées, totalisant 135 218 euros. Le 2 novembre 2023, une procédure de sauvegarde a été ouverte pour IBS. Le jugement du 29 mars 2024 a fixé la créance d’AMC à 120 968 euros, sans appliquer l’article 700 du code de procédure civile. En réponse, IBS et AMC ont interjeté appel, contesté les montants et demandé des ajustements. La cour a finalement infirmé le jugement initial, fixant la créance à 128 768 euros.
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COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 4FF
Chambre commerciale 3-2
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 26 NOVEMBRE 2024
N° RG 24/02505 – N° Portalis DBV3-V-B7I-WPNT
AFFAIRE :
SELARL [T] [B]
…
C/
S.A.S. AGENCE MARITIME COGNACAISE
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 29 Mars 2024 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE
N° chambre : 4
N° RG : 2023F01200
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Monique TARDY
Me Oriane DONTOT
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT SIX NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
APPELANT
SELARL [T] [B] prise en la personne de Maître [U] [B], ès qualités de mandataire judiciaire de la SAS INTERNATIONAL BUSINESS SERVICE – IBS nommé à ces fonctions par Jugement d’ouverture d’une procédure de sauvegarde rendu le 2 Novembre 2023 par le Tribunal de Commerce de Nanterre
Ayant son siège
[Adresse 3]
[Localité 6]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social
Représentant : Me Monique TARDY de l’ASSOCIATION AVOCALYS, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 620 – N° du dossier 005829
Plaidant : Me Homam ROYAI de la SELARL RSDA, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0572 –
SAS INTERNATIONAL BUSINESS SERVICE – IBS
Ayant son siège
[Adresse 1]
[Localité 6]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social
Représentant : Me Monique TARDY de l’ASSOCIATION AVOCALYS, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 620 – N° du dossier 005829
Plaidant : Me Homam ROYAI de la SELARL RSDA, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0572 –
SELARL AJRS prise en la personne de Maître [Z] [L], ès qualités d’administrateur judiciaire de la SAS INTERNATIONAL BUSINESS SERVICE – IBS nommé à ces fonctions par Jugement d’ouverture d’une procédure de sauvegarde rendu le 2 Novembre 2023 par le Tribunal de Commerce de Nanterre
Ayant son siège
[Adresse 5]
[Localité 6]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social
Représentant : Me Monique TARDY de l’ASSOCIATION AVOCALYS, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 620 – N° du dossier 005829
Plaidant : Me Homam ROYAI de la SELARL RSDA, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0572 –
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INTIME
S.A.S. AGENCE MARITIME COGNACAISE
N° SIRET : 319 569 828 RCS ANGOULEME
Ayant son siège
[Adresse 4]
[Localité 2]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social
Représentant : Me Oriane DONTOT de la SELARL JRF & TEYTAUD SALEH, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617 – N° du dossier 20240349
Plaidant : Me Christine SARAZIN de la SCP AVENS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0286 –
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Composition de la cour :
L’affaire a été débattue à l’audience publique du 07 Octobre 2024, Monsieur Ronan GUERLOT président ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :
Monsieur Ronan GUERLOT, Président de chambre,
Monsieur Cyril ROTH, Président de chambre,
Madame Gwenael COUGARD, Conseillère,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Madame Françoise DUCAMIN
EXPOSE DU LITIGE
La SAS Agence Maritime Cognacaise (la société AMC) a pour activité le transit, la commission de transport et le transport de marchandises. La SASUV International Business Service (la société IBS) a pour activité l’achat, la vente et l’import-export de produits divers.
Estimant que plusieurs prestations correspondant à vingt-quatre factures représentant un montant de 135 218 euros ne lui avait pas été payées, la société AMC a, le 15 juin 2023, assigné la société IBC devant le tribunal de commerce de Nanterre.
Le 2 novembre 2023, le tribunal de commerce de Nanterre a ouvert une procédure de sauvegarde au bénéfice de la société IBS et a désigné la société [T] [B] en qualité de mandataire judiciaire et la société AJRS en qualité d’administrateur judiciaire.
