Cour d’appel de Versailles, 21 octobre 2024, n° RG 22/01613
Cour d’appel de Versailles, 21 octobre 2024, n° RG 22/01613

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Versailles

Thématique : La protection des salariées en état de grossesse face à une rupture de contrat non justifiée

 

Résumé

La cour d’appel de Versailles a jugé que le licenciement de Mme [H] par la société JPG était nul, en raison de son état de grossesse, notifié après la déclaration de celle-ci. Le licenciement, initialement justifié par une prétendue faute grave, a été contesté par Mme [H], qui a prouvé que les accusations portées contre elle n’étaient pas fondées. La cour a condamné JPG à verser 55 000 euros à Mme [H] pour licenciement nul, ainsi qu’à rembourser les indemnités de chômage versées. Cette décision souligne la protection des salariées enceintes contre les ruptures de contrat injustifiées.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

21 octobre 2024
Cour d’appel de Versailles
RG n°
22/01613

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

Chambre sociale 4-3

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 21 OCTOBRE 2024

N° RG 22/01613 –

N° Portalis DBV3-V-B7G-VGKV

AFFAIRE :

S.A.S. JPG

C/

[K] [H]

Décision déférée à la cour : Jugement rendue le 09 Mai 2022 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MONTMORENCY

N° Section : C

N° RG : F20/00550

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Ruth CARDOSO EZVAN

Me Eric BOURLION

Expédition numérique délivrée à FRANCE TRAVAIL

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT ET UN OCTOBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

S.A.S. JPG

N° SIRET : 997 506 407

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Ruth CARDOSO EZVAN de la SELEURL RCE AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1555

APPELANTE

****************

Madame [K] [H]

née le 23 Août 1981 à [Localité 5]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentant : Me Eric BOURLION de la SCP CABINET BOURLION, avocat au barreau de VAL D’OISE, vestiaire : 50

Substitué : Me Marie-Hélène GAMBIER, avocat au barreau du VAL D’OISE

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 26 Septembre 2024 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Aurélie GAILLOTTE, Conseillère chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Laurence SINQUIN, Présidente,

Mme Florence SCHARRE, Conseillère,

Madame Aurélie GAILLOTTE, Conseillère,

Greffier lors des débats : Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI,

Greffier lors du prononcé : Madame Isabelle FIORE

FAITS ET PROCÉDURE

La société JPG est une société par actions simplifiée (SAS) immatriculée au registre du commerce et des sociétés (RCS) de Pontoise sous le n°997 506 407. Elle exploite une activité de vente de fournitures, de matériels et mobiliers de bureau et emploie plus de 11 salariés.

Par contrat à durée déterminée en date du 3 février 2006, Mme [K] [H] a été engagée par la société JPG, venant aux droits de la société Staples France, en qualité de conseillère commerciale, à temps complet, à compter du 6 février et jusqu’au 31 décembre 2006.

A compter du 1er juin 2006, la relation contractuelle a été transformée en contrat à durée indéterminée. Le contrat a fait l’objet de plusieurs avenants, jusqu’à celui du 12 février 2015, correspondant à l’emploi de commercial sédentaire grands comptes, suivant rémunération bruts mensuels de 2 000 euros outre une rémunération variable définie chaque année par décision unilatérale de la société en fonction des objectifs fixés par la direction.

Enfin, selon avenant au contrat du 11 décembre 2017, contenant une période probatoire de 6 mois du 6 novembre 2017 au 5 mai 2018, Mme [H] a été promue aux fonctions de chargée de développement commercial, classification B1-240. La rémunération brute était fixée à 2 026 euros mensuels, augmentée à 2 300 euros bruts à compter du 6 mai 2018 sous réserve de la titularisation, une prime mensuelle de fonction de 274 euros pendant la période probatoire, outre une part variable dans les conditions définies par l’avenant.

