Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Versailles
Thématique : Contrefaçon infirmée en cassation
→ RésuméLa Cour a infirmé le jugement initial qui avait reconnu les œuvres « Aïcha I » et « Aïcha 2 » comme contrefaçons de « For Ever », condamnant plusieurs parties à verser des dommages et intérêts à M. [X]. En cassation, la demande de M. [X] a été rejetée, et il a été débouté de toutes ses demandes. La Cour a également déclaré sans objet la demande de garantie de M. [V]. Les dépens de la procédure ont été partagés entre les parties. Cette décision souligne l’importance de l’originalité dans l’appréciation des œuvres musicales et la distinction entre inspiration et contrefaçon.
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Oeuvre de collaboration
La Cour a infirmé le jugement initial qui avait conclu que les oeuvres « Aïcha I » et « Aïcha 2 » constituaient des contrefaçons de l’oeuvre « For Ever » et avait condamné plusieurs parties à verser des dommages et intérêts à M. [X]. La Cour a rejeté la demande de M. [X] et a débouté de toutes ses demandes. Elle a également déclaré sans objet la demande de garantie par M. [V]. Les dépens de la procédure ont été partagés par moitié entre les parties.
Affaire Aicha
La Cour, statuant dans les limites de la cassation, INFIRME le jugement en ce qu’il a dit que les seize mesures des deux couplets des oeuvres « Aïcha I » et » Aïcha 2″ constituent des contrefaçons de l’oeuvre « For Ever » sur laquelle M. [X] est titulaire de droits d’auteur, condamné in solidum M. [F], M. [V], la société JRG Editions Musicales et la société EMI Virgin Music Publishing France à payer à M. [X] la somme de 15 000 euros en réparation de l’atteinte à son droit moral, condamné M. [V] à garantir la société EMI Virgin Music Publishing France de toute condamnation prononcée à son encontre dans le présent jugement, condamné in solidum M. [F], M. [V], la société JRG Editions Musicales et la société EMI Virgin Music Publishing France aux dépens, condamné in solidum M. [F], M. [V], la société JRG Editions Musicales et la société EMI Virgin Music Publishing France à payer à M. [X] la somme de 12 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Rejet de la demande
Statuant de nouveau de ces chefs : REJETTE la demande tendant à juger que les oeuvres « Aïcha I » et » Aïcha 2″ constituent des contrefaçons de l’oeuvre « For Ever », DÉBOUTE M. [X] de toutes ses demandes, DÉCLARE sans objet la demande de garantie par M. [V],
Les problématiques associées à cette affaire portant sur les oeuvres de collaboration :
1. La question de la contrefaçon des oeuvres « Aïcha I » et « Aïcha 2 » par rapport à l’oeuvre « For Ever » et la détermination des droits d’auteur de M. [X].
2. La responsabilité des parties, notamment de M. [F], M. [V], la société JRG Editions Musicales et la société EMI Virgin Music Publishing France, en ce qui concerne l’atteinte au droit moral de M. [X] et le paiement des sommes allouées.
3. La répartition des dépens de la procédure, y compris les frais d’expertise, entre les parties et les modalités de notification de l’arrêt aux parties concernées.
Oeuvres de collaboration : les thématiques associées
– Contrefaçon
– Droit d’auteur
– Réparation
– Dépens
Oeuvres de collaboration : les définitions à connaître
– Contrefaçon: L’acte de reproduire, imiter ou copier une œuvre protégée par le droit d’auteur sans autorisation.
– Droit d’auteur: Un droit exclusif accordé à l’auteur d’une œuvre littéraire, artistique ou intellectuelle pour protéger sa création contre toute utilisation non autorisée.
– Réparation: L’indemnisation financière ou toute autre forme de compensation accordée à une partie lésée pour compenser un préjudice subi.
– Dépens: Les frais engagés lors d’une procédure judiciaire, tels que les honoraires d’avocat, les frais de justice et les frais d’expertise, qui peuvent être mis à la charge de la partie perdante.
