Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Versailles
Thématique : La complexité des délais de prescription en matière de relations de travail et leurs implications sur les droits des salariés.
→ RésuméPrésentation de la société L.M ServicesLa société L.M Services est une SASU immatriculée au RCS de Melun, sous le numéro 804 883 668. Elle se spécialise dans le nettoyage industriel, l’entretien des espaces verts et divers petits travaux d’entretien, tout en employant moins de 11 salariés. Engagement de Mme [R]Mme [K] [G] épouse [R] a été engagée par L.M Services par un contrat à durée indéterminée le 7 novembre 2011, en tant qu’agent de service à temps partiel, avec une charge de 25 heures hebdomadaires. Elle était affectée au nettoyage du centre d’appel Stream [Localité 7]. Changements dans le contrat de travailÀ partir du 18 avril 2016, L.M Services a partiellement repris le marché du centre d’appel, réduisant le temps de travail de Mme [R] à 15 heures hebdomadaires. Son salaire brut mensuel moyen était de 1 098,34 euros. Cependant, à compter du 28 juin 2016, Mme [R] a cessé de se présenter à son poste. Avertissements et demande de résiliation judiciaireLa société a adressé deux avertissements à Mme [R] en juillet 2016, lui demandant de justifier son absence. En réponse, Mme [R] a saisi le conseil de prud’hommes de Versailles le 3 octobre 2019, demandant la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l’employeur. Jugement du conseil de prud’hommesLe 10 février 2022, le conseil de prud’hommes a déclaré l’action de Mme [R] prescrite, déboutant ses demandes de résiliation judiciaire et de rappel de salaire, et a laissé les dépens à sa charge. Mme [R] a interjeté appel de ce jugement le 16 mars 2022. Demandes de Mme [R] en appelDans ses conclusions du 4 avril 2023, Mme [R] a demandé l’infirmation du jugement, la reconnaissance de la non-prescription de ses actions, et a sollicité des rappels de salaires ainsi que des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Réponse de L.M ServicesLa société L.M Services a demandé la confirmation du jugement initial, arguant que les actions de Mme [R] étaient prescrites et que ses demandes de résiliation et de rappel de salaire étaient irrecevables. Analyse de la prescriptionLe tribunal a examiné la question de la prescription, concluant que le délai de trois ans pour les rappels de salaires avait été interrompu par la demande d’aide juridictionnelle de Mme [R], rendant son action recevable. Manquements de l’employeurLe tribunal a constaté que les manquements de L.M Services, notamment la réduction du salaire de Mme [R] suite au transfert de son contrat, justifiaient la résiliation judiciaire de son contrat de travail, considérée comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Indemnités et rappels de salaireLe tribunal a ordonné à L.M Services de verser à Mme [R] des sommes pour rappel de salaire, indemnité de licenciement, indemnité compensatrice de préavis, ainsi que des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Documents sociaux et astreinteL.M Services a été condamnée à remettre à Mme [R] des documents sociaux conformes, sans qu’une astreinte ne soit jugée nécessaire en l’absence de résistance abusive de l’employeur. Conclusion de la décisionLe jugement a été infirmé en toutes ses dispositions, et la cour a statué en faveur de Mme [R], lui accordant les sommes demandées et ordonnant la remise des documents sociaux nécessaires. |
COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80C
Chambre sociale 4-3
ARRÊT N°
CONTRADICTOIRE
DU 25 NOVEMBRE 2024
N° RG 22/00866 –
N° Portalis DBV3-V-B7G-VCHD
AFFAIRE :
[K] [G] épouse [R]
C/
S.A.S.U. L.M SERVICES
Décision déférée à la cour : Jugement rendue le 10 Février 2022 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de VERSAILLES
N° Section : C
N° RG : F19/00574
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Alexandra FERREIRA
Me Annie GULMEZ
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT CINQ NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Madame [K] [G] épouse [R]
née le 06 Mars 1964 à [Localité 5]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentant : Me Alexandra FERREIRA, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 190
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/003429 du 25/05/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de VERSAILLES)
APPELANTE
****************
S.A.S.U. L.M SERVICES
N° SIRET : 804 883 668
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentant : Me Annie GULMEZ de la SELARL AAZ, avocat au barreau de MEAUX, vestiaire : 31
Substitué : Me Sophie VAN DAMME, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 01 Octobre 2024 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Laurence SINQUIN, Présidente chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Laurence SINQUIN, Présidente,
Mme Florence SCHARRE, Conseillère,
Madame Aurélie GAILLOTTE, Conseillère,
Greffier lors des débats : Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI,
FAITS ET PROCÉDURE
La société L.M Services est une société par actions simplifiée à associé unique (SASU) immatriculée au registre du commerce et des sociétés (RCS) de Melun, sous le n° 804 883 668.