Les relations de travail étaient régies par les dispositions de la convention collective des commerces de détail de papeterie, fournitures de bureau, de bureautique et informatique et de librairie.

Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 16 février 2018, la société JPG a convoqué Mme [H] à un entretien préalable à une sanction pouvant aller jusqu’au licenciement.

L’entretien préalable s’est tenu le 28 février 2018, en présence d’une déléguée du personnel.

Par courrier recommandé avec accusé de réception du 12 mars 2018, la société JPG a notifié à Mme [H] son licenciement pour faute grave.

Par courriel du 13 mars, la salariée a transmis à la société des résultats d’analyse sanguine révélant un diagnostic de grossesse positif puis par courrier remis en main propre le 19 mars 2018, Mme [H] a informé la société JPG de son état de grossesse, médicalement constaté par certificat en date du 16 mars 2018.

Par requête introductive reçue au greffe le 18 février 2019, Mme [H] a saisi le conseil de prud’hommes de Montmorency d’une demande tendant à ce que son licenciement pour faute grave soit jugé nul, ou à défaut, sans cause réelle et sérieuse. 

Par courrier en date du 4 septembre 2020 reçu au greffe du conseil de prud’hommes de Montmorency, Mme [H] a demandé le rétablissement de l’affaire au rôle.

Par jugement en date du 9 mai 2022, auquel renvoie la cour pour l’exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud’hommes de Montmorency a :  

– dit que le licenciement de Mme [H] n’est pas nul ;

– jugé que le licenciement de Mme [H] ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse ;

– fixé le salaire de Mme [H] à 3 289,77 euros ;

– condamné la société JPG à payer à Mme [H] les sommes suivantes :

* indemnité compensatrice de préavis : 6 579,54 euros ;

* congés payés afférents : 657,95 euros ;

* indemnité légale de licenciement : 10 417,60 euros ;

* indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 20 000 euros ;

* dommages et intérêts pour perte de chance de primes : 839 euros ;

* article 700 du code de procédure civile : 1 500 euros

– ordonné à la société JPG de remettre à Mme [H] un certificat de travail et un bulletin de paie récapitulatif, établis en conformité avec les termes du présent jugement, sous astreinte de 10 euros par jour de retard et par document à compter du 15ème jour suivant la date de mise à disposition du jugement ;

– dit que l’exécution provisoire s’appliquera dans les conditions présentées par l’article R. 1454-28 du code du travail ;

– débouté Mme [H] du surplus de ses demandes ;

– débouté la société JPG de ses demandes reconventionnelles ;

– condamné la société JPG, partie succombante, aux dépens.

Par déclaration remise au greffe de la cour d’appel de Versailles, le 17 mai 2022, la société JPG a interjeté appel de ce jugement.

MOYENS ET PRÉTENTIONS

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 28 juin 2022, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens et prétentions conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la société JPG, appelante et intimée à titre incident, demande à la cour de :

– confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Montmorency en ce qu’il a dit que le licenciement de Mme [H] n’est pas nul ;

– l’infirmer pour le surplus.

En conséquence,

– débouter Mme [H] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

– la condamner à payer à la société JPG la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– la condamner aux dépens.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 23 septembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens et prétentions conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, Mme [H], intimée et appelante à titre incident, demande à la cour de :

– confirmer la décision entreprise en ce qu’elle a :

* fixé le salaire de Mme [H] à 3 289,77 euros ;

* condamné la société JPG à payer à Mme [H] les sommes suivantes :

o indemnité compensatrice de préavis : 6 579,54 euros

o congés payés afférents : 657,95 euros

o indemnité légale de licenciement : 10 417,60 euros

* ordonné à la société JPG de remettre à Mme [H] un certificat de travail et un bulletin de paie récapitulatif, établis en conformité avec les termes du présent jugement, sous astreinte de 10 euros par jour de retard et par document à compter du 15ème jour suivant la date de mise à disposition du jugement ;

* débouté la société JPG de ses demandes reconventionnelles ;

– condamné la société JPG, partie succombante, aux dépens.