Le 29 mars 2024, par jugement réputé contradictoire, ce tribunal a :
– fixé la créance de la société AMC au passif de la procédure collective de la société IBS, sous sauvegarde et période d’observation jusqu’au 2 mai 2024, à la somme en principal de 120 968 euros, outre intérêts de retard au taux appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage, calculés à compter du 8 mars 2023 ;
– dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– fixé les dépens en frais privilégiés au passif de la procédure collective de la société IBS.
Le 18 avril 2024, les sociétés [T] [B], IBS et AJRS ont interjeté appel du jugement en ce qu’il a fixé la créance de la société AMC au passif de la procédure collective de la société IBS à la somme principale de 120 968 euros, outre les intérêts et fixé les dépens en frais privilégiés au passif de la procédure collective de la société IBS.
Par dernières conclusions du 31 juillet 2024, elles demandent à la cour de :
– infirmer le jugement du 29 mars 2024, ayant jugé en ces termes :
– fixe la créance de la société AMC au passif de la procédure collective de la IBS, sous sauvegarde et période d’observation jusqu’à 2 mai 2024, à la somme en principal de 120 968 euros, outre intérêts de retard au taux appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage, calculés à compter du 8 mars 2023 ;
– dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, déboutant de toute demande sur ce fondement ;
– fixe les dépens en frais privilégiés au passif de la procédure collective de la société IBS ;
– confirmer le jugement du 29 mars 2024 ayant déduit l’avoir de 14 250,00 euros dû par la société AMC à la société IBS ;
– débouter la société AMC de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
– ordonner l’imputation des avoirs consentis par la société AMC à la société IBS sur la créance réclamée par la société AMC à hauteur de 14 250,00 euros ;
– ordonner l’imputation des avoirs réclamés par la société IBS en contestation des charges non consenties dans les factures établies par la société AMC sur la créance réclamée par la société AMC à hauteur de 8 305,00 euros ;
– ordonner l’imputation des droits d’accises entraînées par les négligences de la société AMC et de ses sous-traitants sur la créance qu’elle réclame à hauteur de 33 826, 76 euros décomposés comme suit :
– 23 118,00 euros en conséquence des erreurs commises par la société AMC lors de sa déclaration d’exportation en date du 15 avril 2022 ;
– 10 708, 76 euros en conséquence de l’absence d’apurement des DAE du sous-traitant de la société AMC, l’entreprise Destock ;
A défaut,
– ordonner la compensation entre la créance de la société AMC d’un montant de 135 218, 00 euros et la créance totale de la société IBS d’un montant de 56 381, 76 euros ;
En tout état de cause,
– fixer la créance de la société AMC à la somme de 78 833, 63 euros ;
En conséquence,
– ordonner le paiement échelonné de la créance réclamée par la société AMC, déduction faite des avoirs, réductions et sommes dues à la société IBS, soit 78 836, 24 euros, en 10 échéances de 7 883, 63 euros, dans le cas où la société IBS serait amenée à ne plus faire l’objet d’une procédure collective ;
En tout état de cause,
– condamner la société AMC à verser à la société IBS la somme de 4 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner la société AMC aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Par dernières conclusions formant appel incident du 3 juillet 2024, la société AMC demande à la cour de :
– infirmer la décision déférée en ce qu’elle a :
– fixé sa créance au passif de la procédure collective de la société IBS, sous sauvegarde et période d’observation jusqu’à 2 mai 2024, à la somme en principal de 120 968 euros, outre intérêts de retard au taux appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage, calculés à compter du 8 mars 2023 ;
– dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, déboutant de toute demande sur ce fondement ;
Et statuant à nouveau,
– débouter la société IBS de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
– fixer sa créance au passif de la procédure collective de la société IBS à la somme de 135 218 euros, outre intérêts de retard au taux appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage, calculés à compter du 8 mars 2023 ;
– fixer sa créance au passif de la procédure collective de la société IBS à la somme de 10 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
La clôture de l’instruction a été prononcée le 9 septembre 2024.