La société L.M Services exploite une activité de nettoyage industriel, d’entretien des espaces verts et de petits travaux d’entretien.
Elle emploie moins de 11 salariés.
Par contrat à durée indéterminée en date du 7 novembre 2011, Mme [K] [G] épouse [R] a été engagée par la société L.M Services, venant aux droits de la société Tfn Propreté, en qualité d’agent de service, à temps partiel à hauteur de 25 heures hebdomadaires.
Mme [R] était affectée au nettoyage du centre d’appel Stream [Localité 7] situé à [Localité 7].
A compter du 18 avril 2016, le marché du centre d’appel Stream [Localité 7] a été partiellement repris par la société L.M Services, à hauteur de 15 heures de nettoyage hebdomadaire.
Au dernier état de la relation contractuelle, Mme [R] exerçait ses fonctions sur le site Stream [Localité 7], à hauteur de 15 heures hebdomadaires, et percevait un salaire moyen brut de 1 098,34 euros par mois.
A compter du 28 juin 2016, Mme [R] ne s’est plus présentée à son poste de travail.
Par courriers simples datés du 4 et du 12 juillet 2016, la société L.M Services a notifié à Mme [R] deux avertissements successifs et a enjoint la salariée de justifier de son absence.
Par requête introductive reçue au greffe le 3 octobre 2019, Mme [R] a saisi le conseil de prud’hommes de Versailles d’une demande tendant à prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l’employeur.
Par jugement en date du 10 février 2022, auquel renvoie la cour pour l’exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud’hommes de Versailles a :
– dit que l’action en résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [R] est prescrite ;
– débouté Mme [R] de sa demande au titre de résiliation judiciaire de son contrat de travail ;
– dit que l’action en rappel de salaire est prescrite ;
– débouté Mme [R] au titre de sa demande de rappel de salaire ;
– laissé les entiers dépens à la charge de Mme [R] ;
– dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le reste des demandes ;
– rejeté les demandes plus amples ou contraires des parties.
Par déclaration remise au greffe de la cour d’appel de Versailles, le 16 mars 2022, Mme [R] a interjeté appel de ce jugement.
MOYENS ET PRÉTENTIONS
Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le RPVA le 4 avril 2023, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens et prétentions conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, Mme [R], appelante et intimée à titre incident, demande à la cour de :
– infirmer en toutes ses dispositions le jugement du conseil de prud’hommes de Versailles en date du 10 février 2022 ;
Et, statuant à nouveau :
– dire les actions et demandes de Mme [R] non prescrites ;
– dire Mme [R] recevable et bien fondée en ses demandes ;
Y faisant droit :
– fixer la rémunération moyenne mensuelle moyenne à 1 098,34 euros ;
– condamner la société L.M Services au paiement à Mme [R], à titre de rappel de salaires :
A titre principal :
* pour la période d’octobre 2016 à septembre 2019, d’un montant de 39 540,00 euros bruts, outre 3 954,00 euros bruts de congés payés afférents ;
* pour la période d’octobre 2019 à la date de la résiliation judiciaire du contrat de travail, d’un montant mensuel de 1 098,34 euros bruts, outre 109,83 euros bruts de congés payés afférents.