– infirmer la décision entreprise en ce qu’elle a :

* dit que le licenciement de Mme [H] n’est pas nul ;

* condamné la société JPG à payer à Mme [H] les sommes suivantes :

o indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 20 000 euros ;

o dommages et intérêts pour perte de chance de primes : 839 euros ;

o article 700 du code de procédure civile : 1 500 euros.

* débouté Mme [H] du surplus de ses demandes.

Statuant à nouveau,

A titre principal :

– dire et juger que le licenciement prononcé par la société JPG à l’égard de Mme [H] est nul ;

– condamner la société JPG à verser à Mme [H] la somme de 79 962,69 euros, soit 24 mois de salaires (20 +4) ;

A titre subsidiaire,

et dans l’hypothèse où la Cour considérerait que le licenciement n’est pas nul :

– dire et juger que le licenciement pour faute grave prononcé par la société JPG à l’égard de Mme [H] est dénué de cause réelle et sérieuse ;

– condamner la société JPG à verser à Mme [H] la somme de 62 965,55 euros, soit 19 mois de salaires (15 + 4), conformément à l’article L. 1235-3 du code du travail pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– condamner la société JPG à verser à Mme [H] la somme de 4 381 euros, au titre du rappel de primes ;

En tout état de cause,

– assortir la décision à intervenir d’un intérêt au taux légal à compter de la date d’introduction de l’instance ;

– condamner la société JPG à verser à Mme [H] la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. 

La clôture de l’instruction a été prononcée le 4 septembre 2024.

Par note en délibéré adressée par le RPVA le 27 septembre 2024 à la demande du conseiller rapporteur, le conseil de Mme [H] a transmis à la cour l’attestation employeur remise à Pôle emploi pôle concernant Mme [H].

MOTIFS

1. Sur le licenciement

Au visa de l’article L 1225-5 du code du travail, Mme [H] sollicite la nullité de son licenciement pour faute grave non fondée et le versement de 24 mois de salaire en invoquant la déclaration de grossesse adressée à son employeur par courriel du 13 mars 2018.

La société conclut au débouté de la salariée en soulignant qu’il n’existe pas de lien entre sa grossesse et son licenciement, puisqu’elle a été licenciée pour faute grave, de sorte que les dispositions de l’article L. 1225-5 du code du travail ne sont pas applicables.

***

Aux termes de l’article L.1225-5 du code du travail, le licenciement d’une salariée est annulé lorsque, dans un délai de quinze jours à compter de sa notification, l’intéressée envoie à son employeur, dans des conditions déterminées par voie réglementaire, un certificat médical justifiant qu’elle est enceinte. Ces dispositions ne s’appliquent pas lorsque le licenciement est prononcé pour une faute grave non liée à l’état de grossesse ou par impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à la grossesse ou à l’accouchement.

Aux termes des articles R.1225-1 à R.1225-3 du même code, pour bénéficier de la protection de la grossesse et de la maternité, prévue aux articles L. 1225-1 et suivants, la salariée remet contre récépissé ou envoie par lettre recommandée avec avis de réception à son employeur un certificat médical attestant son état de grossesse et la date présumée de son accouchement ou la date effective de celui-ci, ainsi que, s’il y a lieu, l’existence et la durée prévisible de son état pathologique nécessitant un allongement de la période de suspension de son contrat de travail.

En l’espèce, le licenciement a été notifié à Mme [H] le 12 mars 2018 pour faute grave, puis la salariée a adressé à son employeur par courriel du 13 mars une analyse sanguine révélant un diagnostic de grossesse positif, confirmé par un certificat de grossesse remis en mains propres le 19 mars 2018 par Mme [H] à son employeur, soit dans le délai légal de 15 jours.