Pour un plus ample exposé des moyens des parties, il est renvoyé à leurs dernières écritures susvisées.
MOTIFS
1- Sur la demande principale en paiement
1-1- Sur les déductions sollicitées par la société IBS
La société IBS sollicite que soient déduites de la créance de la société AMC plusieurs sommes au titre de frais de stockage et de transport, de remises commerciales, du paiement de droits d’accise. Ces demandes seront examinées successivement.
a- Sur les frais de stockage et transporteur
L’appelante conteste les frais de stockage et de transport à hauteur de 8 305 euros que lui réclame la société AMC et estime qu’ils doivent être déduits de sa créance. Elle prétend d’une part, que ces frais sont indus car consécutifs au retard des transporteurs et d’autre part, ne pas y avoir consentis.
La société IBS explique pour sa part que l’appelante ne démontre pas avoir contesté les frais litigieux à la réception de leurs factures. Elle observe qu’ils ne sont pas indus car ils constituent des frais classiques de stockage et que rien n’indique qu’ils résulteraient d’une faute d’un transporteur.
Réponse de la cour
Selon l’article 1353 du code civil dans sa rédaction applicable au litige, » celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver » et » réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation. »
La société IBS conteste les factures suivantes, versées aux débats par l’appelante en pièce 2.1 :
Facture du 29 juin 2022 n° A22065740P ‘charges – wait and storage’ X 2
432 euros
Facture du 1er août 2022 n° A22085428P ‘charges- BESC-Regul’
269 euros
Facture du 1er août 2022 n° A22085429P ‘charges – Regl BESC’
134 euros
Facture du 25 août 2022 n° 122085698P ‘ File fee, Lumpsum-DOOR A C&F ; BAF, Charges-BESC’
Facture du 25 août 2022 n° A22085703 ‘ cargo pick up /collection fee ‘ et ‘ 3 stuffing fee ‘
855 euros + 900 euros
Facture du 31 août 2022 n° 22085948P contestée sur la prestation de ‘ storage fee-stockage de 03 TC’
985 euros
Facture du 1er octobre 2022 n° A22105831P
‘ storage fee ‘
455 euros
Facture du 1er octobre 2022 n° A22105832P
‘ storage fee ‘
1 700 euros
Facture du 30 novembre 2022 numérotée de manière erronée par l’appelante A22085428P s’agissant de la facture n° A22115690P portant sur ‘ transport annulation tardive 03X40, charges, restitution des deux conteneurs sortis’
2 280 + 300
Total contesté
8 305 euros
La société ACM établit suffisamment par les factures précitées l’existence et le quantum de ses créances à l’encontre de la société IBS au titre des prestations mentionnées dans le tableau ci-dessus.
En revanche, l’appelante qui argue pour s’opposer aux paiements de ces factures d’une part, de manquements commis par les sous-traitants de l’intimée qui auraient généré les frais facturés et d’autre part, d’avoirs consentis par la société IBS en contrepartie de ces manquements, ne justifie ni des manquements allégués, ni d’avoirs qui lui permettraient de se libérer de son obligation de paiement.
La société IBS n’établit pas non plus avoir contesté les frais litigieux au moment de la réception des factures.
C’est donc à juste titre et sans inverser la charge de la preuve que le premier juge a retenu que la somme de 8 305 euros ne devait pas être déduite de la créance de la société AMC.
b- Sur la déduction d’avoirs à titre de remise commerciale
L’appelante explique que le tribunal a considéré à juste titre que les parties s’étaient accordées sur le principe d’une remise commerciale et que son quantum, assis sur le nombre d’expéditions, soit 95 expéditions, n’avait pas été contestée en première instance par la société IBS. Elle ajoute que l’intimée ne démontre pas que les 95 conteneurs n’ont pas été expédiés.
