Cour d’appel de Versailles, 22 janvier 2025, RG n° 22/03835
Cour d’appel de Versailles, 22 janvier 2025, RG n° 22/03835

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Versailles

Thématique : Transfert de contrat et maintien des droits des salariés : enjeux et obligations des employeurs.

Résumé

Engagement et Transferts de Contrat

Mme [Z] a été engagée par la société McAfee en tant qu’analyste financier à partir du 24 mai 1995. En 2014, McAfee a fusionné avec Stonesoft, devenant McAfee France, et a appliqué la convention collective nationale des entreprises de la papeterie. En 2015, Intel Corporation a acquis McAfee France, entraînant le transfert des contrats de travail, y compris celui de Mme [Z], à partir du 1er juillet 2015. En 2017, l’activité française d’Intel Security a été cédée à McAfee France, qui a également repris les contrats de travail.

Rupture et Demande de Paiement

Mme [Z] a quitté McAfee France le 21 novembre 2018. Le 2 avril 2019, elle a saisi le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt pour réclamer diverses sommes salariales et indemnitaires. Le jugement du 27 octobre 2022 a condamné solidairement Intel Corporation et McAfee France à verser à Mme [Z] des sommes pour la liquidation de son compte épargne temps et des frais de justice, tout en déboutant Mme [Z] de ses autres demandes.

Appel et Décisions de la Cour

Mme [Z] a interjeté appel le 29 décembre 2022. La cour a examiné les prétentions des parties, notamment la demande de confirmation de la condamnation des sociétés et l’infirmation du jugement sur les autres demandes de Mme [Z]. La société Intel Corporation a également interjeté appel incident, demandant l’infirmation de certaines condamnations.

Manquements de l’Employeur

La cour a constaté que la société Intel Corporation n’avait pas respecté ses obligations lors du transfert du contrat de travail, notamment en ce qui concerne les congés payés, le compte épargne temps et la prime de vacances. Les manquements ont eu des conséquences sur les droits de Mme [Z], qui a subi un préjudice en raison de la non-négociation d’accords de substitution et de la remise en cause de ses avantages acquis.

Indemnités et Dommages-Intérêts

La cour a condamné Intel Corporation à verser à Mme [Z] des indemnités pour les congés payés non pris, la liquidation unilatérale de son compte épargne temps, ainsi que des dommages-intérêts pour le préjudice subi. La cour a également jugé que la convention de forfait-jours applicable à Mme [Z] était nulle, entraînant des condamnations supplémentaires pour les heures supplémentaires non payées.

Conclusion et Décisions Finales

La cour a confirmé certaines décisions du jugement initial tout en infirmant d’autres, condamnant Intel Corporation à verser des sommes spécifiques à Mme [Z] et à payer des frais de justice. Les condamnations ont été assorties d’intérêts légaux et de capitalisation des intérêts dus. La cour a également débouté les parties de leurs demandes supplémentaires.

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

Chambre sociale 4-4

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 22 JANVIER 2025

N° RG 22/03835

N° Portalis DBV3-V-B7G-VTCO

AFFAIRE :

[X] [Z]

C/

Société INTEL CORPORATION

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 27 octobre 2022 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BOULOGNE-

BILLANCOURT

Section : E

N° RG : F 19/00437

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Laurence CIER

Me Marine COUTURIER

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT-DEUX JANVIER DEUX MILLE VINGT CINQ,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Madame [X] [Z]

née le 12 novembre 1970 à [Localité 5]

de nationalité française

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Laurence CIER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1613

APPELANTE

****************

Société INTEL CORPORATION

N° SIRET : 302 456 199

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Me Marine COUTURIER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J132

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

L’affaire a été débattue à l’audience publique du 8 novembre 2024, Monsieur Laurent BABY, conseiller, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Aurélie PRACHE, Présidente,

Monsieur Laurent BABY, Conseiller,

Madame Nathalie GAUTIER, Conseillère,

qui en ont délibéré,

Greffier lors des débats : Madame Dorothée MARCINEK

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Mme [Z] a été engagée par la société McAfee, en qualité d’analyste financier, par contrat de travail à durée indéterminée, à compter du 24 mai 1995, avec reprise d’ancienneté au 21 mars 1995.