Aux termes d’un courrier du 21 mars, Mme [H] a demandé à son employeur d’annuler son licenciement en raison de son état de grossesse, ce qui a été refusé par la société JPG le 23 mars 2018, au motif que l’employeur ignorait son état de grossesse lors de la notification du licenciement et que cette mesure se fondait sur une faute grave non liée à l’état de grossesse.

L’employeur ayant été régulièrement avisé dans le délai de 15 jours par la salariée de son état de grossesse, il convient de déterminer d’une part si le licenciement notifié repose sur une faute grave et d’autre part si la faute grave est sans lien avec l’état de grossesse.

La faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise et qui justifie la rupture immédiate du contrat de travail, sans préavis ; la charge de la preuve pèse sur l’employeur.

Au cas présent, la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, reproche à la salariée d’avoir proféré des insultes envers un membre du CODIR le 11 décembre 2017, une absence injustifiée à une formation le 13 décembre 2017, un comportement agressif et l’utilisation d’un ton péremptoire lors de la réunion du 23 janvier 2018, des propos mensongers lors de la réunion du 6 février 2018, une insubordination et son attitude vis-à-vis des nouveaux arrivants.

* Sur les insultes envers un membre du CODIR

Mme [H] soutient à titre liminaire que les faits datés du 11 décembre 2017 sont prescrits puisque le licenciement a été notifié le 12 mars 2018, soit au-delà du délai de deux mois, tandis que l’employeur expose que la société a pris connaissance des propos tenus par Mme [H] à la suite du courriel adressé le 16 février 2018 par M. [M], responsable du support commercial et membre du comité de direction, adressé à la responsable des ressources humaines.

Aux termes de l’article L. 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales.

Dès lors que les faits sanctionnés ont été commis plus de deux mois avant l’engagement des poursuites disciplinaires, il appartient à l’employeur d’apporter la preuve qu’il n’en a eu connaissance que dans les deux mois ayant précédé l’engagement de ces poursuites.

La prise en compte d’un fait antérieur à deux mois peut cependant intervenir pour fonder la lettre de licenciement si le comportement du salarié s’est poursuivi dans ce délai.

Enfin, ce n’est pas la date des faits qui constitue le point de départ du délai de prescription mais celle de la connaissance par l’employeur des faits reprochés, cette connaissance s’entendant d’une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l’ampleur des faits (Soc. 17 février 1993 pourvoi n°88-45.539 Bull V n°55 ; Soc. 28 septembre 2011 pourvoi n°10-17.343). La détermination de la date à laquelle l’employeur a eu une connaissance exacte de la réalité et de l’ampleur des faits imputables au salarié, s’agissant de la preuve d’un fait, relève de l’appréciation souveraine des juges du fond (Soc., 13 février 2019, pourvoi n° 17-21.514).

En l’espèce, la société JPG indique dans la lettre de licenciement avoir découvert le 16 février 2018 les insultes proférées par Mme [H] le 11 décembre 2017 à l’encontre de M. [L] [M], ce qui ressort précisément de sa pièce 25 adressée par le responsable commercial par courriel du 16 février 2018 : « Je tenais à vous rapporter le fait suivant :

Lors du sapin de Noël du 11 décembre 2017, [K] [H] s’est adressé(e) à moi avec les termes suivants. Je cite : « [L] tu es exactement comme mon Mari, je te jure », « Du coup la dernière fois je lui ai dit : Mais quand tu vas au travail tu es aussi un connard ‘ » (…) ».

La société JPG n’ayant pris connaissance de ces faits qu’en date du 16 février 2018, tandis que la convocation en entretien préalable date de ce même jour, ils ne sont pas prescrits.