L’intimé répond qu’elle conteste formellement le nombre de conteneurs retenus pour le calcul de la remise et qu’il incombe à l’appelante d’établir le nombre de conteneurs expédiés en Afrique.
Réponse de la cour
La société ACM admet avoir accordé à la société IBS à titre purement commercial » une remise sur les futures commandes à destination de l’Afrique, à hauteur de 150 euros par conteneur » (voir p. 7 de ses conclusions).
C’est d’ailleurs ce qu’il ressort du mail du 19 août 2022 reproduit dans les écritures de l’intimée où l’on peut lire : » suite à mon contact avec CMA, nous n’obtiendrons pas plus que les 20% accordées sur les 12 X 40 à Lomé depuis le 26 juillet 2022. Afin de vous aider à supporter les coûts restants, je vous propose un avoir de 150 euros / conteneurs sur les futurs booking à destination de l’Afrique » (voir également pièce 20 de l’appelante).
La contestation ne porte donc que sur le périmètre de la remise.
A cet égard, le premier juge a retenu que la société ACM ne contestait pas sérieusement que cette remise devait être calculée sur 95 conteneurs, soit 95 X 150 = 14 250 euros.
Le mail du 19 août 2022, reproduit ci-dessus, ne donne toutefois d’indications que sur le montant unitaire de la remise (150 euros par conteneur expédié pour les futures réservations, sans autres précisions quant aux nombres de conteneurs concernés ou limite temporelle).
L’appelante verse aux débats, pour justifier du nombre de conteneurs concernés par la remise, une extraction des expéditions depuis l’entrepôt fiscal d’IBS pour la société AMC (pièces 24-1 à 24-10). Ces documents intitulés » résultats d’une recherche DAE » reproduisent des tableaux comportant les indications suivantes :
– Date d’expédition ;
– N° CRA
– N° référence interne ;
– N° Accises expéditeur ;
– Nom de l’expéditeur ;
– Nom du destinataire ;
– Durée du trajet ;
– Statut.
Sont mentionnées des expéditions entre le 1er mars et 31 mars 2022, soit 33 expéditions ; entre le 1er mai et le 31 mai 2022, soit 1 expédition ; entre le 1er juin 2022 et 30 juin 2022, soit 9 expéditions ; entre le 1er juillet et le 31 juillet 2022, soit 7 expéditions ; entre le 1er août et le 30 août 2022, soit 12 expéditions ; entre le 1er septembre et le 30 septembre 2022, soit 9 expéditions ; entre le 1er octobre et le 31 octobre 2022, soit 7 expéditions ; entre le 1er novembre et le 30 novembre 2022, soit 15 expéditions ; entre le 1er décembre et le 30 décembre 2022, soit 7 expéditions et entre le 1er janvier et le 30 janvier 2023, soit 3 expéditions.
Il en résulte que sur la période du 1er mars 2022 au 30 janvier 2023, il est justifié de 103 expéditions dont une a le statut » émis » (8 novembre 2022), trois ont le statut » annulé » (14 novembre 2022, 21 juin 2022, 23 mars 2022) et une a le statut » détourné » (9 mars 2022), les autres ayant le statut » apuré « .
La cour relève que, selon le mail du 19 août 2022, la remise commerciale concerne » les futurs booking à destination de l’Afrique « . Il en résulte que la remise ne porte logiquement que sur les expéditions postérieures au 19 août 2022, soit 43 expéditions selon les tableaux mentionnés dans les pièces 24-1 à 24-10.
L’appelante n’apporte pas d’explications ni sur les dates d’expédition, ni sur l’absence d’adéquation entre le nombre d’expéditions mentionnées dans ses pièces (103) et le nombre d’expéditions alléguées (95).