Subsidiairement :
* d’un montant de 39 540,00 euros bruts, outre les congés payés afférents de 3 954,00 euros bruts.
– prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail liant Mme [R] à la société L.M Services ;
– dire que cette rupture s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
En conséquence :
– condamner la société L.M Services à payer à Mme [R] les sommes de :
* 2 196,68 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;
* 219,67 euros bruts à titre de congés payés sur préavis ;
* 2 537,16 euros nets à titre d’indemnité légale de licenciement ;
* 8 787,00 euros nets à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
– ordonner la remise de fiches de paye conformes, du certificat de travail, de l’attestation destinée au Pôle Emploi, le tout sous astreinte de 50,00 euros par jour de retard courant le 7ème jour après le prononcé de la décision ;
– condamner la société L.M Services à payer à Mme [R] une somme de 2 500,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner la société L.M Services aux entiers dépens ;
– dire que l’ensemble des condamnations à intervenir portera intérêt à compter de l’introduction de la demande, avec capitalisation annuelle des intérêts par l’application de l’article 1343-2 du code civil.
Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le RPVA le 16 janvier 2023, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens et prétentions conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la société L.M Services, intimée et appelante à titre incident, demande à la cour de :
1. confirmer le jugement en ce qu’il a débouté Mme [R] de ses demandes ;
2. infirmer le jugement en ce qu’il a débouté la société L.M Services de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
3. En conséquence :
– juger que l’action en résiliation judiciaire du contrat de travail est prescrite ;
– juger que l’action en rappel de salaire est prescrite ;
– juger, par conséquent, irrecevables les demandes de Mme [R] ;
– débouter, par conséquent, Mme [R] de l’intégralité de ses demandes ;
– débouter Mme [R] de ses demandes de résiliation judiciaire du contrat de travail et de paiement des indemnités subséquentes ;
– débouter Mme [R] de ses demandes de rappel de salaire ;
– débouter Mme [R] de sa demande de communication de documents de fin de contrat et de bulletins de paie sous astreinte ;
– condamner Mme [R] à lui régler la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner Mme [R] aux entiers dépens, y compris les éventuels frais d’exécution de la décision à intervenir par voie d’huissier de justice.
La clôture de l’instruction a été prononcée le 3 juillet 2024.
PAR CES MOTIFS
INFIRME le jugement en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau,
DÉCLARE non prescrite l’action engagée par Mme [R] ;
PRONONCE la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [R] à compter de la présente décision ;
DIT que la rupture s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
CONDAMNE la société LM Services à payer à Mme [R] les sommes suivantes :
*3000 € à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
* 2196,68 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis et 2 19,67 € au titre des congés payés y afférents ;
* 2537,16 € à titre d’indemnité de licenciement ;
* 39 540 € à titre de rappel de salaire et 3954 € au titre des congés payés y afférents ;
– Y AJOUTANT ;
DIT que les condamnations au paiement de créances de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par la société de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud’hommes et que les condamnations au paiement de créances indemnitaires porteront intérêts au taux légal à compter de la mise à disposition du présent arrêt ;
AUTORISE la capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1343 ‘ 2 du code civil ;
ORDONNE la remise par la société LM Services à Mme [R] de documents sociaux rectifiés conformes au présent arrêt, de bulletins de paye, d’une attestation France Travail et d’un certificat de travail rectifiés conformes au présent arrêt ;
DIT n’y avoir lieu à astreinte ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile :
CONDAMNE la société LM Services à payer à Mme [R] en cause d’appel la somme de 2000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
DÉBOUTE les parties du surplus des demandes ;
CONDAMNE la société LM Services aux dépens de première instance et d’appel.
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Madame Laurence SINQUIN, Présidente et par Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière La Présidente
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