Il ressort du compte-rendu de l’entretien préalable établi par le délégué du personnel que lors de ce dernier, Mme [H] a indiqué que cette phrase était sortie de son contexte, tandis que M. [M] indique lui-même dans son courriel que « sur le coup, je dois admettre que je n’ai pas réalisé la gravité de ses propos » et qu’il ajoute avoir eu un rendez-vous en présence du manager de Mme [H] à ce sujet au cours duquel il a indiqué, « de façon à apaiser les choses, que je ne trouvais pas cela très grave », ce qui concorde avec les dires de la salariée qui précise dans son courrier de contestation de la lettre de licenciement qu’en « la présence de Messieurs [D] et [P], M. [M] a indiqué à Mme [H] qu’aucune insulte n’avait été émise à son encontre et qu’il s’agit seulement d’un quiproquo ou d’une mauvaise interprétation de certaines personnes ».

La salariée produit par ailleurs plusieurs attestations de salariés présents lors des faits du 11 décembre 2017 qui indiquent que Mme [H] n’a pas tenu de propos insultants à l’égard de M. [M] lors de cette soirée.

La cour considère au vu de l’ensemble de ces éléments que Mme [H] a tenu des propos maladroits à l’égard de M. [M] dans le cadre d’un moment de convivialité entre salariés, ce qu’elle ne conteste d’ailleurs pas et qui a donné lieu à une explication entre eux en présence de son manager dès le lendemain, mais qu’ils ne caractérisent pas des insultes à son encontre. Ce grief n’est donc pas fondé.

* Sur l’absence injustifiée du 13 décembre 2017

La lettre de licenciement du 12 mars 2018 mentionne ensuite que :

« Nous avons découvert le 23 février 2018 que vous aviez été absente en date du 13 décembre 2017, lors de la journée de formation sur la prise de 1er Rendez-vous par téléphone. L’absence n’a pas été saisie par votre manager et vous ne nous avez adressé aucun justificatif ».

Or, si Mme [H] n’a effectivement pas participé à ces deux formations qui étaient prévues à son agenda outlook le 13 décembre 2017, l’employeur ne démontre pas aux termes de ses pièces que sa présence était obligatoire, tandis que la salariée justifie aux termes de ses pièce avoir travaillé ce jour-là sur les dossiers en cours, même si elle ne justifie pas avoir obtenu l’autorisation de son manager et Directeur, Monsieur [P], de ne pas participer aux formations, comme elle l’affirme.

En conséquence, ce grief tenant à une absence injustifiée n’est pas établi.

* Sur le comportement agressif lors de la réunion du 23 janvier 2018

La société reproche également à Mme [H] l’utilisation d’un ton particulièrement péremptoire et agressif lors de la réunion du 23 janvier 2018. Elle ne produit cependant que deux courriels écrits par M. [M] à la responsable des ressources humaines en date des 24 et 30 janvier 2018, qui ne sont étayés par aucun élément complémentaire, et qui sont contredits par les attestations produites aux débats par la salariée de plusieurs collaborateurs qui énoncent que Mme [H] n’a manifesté aucune agressivité ni attitude déplacée envers aucun membre de la direction durant les réunions de service. Ce grief n’est donc pas établi.

* Sur les propos mensongers

La société reproche ensuite à Madame [H] d’avoir « eu des propos mensongers lors de la réunion mensuelle commerciale du 6 février 2018 », et plus précisément d’avoir affirmé au président directeur général que le responsable de l’équipe support commercial aurait demandé aux commerciaux de ne plus faire d’études comparatives (ECS) depuis début janvier 2018, alors qu’une telle affirmation est contraire à la recommandation du responsable support émise le 25 janvier 2018.

Contrairement à ce qui est affirmé par l’employeur, il n’est pas démontré par les pièces produites aux débats que Mme [H] ait affirmé en réunion qu’il ait été demandé aux commerciaux de ne plus faire d’études comparatives. En revanche, les pièces versées par l’employeur démontrent que des interrogations ont été portées lors de la réunion du 23 janvier 2018 par les commerciaux, qu’une certaine confusion régnait entre les clients nouveaux à entrer et les études comparatives et, qu’à la suite de cette réunion, M. [M] a rediffusé ses consignes du 25 janvier et rappelé par courriel du 9 février 2018 qu’il n’avait jamais parlé d’ECS (d’études comparatives) mais d’ouverture de compte, qu’il valait mieux implémenter les nouveaux clients sur AS400. La salariée produit par ailleurs deux attestations de salariés ayant participé à la réunion et qui confirment que les interrogations qu’elle a exprimées lors de la réunion étaient partagées par plusieurs collaborateurs.