En 2014 la société McAfee est devenue McAfee France par suite d’une fusion-absorption par la société Stonesoft. La société McAfee France applique la convention collective nationale des entreprises de la papeterie, fournitures de bureaux, bureautique, informatique, librairie commerce de détail.

En 2015, la société Intel corporation a acquis la société McAfee France au sein de la division Intel security et, dans ce cadre, les contrats de travail ont été transférés de plein droit à la société Intel corporation à compter du 1er juillet 2015. Ce transfert a fait l’objet d’un avenant au contrat de travail de la salariée.

La société Intel corporation est spécialisée dans la distribution de logiciels informatiques. L’effectif de la société était, au jour de la rupture, de plus de cinquante salariés. Elle applique la convention collective nationale des industries de la métallurgie (ci-après « la convention collective de la métallurgie »).

Le 3 avril 2017, l’activité française de la société Intel security a été cédée à la société McAfee France qui a repris les contrats de travail en application de l’article L. 1224-1 du code du travail.

Mme [Z] a quitté les effectifs de la société McAfee France à compter du 21 novembre 2018.

Par requête du 2 avril 2019, Mme [Z] a saisi le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt aux fins de paiement de diverses sommes de nature salariale et de nature indemnitaire.

Par jugement du 27 octobre 2022, le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt (section encadrement) a :

. condamné solidairement les société Intel corporation et McAfee France à payer à Mme [Z] les sommes suivantes :

. 1 332,46 euros au titre de la rémunération de la liquidation de son compte épargne temps

. 1 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile

. dit que les sommes ayant le caractère de salaire produiront intérêt à compter de la date de la saisine du conseil de prud’hommes et que la capitalisation des intérêts s’appliquera pour les intérêts dus pour une année entière

. dit qu’il n’y a pas lieu d’ordonner l’exécution provisoire du présent jugement au-delà des dispositions de l’article R 1454-28 du code du travail

. débouté M. [Z] du surplus de ses demandes

. débouté les sociétés Intel corporation et McAfee France de leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile

. condamné solidaire les sociétés Intel corporation et McAfee France aux éventuels dépens.

Par déclaration adressée au greffe le 29 décembre 2022, Mme [Z] a interjeté appel de ce jugement.

Une ordonnance de clôture a été prononcée le 22 octobre 2024.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 24 septembre 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles Mme [Z] demande à la cour de :

. recevoir Mme [Z] en son appel et la déclarer recevable

. Confirmer la décision en ce que le conseil a condamné solidairement la société Intel corporation avec la société McAfee France à payer à Mme [Z] les sommes de :

. 1 332,46 euros au titre de la rémunération de la liquidation du compte épargne temps ;

. 1 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

. débouter la société Intel corporation de son appel incident au titre de ces condamnations

. Infirmer la décision du conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt en date du 27 octobre 2022 N° RG F 19/00437 en ce qu’elle a débouté Mme [Z] de ses autres demandes ;

Statuant de nouveau

Au titre des manquements de la société Intel corporation dans le cadre du transfert du contrat de travail de McAfee France

. Condamner la société Intel corporation à payer à Mme [Z]

. 5 000 euros au titre des repos supprimés et non pris dans des conditions illicites

.15 000 euros au titre du préjudice résultant de la liquidation imposée de ce compte épargne temps dénoncé sans accord de substitution

Au titre des manquements de la société Intel corporation du 1er juillet 2015 au 3 avril 2017

. Condamner la société Intel corporation à payer à Mme [Z] un montant total de 390, 32 euros au titre du rappel de l’indemnité de congés payés pour les années 2015 à 2017

. Condamner la société Intel corporation à payer à Mme [Z] 991, 32 euros bruts au titre de la prime de vacances due mais non versée

. Juger la convention de forfait-jours applicable au contrat de travail de Mme [Z] nulle ;