Parties impliquées dans cette affaire
Les sociétés impliquées dans cette affaire sont SARLAU BMG RIGHTS MANAGEMENT (FRANCE), anciennement SARL EMI VIRGIN MUSIC PUBLISHING, représentée par Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, et la SELARL MINAULT PATRICIA représentant Monsieur [K] [X] dit [C] [X].
* * *
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
1ère chambre 1ère section
ARRÊT N°
PAR DÉFAUT
Code nac : 79A
DU 21 AVRIL 2020
N° RG 16/00766
N° Portalis DBV3-V-B7A-QMW6
AFFAIRE :
[B] [V]
[T] [O] [F]
et autres
C/
[K] [X] dit [C] [X]
[J] [A] [H] dit [Y]
Décision déférée à la cour : Arrêt rendu le 20 Septembre 2013 par le Cour d’Appel de PARIS
N° Chambre : 2
N° Section :
N° RG : 11/22947
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
-la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES,
-la SELARL MINAULT PATRICIA
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT ET UN AVRIL DEUX MILLE VINGT,
La cour d’appel de VERSAILLES, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
DEMANDEURS devant la cour d’appel de Versailles saisie comme cour de renvoi, en exécution d’un arrêt de la Cour de cassation (1) du 30.09.2015 cassant partiellement l’arrêt rendu par la cour d’appel de PARIS le 20.09.2013
Monsieur [B] [V]
né le [Date naissance 6] 1951 à [Localité 22]
de nationalité Française
[Adresse 5]
[Localité 16]
Monsieur [B] [V] exerçant sous le nom commercial JRG EDITIONS MUSICALES – CAMINAIR
né le [Date naissance 6] 1951 à [Localité 22]
[Adresse 5]
[Localité 16]
Monsieur [T] [O] [F]
né le [Date naissance 1] 1959 à [Localité 20]
de nationalité Française
[Adresse 11]
[Localité 17]
SARLAU BMG RIGHTS MANAGEMENT (FRANCE), venant aux droits de la SAS BMG VM MUSIC FRANCE anciennement dénommée SARL EMI VIRGIN MUSIC PUBLISHING
[Adresse 12]
[Localité 14]
représentés par Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat postulant – barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 – N° du dossier 1655572,
Me Chloé BROTONS substituant Me Alain BARSIKIAN de l’AARPI CBR & ASSOCIES, avocat plaidant – PARIS, vestiaire : R139
DÉFENDEUR DEVANT LA COUR DE RENVOI
Monsieur [K] [X] dit [C] [X]
né le [Date naissance 10] 1973 à [Localité 23] (SUISSE)
de nationalité Suisse
[Adresse 15]
[Localité 8] (SUISSE)
représenté par Me Patricia MINAULT de la SELARL MINAULT PATRICIA, avocat postulant – barreau de VERSAILLES, vestiaire : 619 – N° du dossier 20160084
Me Tristan MONTAIGNE substituant Me Béatrice MOREAU-MARGOTIN de la SELARL JP KARSENTY ET ASSOCIES, avocat plaidant – barreau de PARIS, vestiaire : R156,
Monsieur [J] [A] [H] dit [Y]
né le [Date naissance 9] 1960 à [Localité 21] (ALGÉRIE)
[Adresse 7]
[Localité 18]
LUXEMBOURG (LUXEMBOURG)
Défaillant
PARTIE INTERVENANTE
Composition de la cour :
L’affaire a été débattue à l’audience publique du 03 Février 2020, Monsieur Alain PALAU, président, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :
Monsieur Alain PALAU, Président,
Madame Anne LELIEVRE, Conseiller,
Madame Nathalie LAUER, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Madame Natacha BOURGUEIL ;
…
Sur la protection par le droit d’auteur
Considérant que les appelants indiquent, dans le corps de leurs conclusions, qu’ils «’ne contestent pas l’originalité de For Ever dans son ensemble mais uniquement l’originalité des éléments prétendument repris dans’»’Aïcha’;
Considérant que l’oeuvre For Ever bénéficie donc, en tant que telle, de la protection conférée par l’article L 111-1 du code de la propriété intellectuelle’;
Sur les éléments d’originalité de l »uvre
Considérant que l’appréciation de l’éventuelle contrefaçon nécessite de préciser les éléments permettant de retenir l’originalité, reconnue, de l »uvre For Ever’;
Considérant qu’est originale une ‘uvre qui porte l’empreinte de la personnalité de son créateur ; que l’oeuvre revendiquée doit donc révéler un effort créatif portant cette empreinte ;