Le grief tenant aux propos mensongers n’est donc pas fondé.

* Sur les insubordinations

La société JPG reproche à Mme [H], en dépit des procédures internes et des consignes précises données par son manager et l’équipe support commercial les 25 janvier et 7 février 2018, d’avoir fait preuve d’insubordination notamment le 9 février 2018 pour le client Flint Group France et le 12 février 2018 pour les clients Flint group et Profilafroid en contournant les modes opératoires applicables.

La société démontre aux termes de ses pièces qu’en dépit d’un mode opératoire communiqué aux commerciaux le 7 février 2018 pour l’ouverture de comptes client nécessitant la validation de l’équipe « Com team », Mme [H] a contourné ce processus le 9 février 2018 s’agissant du client Flint Group en entrant ses conditions elles-mêmes puis le 12 février, Mme [H] a demandé pour le client Profilafroid d’enregistrer une condition administrative sur le compte client via l’ERP AS400 sans validation préalable de l’équipe « Com Team ».

L’employeur établit ainsi qu’à deux reprises Mme [H] n’a pas respecté les règles en vigueur au sein de l’équipe commerciale. Néanmoins, la cour relève que ces deux faits sont intervenus dans le contexte de nouvelles règles mises en place au sein de l’entreprise résultant de la fusion absorption de la société Corporate Express France par la société Staples le 31 octobre 2017-JPG ayant généré des difficultés et retards de traitement par l’équipe commerciale, qu’elles ont été notifiées aux commerciaux de JPG quelques jours seulement avant le constat du non-respect des consignes par la salariée, qu’il s’agissait en tout état de cause de faire gagner deux clients à la société, et enfin que Mme [H], embauchée en 2006, n’a jamais reçu d’avertissement ou de rappel à l’ordre à ce titre, et a été promue le 11 décembre 2017 sur le poste de chargé de développement commercial dans le cadre d’une mobilité interne sur lequel était prévue une période probatoire de six mois. La cour déduit de l’ensemble de ces éléments et du contexte que ces faits isolés reprochés à Mme [H] ne sont pas de nature à constituer une faute grave justifiant un licenciement.

Enfin, la société n’établit pas au travers de ses pièces comme il le soutient que l’attitude de Mme [H] a donné une mauvaise image de la société ni freiné l’appropriation du modèle auprès des nouveaux arrivants, la salariée étant au contraire décrite aux termes des attestations de collaborateurs produites aux débats comme étant une personne sur laquelle les nouveaux collaborateurs pouvaient compter et qui faisait preuve d’entraide et de solidarité.

En conséquence de l’ensemble de ces éléments, l’employeur échouant à établir la preuve d’une faute grave à l’origine du licenciement de Mme [H] notifié le 12 mars 2018, il convient donc, en application de l’article L 1225-5 du code du travail, de l’annuler, par voie d’infirmation du jugement entrepris.

2. Sur les conséquences du licenciement nul

2.1 Sur l’indemnité pour licenciement nul

L’inobservation par l’employeur des dispositions des articles L. 1225-1 à L. 1225-28 (‘) peut donner lieu au profit du salarié à une indemnité déterminée conformément aux dispositions de l’article L. 1235-3-1 du code du travail. Et, en application de ce dernier, l’article L. 1235-3 n’est pas applicable lorsque le juge constate que le licenciement est entaché d’une des nullités prévues au deuxième alinéa du présent article. Dans ce cas, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l’exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l’employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

La salariée sollicite une somme de 79 962,69 euros équivalente à 24 mois de salaire tandis que la société indique que Mme [H] ne justifie pas de son préjudice permettant de lui accorder la somme demandée.