En conséquence,

. Condamner la société Intel corporation à payer à Mme [Z] la somme de 10 000 euros à titre de dommage intérêts faute de comptabilisation des jours effectivement travaillés

. Condamner la société à payer à Mme [Z] un rappel d’heures supplémentaires de 24 632, 52 euros au titre des heures supplémentaires effectuées et non payées outre la somme de 2 463, 25 euros au titre des congés payés y afférents outre la prime de vacances

Au titre des manquements de la société Intel corporation dans le cadre du transfert du contrat de travail de Intel corporation vers McAfee France du 3 avril 2017

. Condamner la société Intel corporation au paiement d’un solde restant dû de 200 euros au titre des congés payés gelés

. Condamner la société Intel corporation à payer à Mme [Z] 95 000 euros à titre de dommages intérêts pour exécution de mauvaise foi du contrat de travail et discrimination et rupture du principe d’égalité entre les salariés au titre de l’absence d’octroi de RSU pour l’année 2016

. Condamner la société Intel corporation à payer au titre de l’ensemble des condamnation l’intérêt légal à compter de l’introduction de la demande et sur l’ensemble des demandes avec capitalisation par application des articles 1343-2 et suivants du code civil

. Débouter la société Intel corporation de ses demandes

. Condamner la société Intel corporation à verser à Mme [Z] la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel et confirmer la condamnation ordonnée au titre de l’article 700 du code de procédure civile en première instance ainsi qu’aux entiers dépens.

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 11 octobre 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles la société Intel corporation demande à la cour de :

. déclarer recevable et bien fondée la société Intel corporation en son appel incident de la décision rendue le 27 octobre 2022 par le conseil de prud’hommes de Boulogne Billancourt,

Y faisant droit,

. Infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné solidairement les sociétés Intel corporation et McAfee France à verser à Mme [Z] la somme de 1 332, 46 euros au titre de la rémunération de la liquidation du compte épargne-temps et 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

. Confirmer le jugement pour le surplus ;

Statuant à nouveau,

. Débouter M. [Z] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

Y ajoutant,

. Condamner Mme [Z] à verser à la société Intel corporation la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

. Condamner Mme [Z] aux dépens.

PAR CES MOTIFS:

Statuant publiquement et par arrêt contradictoire, la cour :

CONFIRME le jugement en ce qu’il déboute Mme [Z] de sa demande au titre de la prime de vacances, de sa demande de dommages-intérêts pour perte de chance, de sa demande au titre de la liquidation des congés payés gelés, de sa demande de rappel d’heures supplémentaires, de sa demande au titre des RSU, et condamne la société Intel corporation à payer à Mme [Z] la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens,

INFIRME le jugement sur le surplus,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

DIT privée d’effets la convention de forfait annuel en jours de la salariée,

CONDAMNE la société Intel corporation à payer à Mme [Z] les sommes suivantes :

. 2 000 euros de dommages-intérêts au titre du préjudice résultant de l’impossibilité de prendre des congés payés acquis,

. 1 000 euros de dommages-intérêts au titre de la liquidation unilatérale du compte épargne-temps,

. 390,32 euros à titre de solde d’indemnité de congés payés,

. 2 000 euros de dommages-intérêts au titre du dépassement du nombre de jours travaillés dans le cadre du forfait,

DIT que les condamnations au paiement de sommes ayant une vocation indemnitaire sont assorties des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt et que les condamnations au paiement des rappels de salaire sont assorties des intérêts au taux légal à compter de la réception, par la société Intel corporation de sa convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation du conseil de prud’hommes,

ORDONNE la capitalisation des intérêts dus pour une année entière,

DÉBOUTE Mme [Z] de sa demande relative à la liquidation de son compte épargne-temps,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes autres, plus amples, ou contraires,

CONDAMNE la société Intel corporation à payer à Mme [Z] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société Intel corporation aux dépens de la procédure d’appel.

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Aurélie Prache, présidente et par Madame Dorothée Marcinek, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » »’

La Greffière La Présidente

 


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