Considérant que l’originalité de cette oeuvre doit être appréciée dans son ensemble au regard des différents éléments, fussent-ils connus et employés, qui la composent, pris dans leur combinaison ;
Considérant que l’originalité d’une oeuvre musicale peut se révéler dans la mélodie, dans l’harmonie ou dans le rythme ;
Considérant qu’est produite aux débats, conformément à l’ordonnance du juge de la mise en état du 10 février 2010, la duplication, par huissier, de l’enregistrement de l »uvre For Ever déposé à la SUISA ;
Considérant que c’est sur la base de cet enregistrement que doivent être appréciés les éléments caractérisant l’originalité de l »uvre ;
Considérant que la mélodie de For Ever est constituée par les quatre notes Do# – Ré – Do# – Si jouées dans le même ordre de façon successive sur la quasi-totalité des 108 mesures de l’oeuvre ;
Considérant qu’après avoir étudié une section de 16 mesures, M. [M] -dont les constatations sont, au moins sur ce point, précises et les conclusions étayées- a conclu que les renversements d’accords harmoniques donnaient une « impression de mélodie » sur quatre notes qui devenait un leitmotiv musical aisément repérable ; que cette succession d’accords, avec des renversements, lui confère un climat original et particulier ;
Considérant que, même limitée à ces 16 mesures, alors qu’en réalité, ces notes sont jouées sur la quasi-totalité de l’oeuvre ainsi qu’il résulte des pièces produites, cette succession banale de notes est donc traitée par l’auteur d’une manière personnelle ;
Considérant que la combinaison précitée ne constitue dès lors pas une simple compilation mais procède du choix d’une structure harmonique destinée à donner une impression de mélodie sur ces notes ;
Considérant que cette série de ces quatre notes ainsi jouées successivement et de façon répétée dans la quasi-totalité de l »uvre reflète la personnalité de l’auteur ;
Considérant que c’est donc au regard de cette combinaison prise dans son ensemble que doivent être examinées les antériorités invoquées ;
Considérant qu’aucun expert n’a fait état, dans des ‘uvres précédentes, d’une telle répétition ; que les appelants ne justifient pas d »uvres antérieures adoptant, de la même manière, la même combinaison ; qu’aucune antériorité ne peut dès lors être opposée à M. [X] au titre de cette séquence sonore ;
Considérant qu’est donc protégée cette combinaison qui constitue l’élément caractéristique de l’oeuvre ;
Sur la contrefaçon
Considérant qu’aux termes de l’article L 122-4 du code de la propriété intellectuelle,
« Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite. Il en est de même pour la traduction, l’adaptation ou la transformation, l’arrangement ou la reproduction par un art ou un procédé quelconque. » ;
Considérant qu’il est constant que l’oeuvre For Ever est antérieure à l’oeuvre Aïcha ; qu’il est également constant qu’aucune cession de droits n’est intervenue ;
Considérant que l’originalité de l »uvre peut se manifester, comme en l’espèce, dans l’assemblage d’éléments connus’dès lors que cette combinaison reflète la personnalité de l’auteur ;
Considérant que la contrefaçon ne peut donc s’apprécier au regard de chacun de ces éléments pris isolément sauf à priver de tout effet la protection d’une oeuvre dont l’originalité résulte de la combinaison d’éléments connus ;
Considérant que c’est eu égard à la reprise de la combinaison elle-même que la contrefaçon invoquée doit dès lors être examinée ;
Considérant qu’en l’espèce, l’originalité de l’oeuvre For Ever résulte de la combinaison précitée de notes ;
Considérant que l’éventuelle contrefaçon doit donc être appréciée non au regard de l’enchaînement de quatre notes jouées sur deux mesures mais de leur combinaison et de leur répétition’soit, conformément à la séquence limitée décrite par M. [M], un enchaînement de huit notes répétées deux fois ;