Compte tenu notamment des circonstances de la rupture, notifiée sans motif légitime à la salariée en état de grossesse, du montant de la rémunération perçue au cours des six derniers mois tel qu’il figure sur les bulletins de paie et sur l’attestation employeur, de son âge, de son ancienneté de douze dans l’entreprise, et de son préjudice financier résultant des difficultés à retrouver un emploi à l’issue de sa grossesse, la salariée justifiant avoir été au chômage durant deux ans, il y a lieu de condamner l’employeur à lui payer la somme de 55 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement nul.

2.2 Sur l’indemnité de licenciement

Mme [H] sollicite une somme de 10 417,60 euros sur la base d’un salaire brut de 3 289,77 euros selon le calcul suivant : (3289,77 x 1/4 X 10) + (3 289,77 x 1/3 X 2).

La société indique que l’indemnité de licenciement doit être calculé sur la base de la moyenne des 12 derniers mois de salaire, soit 3 203,35 euros.

Selon l’article L. 1234-9 du code du travail, le salarié licencié a droit sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement calculée, en application des dispositions de l’article R. 1234-4 du code du travail, « selon la formule la plus avantageuse pour le salarié :

– Soit le douzième de la rémunération des douze derniers mois précédant le licenciement

– Soit le tiers des trois derniers mois. Dans ce cas, toute prime ou gratification de caractère annuel ou exceptionnel, versée au salarié pendant cette période, n’est prise en compte que dans la limite d’un montant calculé à due proportion ».

En vertu de l’article R. 1234-2 du code du travail, l’indemnité de licenciement ne peut être inférieure aux montants suivants :

1° Un quart de mois de salaire par année d’ancienneté pour les années jusqu’à dix ans ;

2° Un tiers de mois de salaire par année d’ancienneté pour les années à partir de dix ans.

En application de ces textes, le salaire mensuel moyen sur les 12 derniers mois s’élève à 3 203,35 euros bruts selon l’employeur, tandis que la moyenne des salaires sur les trois derniers mois est de 3 289,77 euros tel qu’il ressort de l’attestation pôle emploi, de sorte qu’il convient de retenir cette moyenne proposée par Mme [H] qui lui est plus favorable. En conséquence, il convient de faire droit à sa demande au titre de l’indemnité de licenciement à hauteur de 10 417,60 euros, par voie de confirmation de la décision déférée.

* Sur l’indemnité compensatrice de préavis

Selon l’article L. 1234-5 du code du travail :

‘Lorsque le salarié n’exécute pas le préavis, il a droit, sauf s’il a commis une faute grave, à une indemnité compensatrice.

L’inexécution du préavis, notamment en cas de dispense par l’employeur, n’entraîne aucune diminution des salaires et avantages que le salarié aurait perçus s’il avait accompli son travail jusqu’à l’expiration du préavis, indemnité de congés payés comprise.

L’indemnité compensatrice de préavis se cumule avec l’indemnité de licenciement et avec l’indemnité prévue à l’article L. 1235-2.’

En l’espèce, la salariée n’a pas exécuté son préavis en raison du licenciement pour faute grave, laquelle a été précédemment écartée. Il lui est donc dû une indemnité compensatrice de préavis. La salariée, qui justifie d’une ancienneté de douze ans, peut prétendre au paiement d’une indemnité compensatrice de préavis égale à deux mois de salaire en application de l’article L. 1234-1 du code du travail.

Les parties s’opposent sur le calcul du salaire mensuel moyen à prendre en compte, la salariée se référant à une moyenne brute mensuelle 3 289,77 euros bruts calculée, tandis que l’employeur se fonde sur une somme de 2 365 euros bruts (2 026 euros de salaire de base + 65 euros au titre de la prime d’ancienneté + 274 euros au titre de la prime mensuelle de fonction) en application des dispositions figurant à l’avenant au contrat de travail du 11 décembre 2017 et correspondant à la partie fixe de la rémunération.

