Type de juridiction : Cour d’Appel
Juridiction : Cour d’Appel de Versailles
Thématique : Requalification de CDD d’usage : une analyse au cas par cas
→ RésuméL’affaire TF1 illustre la complexité de la requalification des CDD d’usage en CDI. Un salarié ayant travaillé 12 ans comme opérateur régie vidéo a vu sa demande de requalification rejetée. La décision repose sur l’appréciation de la nature temporaire de son emploi, qui était variable et discontinue, avec une moyenne de 88 jours de travail par an. Les juges ont constaté que la société TF1 avait des besoins fluctuants, justifiant le recours à des contrats à durée déterminée. Ainsi, la durée de collaboration seule ne suffit pas à établir un lien de travail permanent.
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Affaire TF1
La requalification de CDD d’usage en un CDI n’est pas automatique, le critère de la durée de collaboration entre les parties n’est pas à lui seule déterminant. Un salarié qui a occupé pendant 12 ans un emploi d’opérateur régie vidéo au sein de la société TF1 a été débouté de sa demande de requalification de sa collaboration en CDI. L’opérateur régie vidéo est une fonction d’ordre technique consistant, au sein du laboratoire du service des bandes annonces de la société, à traiter sur divers supports vidéos des programmes réalisés par la société et plus spécifiquement les bandes annonces destinées à promouvoir les programmes d’une chaîne.
Recours aux CDD d’usage
L’article L.1242-2 du code du travail dispose que, sous réserve des contrats spéciaux prévus à l’article L.1242-3, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire et seulement dans les cinq cas qu’il énumère, parmi lesquels figurent le remplacement d’un salarié (1), l’accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise (2) et les emplois saisonniers ou pour lesquels, dans certains secteurs d’activité définis par décret ou par convention ou accord collectif étendu, il est d’usage de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois (3).
Aux termes de l’article D.1242-1 du code du travail, les secteurs d’activité dans lesquels peuvent être conclus des contrats à durée déterminée sont (….) 6° les spectacles, l’action culturelle, l’audiovisuel, la production cinématographique, l’édition phonographique (…).
Appréciation judiciaire du caractère permanent de l’emploi
En application des articles L.1242- 1, L.1242- 2 et L.1242- 12 du code du travail, un contrat de travail à durée déterminée, qui ne peut avoir pour effet ou pour objet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise, ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire, et seulement dans les cas déterminés par la loi, et doit être établi par écrit et comporter la définition précise de son motif, à défaut de quoi il est réputé conclu pour une durée indéterminée.
La possibilité de conclure des contrats à durée déterminés d’usage est certes prévue et encadrée par l’accord national interprofessionnel de branche de la télédiffusion en date du 12 octobre 1998 et l’accord d’entreprise du 16 mai 2007 relatif au recours au contrat à durée déterminée d’usage au sein de la société TF1 mais il appartient au juge de contrôler tant le formalisme des contrats que le motif par nature temporaire des contrats, qui doit être apprécié concrètement.
Sur le plan formel les contrats de travail conclus par la société TF1 étaient réguliers ; ces contrats ont été signés le premier jour de travail et comportaient les jours de travail et le nombre d’heures par jour (8h) ainsi qu’un objet qui est, soit la mention BA (bandes annonces) et le mois, soit le nom d’une émission, ainsi que le salaire horaire et journalier.
Un recours variable et à temps partiel
Pour établir que l’emploi du salarié était ou non de nature temporaire ou permanente, les juges ont recherché à quelle fréquence la société TF1 avait recours à sa collaboration et pour quel objet ou émissions. Or, la fréquence du recours pendant 12 ans était variable et discontinue selon les années et les mois. Ainsi, le salarié avait travaillé entre 5 et 8 jours par mois, avec une moyenne de 88 jours par an. Cette analyse a fait apparaître que la société a eu recours au salarié de manière alternative, soit pour compléter l’équipe du service des bandes annonces pour un travail classique récurrent, soit principalement pour compléter l’équipe pour des émissions spécifiques sur une période donnée. Ces éléments – la grande variation du temps de travail du salarié – le fait que la collaboration s’est toujours basée sur un temps partiel de moins de 10 jours par mois en moyenne sur chaque année- pris dans leur ensemble, mettaient en évidence les besoins variables de la société, tant concernant l’objet des contrats que les périodes où elle sollicitait la collaboration du salarié.
Par ailleurs, l’organisation souple, qui était mise en place depuis de nombreuses années, pouvait permettre au salarié, à temps partiel, de travailler pour un autre employeur, car la société le prévenait le plus souvent plusieurs jours voire 15 jours à un mois à l’avance (les horaires étant en revanche parfois précisés très peu de temps avant).
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