Si la lecture des tableaux ne permet pas de s’assurer qu’il s’agit d’expéditions à destination de l’Afrique car seuls sont indiqués les noms des destinataires (par exemple, » Soka distribution « , ‘Xiamen Transon Imp and Exp Ldt « ), la cour relève que l’intimé ne discute pas les éléments contenus dans ces derniers et qu’au demeurant un mail évoque la copie du contrat Soka » Côte d’Ivoire » (pièce 20 de l’appelante).
La cour retient les seules expéditions mentionnées dans les tableaux postérieurement au 19 août 2019, soit 43 expéditions X 150 euros = 6 450 euros de remise commerciale et non 14 250 (95 X 150 euros) comme l’a retenu le tribunal.
c- Sur la déduction de la somme de 23 118 euros au titre de droits d’accise
L’appelante prétend qu’il ne lui appartient de s’acquitter des droits d’accise sur le volume d’alcool non déclaré par ACM.
La société ACM répond que l’appelante ne démontre pas ds’être acquittée de la somme de la somme de 23 118 euros au titre des droits d’accise litigieux.
Elle soutient qu’en tout état de cause, les droits d’accise doivent être acquittés non par le transporteur mais par le mandant, soit la société IBS. Elle ajoute que selon ses conditions générales de vente, les prix ne comportent pas les impôts, droits et taxes dus en application de la réglementation fiscale et douanière.
Réponse de la cour
Selon l’article L. 311-1 2° du code des impositions sur les biens et services :
» Les produits soumis à accise s’entendent des produits suivants :
2° Les boissons alcooliques et l’alcool au sens de l’article L. 313-2 ; »
L’article 7 de la directive (UE) 2020/262 du Conseil du 19 décembre 2019 établissant le régime général d’accise dispose :
» Personne redevable des droits d’accise
1. La personne redevable des droits d’accise devenus exigibles est :
a) en ce qui concerne la sortie de produits soumis à accise d’un régime de suspension de droits visée à l’article 6, paragraphe 3, point a):
i) L ‘entrepositaire agréé, le destinataire enregistré ou toute autre personne procédant à la sortie des produits soumis à accise du régime de suspension de droits ou pour le compte de laquelle il est procédé à cette sortie ou, en cas de sortie irrégulière de l’entrepôt fiscal, toute autre personne ayant participé à cette sortie ;
ii) en cas d’irrégularité lors d’un mouvement de produits soumis à accise sous un régime de suspension de droits, telle que définie à l’article 9, paragraphes 1, 2 et 4: l’entrepositaire agréé, l’expéditeur enregistré ou toute autre personne ayant garanti le paiement des droits conformément à l’article 17, paragraphes 1 et 3, ou toute personne ayant participé à la sortie irrégulière et qui était consciente ou dont on peut raisonnablement penser qu’elle aurait dû être consciente du caractère irrégulier de la sortie ;
b) en ce qui concerne la détention ou le stockage de produits soumis à accise visée à l’article 6, paragraphe 3, point b): la personne détenant ou stockant les produits soumis à accise, ou toute autre personne ayant participé à leur détention ou stockage, ou toute combinaison de ces personnes conformément au principe de la responsabilité solidaire ;
c) en ce qui concerne la production, y compris la transformation, de produits soumis à accise visée à l’article 6, paragraphe 3, point c): la personne produisant les produits soumis à accise et, en cas de production irrégulière, toute autre personne ayant participé à leur production ;
d) en ce qui concerne l’importation ou l’entrée irrégulière de produits soumis à accise visée à l’article 6, paragraphe 3, point d): le déclarant tel qu’il est défini à l’article 5, point 15), du règlement (UE) no 952/2013 (ci-après dénommé « déclarant ») ou toute autre personne visée à l’article 77, paragraphe 3, dudit règlement et, dans le cas d’une entrée irrégulière, toute autre personne ayant participé à cette entrée irrégulière.
2. Lorsque plusieurs personnes sont redevables des mêmes droits d’accise, elles sont tenues au paiement de cette dette à titre solidaire. »
L’appelante prétend qu’il ne lui appartenait pas de s’acquitter des droits d’accise, contrairement à ce que le tribunal a retenu et qu’elle a dû s’acquitter de 23 118 euros de droits d’accise.