La cour écarte la base de calcul proposée par l’employeur car elle n’intègre que la partie fixe de la rémunération brute mensuelle de Mme [H], alors que celle-ci percevait également une partie variable en fonction de la réalisation d’objectifs selon les termes de l’avenant du 11 décembre 2017.

Il convient en conséquence, sur le fondement de la base de calcul proposée par la salariée à hauteur de 3 289,77 euros, et précédemment retenue par la cour, d’allouer à Mme [H] la somme de 6579,54 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, outre 657,95 euros de congés payés afférents, par voie de confirmation du jugement entrepris.

3. Sur les demandes subsidiaires

Aux termes de son dispositif, Madame [H] demande l’infirmation de la décision entreprise en ce qu’elle a dit que le licenciement de Mme [H] n’était pas nul et condamné la société à verser à Mme [H] les sommes de 20 000 euros pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 839 euros de dommages-intérêts pour perte de chance de primes et 1 500 euros au titre des frais irrépétibles puis elle sollicite, à titre principal, la nullité du licenciement et la condamnation de l’employeur au paiement d’une indemnité correspondant à 24 mois de salaire et, « à titre subsidiaire, et dans l’hypothèse où la cour considérerait que le licenciement n’est pas nul », une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et une somme de 4 381 euros au titre du rappel de primes.

Selon l’article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion. La cour ayant fait droit à la demande principale tendant à la nullité du licenciement de Mme [H] et à l’indemnisation subséquente, il n’y a pas lieu d’examiner les prétentions formulées à titre subsidiaire par la salariée, dont la demande de condamnation de la société à lui verser une somme au titre du rappel de prime.

4. Sur les indemnités chômage

En application de l’article L. 1235-4 du code du travail, il convient d’ordonner d’office le remboursement par l’employeur aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage.

5. Sur les intérêts

Les créances salariales porteront intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par l’employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation et d’orientation et les créances indemnitaires porteront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

6. Sur la remise des documents de fin de contrat

Il convient d’ordonner à l’employeur de remettre à la salariée un certificat de travail et un bulletin de paie récapitulatif conformes au présent arrêt, sans qu’il soit nécessaire de prononcer une astreinte à ce titre.

7. Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

L’employeur qui succombe, supportera la charge des dépens de première instance, par voie de confirmation, et également d’appel, et ne saurait bénéficier d’une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Il est inéquitable de laisser à la charge de la salariée les frais par elle exposés non compris dans les dépens. Il convient en conséquence de condamner l’employeur à payer à Mme [H] la somme de 3000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort et prononcé par mise à disposition au greffe:

INFIRME le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Montmorency le 9 mai 2022, sauf en ce qu’il a condamné la société JPG au titre de l’indemnité légale de licenciement, de l’indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents, des frais irrépétibles et des dépens,

Statuant à nouveau des chefs infirmés, et y ajoutant,

DIT que le licenciement est nul,

CONDAMNE la société JPG à payer à Mme [H] la somme de 55 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement nul,

DIT que les créances salariales porteront intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par l’employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation et d’orientation et les créances indemnitaires porteront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

ORDONNE le remboursement par l’employeur à France travail de tout ou partie des indemnités de chômage versées à la salariée, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage,

ORDONNE à la société JPG de remettre à Mme [H] un certificat de travail et un bulletin de paie récapitulatif, établis conformément au présent arrêt,

DIT n’y avoir lieu à astreinte,

CONDAMNE la société JPG à payer à Mme [H] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes,

CONDAMNE la société JPG aux dépens en cause d’appel.

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Laurence SINQUIN, Présidente et par Madame Isabelle FIORE, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière La Présidente


 


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