Considérant que l’analyse ne peut donc porter sur la seule séquence de quatre notes jouées sur deux mesures mais sur la section constituée de 16 mesures -huit mesures qui, par l’effet de la double-barre en fin de huitième mesure, se jouent successivement deux fois- revendiquée par M. [X] ;
Considérant que l’oeuvre musicale est constituée d’une mélodie, d’une harmonie et d’une rythmique ;
Considérant que la mélodie soit « l’émission d’un nombre indéterminé de sons successifs » est l’élément déterminant de l »uvre ;
Considérant que la reprise de la mélodie, même partielle ou brève, dans une oeuvre seconde peut constituer une contrefaçon ; que, malgré la brièveté du passage repris, l’oeuvre seconde est contrefaisante si la mélodie de l »uvre originale est clairement reconnaissable ;
Considérant que l’expert judiciaire a conclu que les parties mélodiques des deux ‘uvres étaient dépourvues de lien étant précisé que, contrairement à ses conclusions, M. [X] n’a pas reconnu, dans son dire du 30 janvier 2019, cette absence ;
Considérant que M. [X] revendique, sur le plan mélodique, une contrefaçon des mesures 13 à 20 de For Ever répétées une fois qui auraient été reprises dans les mesures 5 à 12 et 13 à 20 de Aïcha ;
Considérant que M. [M] a considéré ces mélodies très proches car suivant les mêmes harmonies ;
Considérant qu’il a relevé, dans le premier couplet d’Aïcha, 22 notes communes sur 32′; qu’il a précisé que la majorité d’entre elles étaient les notes Do# – Ré – Do# – Si jouées ou chantées dans le même ordre ;
Considérant qu’il a relevé, dans le second couplet d’Aïcha, 21 notes communes sur 33′;
Considérant que, dans son rapport du 18 mars 2012, M. [G]- qui précise toutefois que, concernant la mélodie, « on s’accorde généralement à estimer qu’il faut 8 à 10 notes successives pour que l’affaire devienne sérieuse » -écarte toute contrefaçon à cet égard car, « sur la 7ème note, le Mi fait basculer une cellule mélodique banale vers un thème ayant sa personnalité »’;
Considérant que M. [Z], dans son rapport initial, écarte toute ligne mélodique dans le segment de For Ever invoqué puis, dans un second rapport, fait état d’une mélodie qu’il compare à une autre ‘uvre qui constituerait une antériorité ;
Considérant que tant l’expert judiciaire que MM. [G] et [Z] se fondent sur le caractère commun de la séquence de quatre notes et non sur sa reprise sur 16 mesures ; qu’ils ne se réfèrent donc pas à la combinaison d’éléments connus qui constitue l’originalité de l’oeuvre ;
Considérant que leurs conclusions ne peuvent dès lors contredire utilement celles de M. [M] ;
Considérant que le rythme, soit le « groupement de sons selon une accentuation régulière, dont la dominante revient à des intervalles périodiques » est déterminé par les rapports de durée entre les sons,’mais aussi par les différences d’accentuation des notes ou combinaisons de notes les unes par rapport aux autres ;
Considérant qu’il n’est qu’un élément de la composition’musicale et n’a pas, en tant que tel, un caractère original, les ‘uvres qui s’inscrivent dans un même courant ou genre musical, employant un rythme identique ;
Considérant que l’expert judiciaire décrit les rythmes de ces oeuvres mais sans en tirer de conclusion ;
Considérant que M. [M] a relevé certaines similitudes, que M. [Z] a estimé qu’il y « avait peu à dire sur le sujet » et que M. [G] a fait état de rythmes différents ;
Considérant que ces constatations et conclusions de ces experts ne permettent pas de retenir l’existence d’une contrefaçon au regard de la seule analyse rythmique ;
Considérant que l’harmonie soit le « résultat de l’émission simultanée de plusieurs sons différents d’accords » est un ensemble de sons soutenant la mélodie dans un enchaînement et une construction d’ensemble ; qu’elle sert la mélodie ; qu’elle ne constitue pas l’élément déterminant de l’oeuvre ;