La cour relève que s’il résulte d’un mail du 17 novembre 2022 de la direction générale des douanes et des droits indirects adressé à la société AMC que l’administration a relevé une erreur dans la quantité de bière expédiée et qu’à cet égard, elle a indiqué que les 445,6906 HL » manquants » seront taxés » sans modifications justifiées et validées par un bureau des douanes » et s’il n’est pas discuté que la société Destock FKC, sous-traitant de la société IBS, a effectué la déclaration d’exportation ne mentionnant que 46 536,76 HL (pièce 5 de l’appelante) alors que 931,057 HL ont été effectivement expédiés, il n’est toutefois pas démontré, comme le souligne à juste titre la société IBS, que des droits ont été acquittés à hauteur de 23 118 euros par la société IBS.
En effet, le mail précité se limite à indiquer que » sauf justification validée par les douanes « , les manquants seront taxés.
Il n’est versé aux débats aucun élément démontrant que des droits d’accise ont été effectivement acquittées par la société IBS, expéditeur déclarée dans le formulaire de la pièce 5.
De surcroît, l’appelante affirme sans le démontrer qu’elle n’était pas redevable des droits d’accise alors que l’article 7 précité prévoit différents redevables selon différentes situations.
Au regard de ces éléments, c’est donc à juste titre que le tribunal a retenu qu’il n’y avait pas lieu de déduire de la créance de la société AMC la somme de 23 118 euros alléguée.
d- Sur la déduction de la somme de 10 708,76 euros au titre du défaut d’apurement de trois » DAE »
La société IBS soutient que la société Destock, entrepositaire en douane et sous-traitante de la AMC, n’a pas apuré trois » DAE » (document d’accompagnement électronique) lors de la réception de marchandises provenant de son entrepôt fiscal. Elle fait valoir que ces DAE représentent un montant global de 10 708,76 euros de droits d’accise dont » IBS est redevable » ( » sic « ) Elle prétend qu’il ne lui appartenait pas ni de s’acquitter des droits d’accise, ni des intérêts de retard.
La société ACM répond qu’il n’est produit qu’un avis préalable de taxation. Elle ajoute, s’agissant des intérêts de retard, que l’appelante ne justifie pas du montant des intérêts de retard afférent aux seules DEA prétendument non apurées.
Réponse de la cour
La société IBS prétend plusieurs échanges de mails (pièce 17) dont il ressort que la société Destock a transféré trois containers de marchandises d’IBS dans son entrepôt de [Localité 8] sans apurement des DEA correspondantes.
Elle verse aux débats en pièce 13 un avis préalable de taxation daté du 21 octobre 2022 que lui a adressé la direction générale des douanes et des droits indirects.
On peut lire dans cet avis :
» Constations du service :
Le service des contributions indirectes du bureau de douanes de [Localité 7] a constaté que dix-sept titres de mouvements, émis entre le 1er janvier 2019 et le 1er juin 2022, sont restés non-apurés. La référence concernée est reprise ci-dessous : »
Suit ensuite un tableau comportant les références d’expéditions d’IBS réalisées entre 21 août 2019 et le 8 avril 2022.
» En conséquence, les droits d’accises afférentes au titre de mouvement repris ci-dessus, deviennent exigibles conformément aux dispositions de l’article L. 302P du code général des impôts. Ils s’élèvent à 84 198 euros « .
Le courrier précise que ces droits correspondent à des périodes de taxations entre 2019 et 2022. Il indique également que » les intérêts de retard sont dus et s’élèvent à la somme de 4 146 euros. » (‘)
» Conclusions du service
Conformément à la règlementation qui précède [article 302 P du code général des impôts], le service observe que l’impôt devient exigible lorsque les titres de mouvement de produit circulant en suspension de droits n’ont pas été apurés à destination et lorsque la preuve de la régularité des opérations n’a pas pu être apportée par l’expéditeur dans les quatre mois qui suivent l’expédition des produits. Les faits rapportés sont donc susceptibles de générer une dette de 88 344 euros, intérêts inclus. »
Comme le souligne à juste titre la société AMC, l’appelante ne justifie que d’un avis préalable de taxation, qui de surcroît porte sur une somme plus élevée (84 198 euros) que celle dont la déduction est demandée (10 708,76 euros).