Considérant que M. [S] affirme que seuls trois accords sur quatre sont identiques et estime insuffisante la ressemblance harmonique compte tenu de la différence d’un accord sur quatre et de l’absence d’originalité de cette suite d’accords ;
Considérant que M. [M] fait état de similitudes entre deux suites harmoniques présentant a priori peu d’originalité mais souligne que For Ever « est construit pratiquement d’un bout à l’autre sur cette formule harmonique avec des renversements d’accords » ce qui caractérise son originalité ;
Considérant que M. [G] indique que si l’harmonie est la même, celle-ci se résume à quatre accords parfaits soit une harmonie banale ; que M. [Z] a souligné son usage constant ;
Considérant qu’à l’instar de leurs développements portant sur la mélodie, l’expert judiciaire et MM. [Z] et [G] ne se sont pas fondés sur les 16 mesures de For Ever soit sur la combinaison qui caractérise l’originalité de l »uvre ;
Considérant, de même, qu’à défaut de prise en compte de la séquence de 16 mesures revendiquée, les antériorités invoquées ne sont pas fondées ;
Considérant qu’il résulte de l’ensemble de ces éléments, de l’écoute des ‘uvres et de l’analyse des partitions communiquées que, comme l’a estimé le tribunal, la mélodie de Aïcha présente de « très fortes similitudes » dans les mesures invoquées avec celle de For Ever avec la reprise de la même mélodie sur 16 mesures ; que cette similitude est accentuée par les ressemblances harmoniques ;
Considérant que cette reprise des éléments caractérisant l’originalité de For Ever serait susceptible de constituer des actes de contrefaçon ;
Sur la rencontre fortuite
Considérant que la contrefaçon est caractérisée, indépendamment de toute faute ou mauvaise foi, par la reproduction, la représentation ou l’exploitation d’une ‘uvre de l’esprit en violation des droits de propriété qui y sont attachés ;
Considérant que cette contrefaçon résulte donc de sa seule reproduction ;
Considérant qu’elle ne peut être écartée que lorsque celui qui la conteste démontre que les similitudes existant entre les deux ‘uvres procèdent, comme il est prétendu en l’espèce, d’une’rencontre’fortuite ; qu’il doit démontrer qu’il n’a pu connaître l’oeuvre première ;
Considérant qu’il lui appartient de justifier de cette « rencontre fortuite »’par la production de tous éléments utiles ; que, compte tenu de la difficulté de rapporter la preuve d’un fait négatif, l’existence de cette rencontre fortuite peut être établie grâce à des indices à condition que ceux-ci soient suffisants ;
Considérant que toute exécution publique doit donner lieu à déclaration et au paiement d’une redevance ;
Considérant que M. [X] ne justifie pas de la perception d’un droit ;
Considérant que l »uvre For Ever n’a donc pas été exploitée avant la création d’Aïcha ;
Considérant que M. [X] verse aux débats plusieurs attestations’démontrant, selon lui, qu’elle a été divulguée’antérieurement ;
Considérant que M. [E] témoigne qu’alors qu’il était animateur bénévole sur les ondes de « Radio Rhône » en 1993 et 1994, il a passé, de façon aléatoire, l’oeuvre litigieuse ; que M. [U] atteste qu’alors qu’il était gérant du bar Casablanca à [Localité 23], il a diffusé de 1993 à 1998 l’album « L’expérience’» de M. [X] dont il précise qu’il contenait l »uvre For Ever’; que M. [I] indique également qu’il a diffusé, durant ces années, l’album X-Perience dans diverses clubs-discothèques -qu’il cite ;
Considérant que M. [L] indique qu’il avait remis une cassette puis un mini-disc ; que la référence à un « album’» paru en 2001 est donc erronée mais insuffisante à infirmer ces témoignages ;
Considérant, toutefois, que M. [X] ne démontre pas, par ces attestations, que l »uvre intitulée For Ever alors diffusée est identique à celle qu’il a déclarée le 7 juillet 1994 et qui fait l’objet de la présente procédure ;
Considérant, par ailleurs, que M. [V] réside en France ; qu’il était, cependant, en tournée à [Localité 19] les 11 et 12 juin 1994′;