Le courriel du 15 novembre 2022 (mail de M. [S] à AMC) ne comporte pas plus de précisions.
Il indique notamment :
» Relance (‘) de la direction générale des douanes et droits indirects (‘) Nous sommes toujours dans l’attente des documents justifiant les DAE non apuré[s] (‘) La date butoir 17 octobre 2022. Sans pièces justificatif qui permet d’apuré les DAE en souffrance d’apurement le montant que IBS devra s’acquitté 88 344 euros « .
En outre, le courrier d’avis préalable de taxation ne mentionne pas la somme de 10 708,76 euros dans ses tableaux. Il n’est pas non plus justifié d’un décompte précis permettant d’identifier cette somme.
Par ailleurs, les références des trois DAE versés en pièces 14 à 16, soit 22FRGà3410008797429733 relative à une expédition le 8 août 2022, n° de CRA 22FRG0341000796634414 relative à une expédition du 4 août 2022 et 22FRG0341000796637028 correspondant à une expédition du 4 août 2022 ne correspondent aux références » CRA » mentionnées dans l’avis préalable de taxation au titre des trois expéditions d’août 2024, qui au demeurant ne sont que du 4 août.
L’appelante ne démontre pas non plus qu’en tout état de cause, il ne lui appartenait pas de s’acquitter des droits d’accise correspondant aux marchandises référencées dans les DEA considérées.
Au regard de ces éléments et pour ces motifs, c’est à juste titre que le tribunal a décidé qu’il n’y avait pas lieu à déduire la somme de 10 708,76 euros de la créance réclamée par la société AMC.
1-2. Sur le quantum de la créance réclamée par la société AMC et les délais de paiement
La société IBS soutient que, compte tenu de déductions à opérer soit 56 381,76 euros, la créance de la société AMC s’élève non à 120 968 euros comme retenu par le tribunal, mais à 78 836,24 euros (135 218 – 56 381,76).
La société AMC considère pour sa part qu’aucune somme ne doit être déduite de sa créance de 135 218 euros pour les raisons exposées ci-dessus.
Réponse de la cour
La créance de la société AMC à hauteur de 135 218 euros n’est pas contestée. Seules sont discutées les déductions évoquées ci-dessus.
Les motifs développés ci-dessus conduisent à retenir que la créance de la société AMC s’établit à la somme de :
135 218 euros – 6 450 euros (au titre de la remise commerciale) = 128 768 euros.
En conséquence, par voie de réformation, la créance de la société AMC sera fixée au passif de la société IBS à 128 768 euros outre les intérêts de retard au taux appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majorée de 10 points à compter du 28 mars 2023.
La demande de délais de paiement est sans objet dans la mesure où il est constant que la société IBS fait l’objet au jour de la présente décision d’une procédure de sauvegarde.
2- Sur les demandes accessoires
En application de l’article 700 du code de procédure civile, les demandes seront rejetées.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant contradictoirement,
Infirme le jugement en ce qu’il a fixé au passif de la procédure collective de la société International Business Service la somme principale de 120 968 euros ;
Confirme pour le surplus
Statuant à nouveau du chef infirmé ;
Fixe la créance de la société Agence Maritime Cognacaise au passif de la société International Business Service la somme de 128 768 euros outre les intérêts de retard au taux appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majorée de 10 points à compter du 28 mars 2023 ;
Y ajoutant ;
Dit que les dépens d’appel seront employés en frais privilégiés de procédure ;
En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes.
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Monsieur Ronan GUERLOT, Président, et par Madame Françoise DUCAMIN, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT
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