Considérant que « Radio Rhône » a une zone de diffusion très restreinte, n’étant pas reçue à [Localité 19] ; que M. [V] peut utilement faire valoir qu’il n’a pu accéder par son intermédiaire à l’oeuvre de M. [X] ni pendant sa tournée ni à une autre occasion ;
Considérant que MM. [U] et [I] ne précisent pas la fréquence de la diffusion de l’oeuvre For Ever ; que le terme ‘régulièrement »est insuffisant à cet égard alors même, au surplus, que For Ever n’est qu’un des titres de l’album’« régulièrement diffusé » ;
Considérant que le bar Casablanca se trouve à [Localité 23] soit à plus de 100 kilomètres de [Localité 19] et les discothèques citées par M. [I] dans le Valais soit éloignées de [Localité 19] ;
Considérant que M. [X] ne verse pas aux débats de pièces justifiant d’une renommée particulière de ces discothèques ; qu’il n’est pas vraisemblable que M. [V] ait, en pleine tournée, effectué des dizaines de kilomètres pour s’y rendre ; qu’il n’est pas davantage vraisemblable que, au moment de ce prétendu passage, l’oeuvre For Ever ait précisément été diffusée ;
Considérant, enfin, que la présence de M. [V] dans ces établissements avant le dépôt de son oeuvre n’est attestée par aucun témoin ; que les auteurs des attestations, pourtant disc jockeys, ne déclarent pas avoir vu- à quelque moment que ce soit- M. [V] dans leur établissement ;
Considérant qu’au vu de ces éléments, M. [V] établit que la diffusion extrêmement limitée de l »uvre For Ever, à supposer qu’il s’agisse de l »uvre examinée ci-dessus, ne lui a pas permis d’en prendre directement connaissance ;
Considérant qu’il ressort également de cette diffusion limitée qu’il justifie n’avoir pu raisonnablement connaître l »uvre qu’on l’accuse d’avoir reproduite ;
Considérant, enfin, que le dépôt dès septembre 1994 par M. [V] d’une oeuvre -non arguée de contrefaçon- ne peut caractériser sa connaissance de For Ever ;
Considérant que les appelants rapportent donc la preuve que les similitudes précitées résultent d’une rencontre fortuite ;
Considérant que cette rencontre fortuite exclut l’existence d’une contrefaçon ;
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant par arrêt rendu par défaut et mis à disposition ;
Statuant dans les limites de la cassation,
INFIRME le jugement en ce qu’il a dit que les seize mesures des deux couplets des oeuvres « Aïcha I » et » Aïcha 2″ constituent des contrefaçons de l’oeuvre « For Ever » sur laquelle M. [X] est titulaire de droits d’auteur, condamné in solidum M. [F], M. [V], la société JRG Editions Musicales et la société EMI Virgin Music Publishing France à payer à M. [X] la somme de 15 000 euros en réparation de l’atteinte à son droit moral, condamné M. [V] à garantir la société EMI Virgin Music Publishing France de toute condamnation prononcée à son encontre dans le présent jugement, condamné in solidum M. [F], M. [V], la société JRG Editions Musicales et la société EMI Virgin Music Publishing France aux dépens, condamné in solidum M. [F], M. [V], la société JRG Editions Musicales et la société EMI Virgin Music Publishing France à payer à M. [X] la somme de 12 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Statuant de nouveau de ces chefs :
REJETTE la demande tendant à juger que les oeuvres « Aïcha I » et » Aïcha 2″ constituent des contrefaçons de l’oeuvre « For Ever »,
DÉBOUTE M. [X] de toutes ses demandes,
DÉCLARE sans objet la demande de garantie par M. [V],
Y ajoutant :
REJETTE toutes demandes plus amples ou contraires,
FAIT masse des dépens de la procédure -incluant l’expertise- et dit qu’ils seront à la charge de chacune des parties par moitié ;
– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
– signé par Monsieur Alain PALAU, président, et par Madame Natacha BOURGUEIL, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, Le Président,
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